DROIT DES PERSONNES --- Chapitre 3ème : Quelques indications sur le corps humain
Indisponibilité :
Ce principe a été affirmé par le juge la première fois à propos des maternités de substitution en 1991. Cependant, il ne saurait plus être affirmé depuis les lois du 29 juillet 1994, en vertu desquelles le corps et les organes peuvent faire l’objet de conventions, mais seulement à titre gratuit. Dès lors, ils ne sont plus indisponibles car ils peuvent faire l’objet d’actes juridiques du moment que leur cause n’est ni illicite, ni immorale.
Inviolabilité :
Le nouvel article 16-1 du code civil dispose que « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable ». Ce principe signifie que les atteintes à l’intégrité physique de la personne sont prohibées. Les tiers ne peuvent donc pas porter atteinte au corps d’autrui sans mettre en jeu leur responsabilité civile ou pénale.
Les médecins ne portent pas atteinte à la liberté fondamentale du patient d’exprimer son consentement à un traitement médical, lorsqu’après avoir tout mis en œuvre pour convaincre un patient d’accepter les soins indispensables, ils accomplissent, dans le but de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état. Cela n’est pas non plus incompatible avec l’article 9 CESDH relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Il y a donc une obligation pour le médecin de tout mettre en œuvre pour convaincre le patient et obtenir son consentement, mais le médecin peut aller à l’encontre de la volonté du patient lorsque sa vie est en cause (CE, 26 oct. 2001 : D.2001.IR.3253 ; CE, 16 aout 2002, D.2004.Somm.602).
Non patrimonialité :
Divers articles de la loi du 29 juillet 1994 expriment le principe de non-patrimonialité du corps humain, de ses éléments et de ses produits. Ainsi, sont nuls les conventions qui confèrent au corps humain, un caractère patrimonial. Pas de rémunération possible à celui qui se prête à une expérimentation, au prélèvement d’éléments de son corps ou produits.
Gestation pour autrui :
Sur ce thème, il convient de se rapporter au rapport d’information du Sénat n° 421 sur la maternité pour autrui, disponible sur le site du Sénat. Ce rapport expose la situation actuelle sur la maternité pour autrui en évoquant les différentes questions sur la matière. En premier lieu, il est fait rappel de l’ancienneté de cette pratique en France malgré des sanctions pénales (Art. 227-12 CP : 1 an et 15 000 € pour le fait de s’entremettre ; Art. 227-13 CP : 3 ans et 45 000 € pour la substitution) et civiles (Art. 16-7 c.civ. : nullité de toute convention) sévères. Si certains pays tiennent la même position que la France (Allemagne, Espagne, Italie, Autriche, Suisse), d’autres tolèrent (Belgique, Pays-Bas) ou organisent et encadrent (Royaume-Uni, Grèce) le recours à la maternité pour autrui. En France, des tentatives de contournement s’organisent avec des échecs, mais aussi des réussites comme la retranscription des décisions étrangères sur l’état civil français après avoir pratiquées une maternité pour autrui à l’étranger ; ou une reconnaissance que par le père (le risque survenant en cas de décès, la mère n’étant qu’un tiers). De fait, cette prohibition est de plus en plus contestée notamment en raison des possibilités d’un don réfléchi, limité et non mercantile ; de l’évolution des techniques scientifiques permettant à une femme de porter un enfant conçu avec les ovocytes d’une autre femme et une insémination du sperme de l’homme (sans relations sexuelles) ; et puisque ni l’intérêt de l’enfant ni celui de la société ne semblent remis en cause. Ceci implique donc de distinguer la procréation pour autrui de la gestation pour autrui. Le Groupe de travail recommande donc l’autorisation de la gestation pour autrui en encadrant la pratique de conditions strictes.
Procréation pour autrui : la femme portant l’enfant est la mère génétique.
Gestation pour autrui ou maternité pour autrui : la femme portant l’enfant n’est que la gestatrice, l’enfant est conçu qu’avec les gamètes du couple.
Prélèvement d’organes :
Le prélèvement sur une personne vivante suppose différentes conditions :
- Le donneur est informé des risques encourus et les conséquences du prélèvement ;
- Il exprime son consentement devant un magistrat, consentement révocable à tout moment ;
- Le prélèvement représente, pour le receveur, un intérêt thérapeutique direct ;
- Le receveur est la fille ou le fils du donneur, ou suite à l’accord d’un comité d’experts, le conjoint, la mère ou le père, son frère, sa sœur, un des grands-parents, un oncle, une tante, un cousin germain, ou une personne apportant la preuve de deux ans de vie commune avec le bénéficiaire du prélèvement (Art. L1231-1 du Code de la Santé Publique) ;
- Sont exclus les mineurs et majeure sous protection.
De la même façon, le prélèvement sur une personne décédée suppose plusieurs conditions :
- Le constat de la mort ;
- L’individu ne doit pas avoir fait connaître de son vivant son refus. Si les médecins n’ont pas directement connaissance de la volonté du défunt, en ce qui concerne un refus de prélèvement, ils s’efforcent de recueillir auprès des proches l’opposition d’un don d’organes éventuellement exprimée de son vivant (Art. L1232-1 du Code de la Santé Publique) ;
- Pour un défunt mineur ou majeur sous tutelle, il faut obtenir l’accord écrit de chacun des titulaires de l’autorité parentale ou du représentant légal de l’incapable.
Prélèvement de tissus, cellules et produits :
Sur personne vivante : uniquement dans un but thérapeutique ou scientifique ou de réalisation de contrôle des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro … soit dans les cas posés par le législateur à l’article L 1241-1 du Code de la Santé Publique. Le donneur doit avoir donné son consentement écrit. Le don de spermatozoïdes et d’ovocytes est soumis à des particularités, le donneur devant avoir procréé et le consentement des membres du couple donneur et receveur devant donner leur consentement.
Sur personne décédée : prélèvements effectués dans les mêmes conditions que pour les organes.
Empreintes génétiques :
Article 16-11 c.civ. : « L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique ou d'identification d'un militaire décédé à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées.
En matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides. Le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli. Sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort. Lorsque l'identification est effectuée à des fins médicales ou de recherche scientifique, le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'identification, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l'identification. Il est révocable sans forme et à tout moment ».
En France, pour faire faire légalement un test de paternité juste pour vérifier une filiation, il faut que ce soit dans le cadre d'une action judiciaire selon cet article 16-11 du code civil, introduit par la loi du 29 juillet 1994.
Il n'est pas possible d'obliger les personnes concernées à se soumettre à ce test.
Le principe fondamental de l’inviolabilité du corps humain s’oppose à ce que le juge civil recourt à une mesure de coercition, même d’ordre pécuniaire, afin de contraindre un individu à subir une atteinte directe à son corps, telle que l’expertise sanguine demandée dans une action en recherche de paternité. De plus, l’article 16-11, dans sa rédaction issue de la L. n° 2004-800 du 6 août 2004, selon lequel sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort, est immédiatement applicable aux situations en cours.
Concernant la reconnaissance de filiation, il faut noter qu’une expertise génétique n’est pas obligatoire pour que les juges du fond apprécient une paternité. S’ils constatent des présomptions et indices graves et suffisants, l’expertise peut dès lors être superfétatoire. En outre, la loi prévoit que le juge pourra tirer les conséquences d'un refus de se soumettre à un test de paternité. Autrement dit, rien ne sert de refuser de s'y soumettre, cela n'exonère pas de ses obligations légales.
La dépouille mortelle :
Concernant la nature juridique d’une dépouille mortelle, il convient de dire que le cadavre, est une chose. Le décès transforme donc la personne est une chose. Comme l’indique les décisions du TGI de Lille du 5 décembre 1996 et 10 novembre 2004 : La dépouille mortelle fait l’objet d’un droit de propriété familiale et demeure un objet de respect dont l’article 16-1 C.Civ. rappelle le caractère sacré.
Il est dû un respect en raison du caractère sacré du mort. D’ailleurs, ce respect s’impose au médecin dans ses rapports avec son patient qui ne cesse de s’appliquer avec le décès de celui-ci (CE, 2 juillet 1993).
Les ayants-droit pourront donc agir en justice pour défendre l’atteinte à l’image ou à la mémoire du défunt. Les funérailles peuvent avoir été organisées par le défunt (testament ou sous seing privé, devant respecter l’ordre public et les bonnes mœurs). En cas de différends ou d’incertitudes, le conjoint survivant ou les proches (descendants, ascendants) règlent ces funérailles ou l’incinération. Le choix s’exerce entre l’inhumation et la crémation, la congélation étant exclue. Les sépultures sont aussi protégées, tout comme les atteintes aux cadavres.
Des sanctions pénales sont prévues pour sanctionner les atteintes aux défunts. Les articles 225-17 CP et suivants sanctionnent les atteintes au respect dû aux morts. Par exemple, l’art. 225-17 CP punit d’un an et 15 000 € toute atteinte à l’intégrité d’un cadavre, tout comme la violation ou la profanation de sépultures.
L’art. 434-7 CP punit le fait de receler ou de cacher un cadavre d’une personne victime d’un homicide ou décédée des suites de violences par 2 ans et 30 000 €.
L’art. 433-21-1 CP punit de 6 mois et 7 500 € la personne qui donne aux funérailles un caractère contraire à la volonté du défunt.