VIOLENCES CONJUGALES – DISPOSITIF ELECTRONIQUE MOBILE ANTI-RAPPROCHEMENT
Décret n° 2020-1161 du 23 septembre 2020,
relatif à la mise en œuvre d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement
La loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille[1] crée, en s’appuyant sur l’expérience espagnole, un dispositif électronique mobile anti-rapprochement. Appelé le bracelet anti-rapprochement (BAR), il provoque une alerte, à l’aide d’une géolocalisation en temps réel, dès que le porteur du bracelet ne respecte pas la distanciation imposée avec sa victime. « Très rassurant pour les victimes, répond[-ant] à l’impératif de protection de celles-ci tout en offrant une véritable alternative à la détention »[2], les juridictions pénales peuvent le mobiliser pendant la phase pré-sentencielle comme post-sentencielle. Ce décret n° 2020-1161 du 23 septembre 2020[3] prévoit les modalités d’application de ce nouveau dispositif de protection.
Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le juge[4] peut interdire à la personne placée sous contrôle judiciaire de se rapprocher de la victime à moins d’une certaine distance[5]. Cette mesure sera ainsi assurée par le recours au bracelet anti-rapprochement, dont ce décret organise la mise en œuvre par la création des articles R. 24-14 à R. 24-24 du Code de procédure pénale. Plus particulièrement, le décret fixe les distances devant séparer la victime et la personne placée sous contrôle. De façon générale, le nouvel article R. 24-18 du Code de procédure pénale dispose que « la distance d’alerte séparant la victime de la personne placée sous contrôle judiciaire, exprimée en nombre entier de kilomètres, ne peut être inférieure à un kilomètre, ni supérieure à dix kilomètres. La distance de pré-alerte est égale au double de la distance d’alerte ». Cette décision est prise en conciliant les impératifs de protection de la victime avec le respect de la dignité et de la vie privée, familiale et professionnelle, ainsi qu’avec les objectifs de réinsertion de l’individu soumis à la mesure[6]. La durée d’utilisation du bracelet est précisée à l’article R. 24-19 du Code de procédure pénale, fixée à 6 mois, avec possible prolongation – dès lors que son utilisation est nécessaire pour éviter le renouvellement de l’infraction[7] – pour une même durée et dans la limite des deux ans.
La juridiction de jugement ou la juridiction d’application des peines peuvent également recourir au bracelet anti-rapprochement dans le cadre d’un sursis probatoire, d’une semi-liberté, d’un placement à l’extérieur, d’une détention à domicile sous surveillance électronique, d’un fractionnement ou d’une suspension de peines, d’un suivi socio-judiciaire, d’une libération conditionnelle, d’une surveillance judiciaire ou d’un placement sous surveillance électronique mobile. Pour toutes ces opportunités de mise en œuvre du dispositif, l’article R. 60-1 du Code de procédure pénale renvoie aux règles détaillées pour le contrôle judiciaire dans les articles R. 24-16 à R. 24-23, à l’exception des articles R. 24-19 sur les durées et R. 24-22 sur la fin de l’obligation de port du bracelet[8]. On retrouve l’obligation de nécessité de la mesure, la compatibilité du dispositif avec la santé de la personne[9], les distances de pré-alerte et d’alerte, ainsi que les informations transmises au porteur du bracelet[10].
Un chapitre composé des article R. 61-43 à R. 61-51 du Code de procédure pénale est consacré à la création et au fonctionnement d’un traitement de données à caractère personnel visant à assurer le contrôle à distance des personnes placées sous ce dispositif. Ce fichier dénommé « Bracelet anti-rapprochement » doit permettre d’alerter les personnels habilités chargés du contrôle à distance du BAR[11] de l’irrespect de la mesure ou d’une altération du fonctionnement du bracelet ; de localiser la victime comme la personne porteuse du bracelet pour mettre en œuvre la protection utile ; et à des fins statistiques. Sont notamment énumérées les données à caractère personnel et les informations enregistrées dans le fichier[12] : identité, coordonnées personnelles et données relatives à l’identification biométrique vocale[13] du porteur du bracelet et de la victime, les données techniques du bracelet et du boitier de la victime, la liste des alertes émises ou des informations relatives aux personnels habilités participant au déroulement de la mesure. Plusieurs articles prévoient les personnes habilitées à accéder à ce traitement[14] ou destinataires des données[15], la durée de conservation des informations[16], les modalités d’information, d’accès, de rectification et d’effacement par renvoi à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique[17].
Le décret prévoit également les modifications utiles du Code de procédure civile, par la création d’une nouvelle section[18], pour organiser le recours au BAR, ordonné par le juge aux affaires familiales, dans le cadre d’une ordonnance de protection. Ces prévisions visent le plus souvent des impératifs similaires à la procédure pénale : consentement des parties et informations transmises, distance d’alerte, contenu et durée de la mesure, protection des droits du porteur, modification des mesures ou mainlevée du dispositif. Certaines dispositions sont néanmoins spécifiques à la matière civile, comme la possibilité pour les parties de demander le recours à ce dispositif[19]. Il est possible de mettre en exergue l’article 1136-23 du Code de procédure civile qui concilie le recours au dispositif comme mesure civile et comme mesure pénale. Ainsi, si le recours au bracelet est prononcé dans le cadre d’une procédure pénale, son utilisation au titre de l’ordonnance de protection en application de l’article 515-11-1 du Code civil fait l’objet d’une main levée de plein droit.
Selon le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, ce bracelet représente « un outil innovant qui apporte une protection complémentaire de celle offerte par le téléphone grave danger dont l’efficacité n’est plus à démontrer »[20]. Pour s’assurer d’un recours effectif à ce dispositif, ce sont 1 000 bracelets anti-rapprochement qui ont été mobilisés dès la mise en œuvre du dispositif en septembre 2020, avec un objectif de déploiement progressif sur tout le territoire[21]. Une évaluation de ce dispositif devra être envisagée dans les mois à venir, en laissant le recul nécessaire, pour déceler les éventuelles difficultés de mise en œuvre et adopter les aménagements utiles.
[1] JORF n° 302, 29 déc. 2019, texte n° 2. V. F.-X. ROUX-DEMARE, « Obs. sur loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille », RPDP, 2-2020, pp. 513-519.
[2] Ministère de la Justice, Circulaire relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences conjugales, JUSD2025172C, CRIM-2020-19/E1 – 22/09/2020, BOMJ n° 2020-09 du 30 sept. 2020, p. 3.
[3] JORF n° 233, 24 sept. 2020, texte n° 17.
[4] Selon l’article R. 24-14 du Code de procédure pénale, la décision de placement sous contrôle judiciaire avec port du BAR est prise par le juge d’instruction ou par le juge des libertés et de la détention (JLD), au vu des réquisitions écrites du procureur de la République dont il est donné lecture au mis en examen et après avoir entendu les observations de cette personne ou de son avocat, ou après un débat contradictoire devant le JLD conformément à l’article 145.
[5] C. pr. pén., art. 138-3.
[6] C. pr. pén., art. R. 24-18, al. 2nd.
[7] Pour ce faire, les interdictions de se rendre dans certains lieux et d’être en contact avec certaines personnes ne doivent pas être suffisantes.
[8] L’art. R. 60-1 prévoit expressément cette durée, qui ne peut excéder la durée de la peine, et qui est de deux ans, durée renouvelable une fois en matière délictuelle et deux fois en matière criminelle. Ce même article précise les modifications des distances ou l’arrêt du dispositif par le JAP en application de l’article 712-6 du Code de procédure pénale.
[9] C. pr. pén., art. R. 24-17.
[10] C. pr. pén., art. R. 24-20. Parmi les informations, sont précisés le nécessaire consentement du recours au dispositif, la possible révocation de son utilisation en cas de non-respect des distances de sécurité avec la victime, ou le fait de ne pas assurer le bon fonctionnement de l’appareil par son rechargement périodique.
[11] Pour les personnes privées chargées du contrôle à distance du dispositif, v. les art. R. 61-52 et R. 61-53 du C. pr. pén.
[12] C. pr. pén., art. R. 61-44.
[13] V. égal. C. pr. pén., art. R. 24-16.
[14] C. pr. pén., art. R. 61-45 et R. 61-46.
[15] C. pr. pén., art. R. 61-47.
[16] C. pr. pén., art. R. 61-48.
[17] C. pr. pén., art. R. 61-50.
[18] C. pr. civ., art. 1136-16 à 1136-23.
[19] C. pr. civ., art. 1136-16.
[20] Ministère de la Just-ice, Circulaire relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences conjugales, op. cit., p. 2.
[21] Ministère de la Justice, « Le bracelet anti-rapprochement », 30 sept. 2020[En ligne], Site du ministère de la Justice, http://www.justice.gouv.fr/le-ministere-de-la-justice-10017/le-bracelet-anti-rapprochement-33522.html (Page consultée le 14 mars 2021).
POUR CITER CE DOCUMENT :
François-Xavier ROUX-DEMARE, "Obs. sur le décret n° 2020-1161 du 23 septembre 2020, relatif à la mise en œuvre d'un dispositif électronique mobile anti-rapprochement", [En ligne], Blog personnel de F.-X. ROUX-DEMARE, http://fxrd.blogspirit.com/
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