LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT - Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 en matière économique et financière et Ordonnance n° 2020-1544 du 9 décembre 2020 en matière de lutte contre le blanchiment
Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière
Ordonnance n° 2020-1544 du 9 décembre 2020, renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques
Deux textes adoptés en fin d’année 2020 s’inscrivent dans la lutte contre le blanchiment, la loi n° 2020-1508[1] d’une part et l’ordonnance n° 2020-1544[2] d’autre part. S’il faut indiquer la publication de ces textes, ils ne se présentent pas comme des textes majeurs, pour la matière pénale, quant aux dispositions adoptées.
La loi n° 2020-1508 peut être qualifiée de « tentaculaire »[3] compte tenu des nombreuses matières qu’elle aborde : protection des consommateurs (chapitre 1), surveillance du marché et conformité des produits (chapitre 2), pratiques commerciales déloyales (chapitre 3), matière douanière (chapitre 4), matière financière (chapitre 5), fonctionnement du marché intérieur (chapitre 6), prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme (chapitre 7), santé animale (chapitre 8), fonds européen agricole (chapitre 9), communication audiovisuelle (chapitre 10), concurrence (chapitre 11), téléphonie mobile (chapitre 12) et marques de produits et de services (chapitre 13). Sont dispersées, dans ces chapitres, 16 habilitations du Gouvernement pour légiférer par voie d’ordonnance, ce qui – si certains pouvaient encore en douter – semble apparaître comme la nouvelle voie normative privilégiée. Une de ces habilitations doit permettre, par exemple, la transposition de la directive (UE) 2019/1153 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l’utilisation d’informations financières et d’une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière[4]. Noyés dans les nombreuses dispositions de cette loi se composant de 30 pages, quelques articles concernent une intervention pénale directe, dont les nouveaux articles L. 521-3-1 et L. 532-5 du Code de la consommation. Cet article L. 532-5 illustre une rédaction particulièrement complexe de certains articles. Ainsi, cet article sanctionne le non-respect des mesures ordonnées ou devant être appliquées aux adresses électroniques notifiées en application de l’article L. 521-3-1, renvoyant à son tour à une énumération d’articles. Plus précisément, il convient de se référer à « une infraction ou un manquement aux dispositions mentionnées aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7 ainsi qu’aux règles relatives à la conformité et à la sécurité des produits à partir d’une interface en ligne et que l’auteur de la pratique ne peut être identifié ou qu’il n’a pas déféré à une injonction prise en application des articles L. 521-1 et L. 521-2 ». Le comble est que ces articles renvoient à leur tour à des sections de chapitres de titres du Code, voire à d’autres codes ou à des règlements européens. Même la consultation des peines prévues par cet article implique une recherche puisque ce sont celles prévues par renvoi au 1er du VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique – ou pour faciliter les recherches du lecteur : un an d’emprisonnement et 250 000 euros d’amende. Il devient nécessaire de s’interroger sur une telle qualité rédactionnelle puisqu’il n’est pas raisonnable de croire que ce type de textes soit compréhensible par le citoyen quand le spécialiste peinera à les appréhender.
L’ordonnance n° 2020-1544 a été prise sur le fondement de l’habilitation donnée au Gouvernement par l’article 203 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE)[5]. Ce texte a pour objectif de mettre en conformité le cadre réglementaire national relatif aux actifs numériques avec les recommandations du GAFI en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), et de renforcer les mesures de lutte contre l’anonymat dans les transactions en actifs numériques[6]. Cette ordonnance assure ainsi la transposition des dispositions de la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018[7] en assujettissant aux mesures de la LCB-FT les seuls services de conservation d’actifs numériques pour le compte de tiers ainsi que les services d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal (services dits « crypto-to-fiat »).
Si ces textes s’inscrivent dans la lutte contre l’incrimination de blanchiment, cette action s’appuie principalement sur des dispositions non répressives.
FXRD
[1] JORF n° 293, 4 déc. 2020, texte n° 2.
[2] JORF n° 298, 10 déc. 2020, texte n° 16.
[3] N. Kilgus, « Une loi tentaculaire. A propos de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière », JCP Ed. G. n° 3, 18 janv. 2021, 38.
[4] JOUE n° L 186, 11 juill. 2019, p. 122.
[5] JORF n° 119, 23 mai 2019, texte n° 2.
[6] Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-1544 du 9 décembre 2020 renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques, JORF n° 298, 10 déc. 2020, texte n° 15.
[7] JOUE n° L 156, 19 juin 2018, p. 43.
POUR CITER CE DOCUMENT :
François-Xavier ROUX-DEMARE, « Obs. de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière et de l’ordonnance n° 2020-1544 du 9 décembre 2020, renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques », [En ligne], Blog personnel de F.-X. ROUX-DEMARE, http://fxrd.blogspirit.com/, 2022.
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