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Introduction au droit

  • Les normes - Schéma simplifié

    Je propose aux étudiants de Licence 1 Droit ce schéma très simplifié, dans le cadre du cours d'Introduction au droit civil. Il s'agit d'aborder la notion de normes, par une prise en compte des normes juridiques aux côtés des normes religieuses et morales.

    Ce schéma peut venir en complément de la courte présentation "Droit, morale et religion". http://fxrd.blogspirit.com/archive/2010/10/07/droit-morale-et-religion.html

     

    lesnormes.jpg

     

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  • L'embryon en droit civil (Partie 2 - Embryon in vitro)

    B) L’embryon in vitro

    Biologie. L’embryon in vitro est un œuf fécondé qui est issu d’une femme mais conservé hors de son corps, d’où l’expression « bébé éprouvette ». Il sera par la suite transféré in utero pour permettre une grossesse, soit immédiatement soit après une éventuelle conservation par congélation. Cela permet donc une assistance médicale à la procréation, soit des pratiques cliniques et biologiques pour favoriser la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle (article L. 2141-1 du Code de la santé publique). C’est pour cette raison que l’on parle de fécondation in vitro (FIV). Ces techniques ont pour but de permettre à des couples, ne pouvant avoir d’enfants pour cause d’infertilité ou avec un risque de transmission de maladies génétiques, de procréer (art. L. 2141-2 du Code de la santé publique).

    Procréation médicalement assistée. En matière de procréation assistée, les lois sur la bioéthique de 1994 renvoient à la notion de « couple ». Selon cette loi, le couple est composé « d'un homme et d'une femme, tous deux vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans ». Cette notion concerne l’ensemble des unions avec une assimilation au mariage. On doit donc retrouver ces conditions pour les couples pacsés. En outre, il faut noter que l’on parle d’un couple mais que l’on n’utilise pas une expression telle que « les parents ».

    Il y a donc plusieurs conditions (art. L. 2141-6 et L. 2141-10 du Code de la santé publique) :

    - de sexe, un homme et une femme, ce qui exclut les couples homosexuels ;

    - en âge de procréer, ce qui induit un âge ;

    - formant un couple uni (mariage ou 2 années de vie commune) ;

    - avoir un projet parental ;

    - le consentement des deux membres du couple ;

    - ainsi qu’une décision de l’autorité judiciaire.

    La condition du consentement est extrêmement importante puisque la contestation de filiation est impossible (article 311-20 du Code civil) et la reconnaissance obligatoire (sinon responsabilité possible… sauf si l’on apporte la preuve que l’enfant a été conçu en-dehors de la FIV).

    L’embryon. Physiquement, il faut souligner que l’embryon possède la taille d’un grain de riz. Le don et l’échange d’embryon sont encadrés par la loi. La vente est strictement interdite.

    L’embryon congelé n’est pas juridiquement une personne. Cette solution est logique et est une application classique du principe selon lequel un enfant conçu n’est pas titulaire de droits subjectifs tant qu’il n’est pas né. De la même façon, l’enfant conçu n’est pas protégé par le droit pénal des personnes.

    L’embryon doit être rangé dans la catégorie des choses, comme le souligne l’utilisation par le Tribunal administratif d’Amiens, dans sa décision du 9 mars 2004, de la terminologie « matériel ». Il faut donc faire attention dans l’utilisation des termes utilisés. L’embryon in vitro peut être considéré comme un être humain, mais cette expression ne renvoie à aucune réalité juridique précise. De son côté, le TA exclut aussi la qualification d’être à l’embryon congelé. L’utilisation du terme « matériel » par le TA laisse penser que l’embryon est un matériau mais qui ne peut avoir de valeur patrimoniale en raison de l’article 16-1 du Code Civil. L’embryon se qualifie alors de chose mobilière (meuble).

    Défaut d’affection à l’embryon. De la même façon, un animal est une chose qui a un prix. Néanmoins, les juges reconnaissent un rapport d’affection entre l’homme et l’animal pouvant justifier un préjudice moral. Dans l’espèce, le TA refuse de voir dans l’embryon « un être cher », ni un « être chéri » avec l’existence d’un rapport d’affection. Il n’y a pas ce type de rapport avec un embryon… d’ailleurs, il n’y a pas de relation entre le couple et l’embryon !

    Valeur de l’embryon. Le corps humain n’a pas de valeur pécuniaire (malgré les nombreuses exceptions). L’embryon est inestimable, donc pas de valeur pécuniaire. En revanche, l’indemnisation peut compenser toutes causes confondues le préjudice matériel subi, soit les troubles divers dans la condition d’existence des « futurs parents ».

    A des fins de recherche. La conception d’embryons destinés à l’étude ou la recherche est interdite sauf sur les embryons conçus in vitro avec l’énumération de conditions (acceptation des membres du couple).

    Destruction des embryons surnuméraires. Les embryons peuvent faire l’objet d’une destruction dès lors que les deux parents sont d’accord.

    Ne doit-on pas parler de « choses sacrées » ? L’embryon ouvre peut-être la voie à la découverte ou redécouverte d’une nouvelle catégorie de biens… à l’image des œuvres d’art ou plus classiquement de la dépouille mortelle.

  • L'embryon en droit civil (Partie 1 - Embryon in vivo)

    I)                  L’embryon en droit civil

    Plusieurs questions ont été levées concernant le statut de l’embryon et du fœtus. Actuellement, le statut de personnalité juridique est refusé, notamment pour protéger le droit à l’avortement ; problème sous-jacent à ce débat (A). Le développement de la fécondation in vitro (FIVETE), impliquant un transfert d’embryon (connaissant un stockage par congélation), remet à jour cette question en raison des embryons surnuméraires (pouvant être supprimés ; la recherche sur l’embryon étant interdite sauf sur les embryons conçus in vitro avec l’énumération de conditions) (B). 

     

    A)    L’embryon in vivo (in utero)

    Naissance. Il va de soi que la fécondation ne donne pas lieu à déclaration en mairie ou autres mesures… Il n’y a pas de date connue d’un point de vue juridique. Seule la naissance fait l’objet d’une déclaration, soit d’une indication précise. L’article 55 du Code civil dispose que « les déclarations de naissance sont faites dans les trois jours de l’accouchement, à l’officier de l’état civil du lieu ». Le moment de la naissance apparaît donc primordial. Dès lors, tout homme acquière la personnalité juridique au moment où il nait. L’enfant nait sujet de droit s’il nait vivant et viable.

    Viabilité. L’enfant doit naître vivant mais aussi viable. Il s’agit de la capacité naturelle de vivre. L’enfant ne doit pas être dépourvu d’organe essentiel à la vie. L’enfant doit être apte à vivre.

    Filiation. La filiation de la mère ne pose en général pas de difficulté. A la naissance, on présume la filiation du père (paternité). La loi présume que l’enfant conçu pendant le mariage à pour père le mari. En-dehors des liens du mariage, l’attention se porte sur les relations entretenues au moment de la conception. On détermine alors la date de conception par renvoi à la période du 300ème jour au 180ème jour avant la naissance, ce que consacre l’article 311 du Code civil.   

    Personnalité rétroactive ou l’infans conceptus. Toutefois, l’acquisition de cette personnalité peut remonter avant la naissance, à partir de la conception. « Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodo ejus agitur », c’est-à-dire « l’enfant conçu est considéré comme né chaque fois que tel est son intérêt ». Tel est le cas pour succéder (art. 725 c.civ.) ou recevoir par testament ou donation (art. 906 c.civ.). On présume à nouveau cette naissance pendant la période du 300ème au 180ème jour avant celle-ci (art. 311 c.civ.).

    La maxime « Infans conceptus » engendre un principe et une exception. En principe, un enfant n’acquiert la personnalité juridique qu’à partir du moment où il est né vivant et viable. L’exception qui complète ce principe veut que l’enfant simplement conçu soit considéré comme une personne juridique chaque fois qu’il y va de son intérêt. Ceci étant, le droit en cause n’est effectif que quand les conditions de sa réalisation sont réunies à savoir quand l’enfant sera né vivant et viable.

    Exemple de l’assurance décès. La question se pose notamment dans le cadre d’un contrat d’assurance décès. En répondant par l’application de cette maxime, les juges permettent alors à une personne de contracter une assurance décès au bénéfice d’enfants à naître.

    Droit de la mère face à l’embryon (IVG). La mère possède le droit de disposer de son corps. Elle est la personne la plus concernée par la conception, ayant un droit sur le sort de l’embryon. Elle peut notamment réaliser une interruption volontaire de grossesse (IVG). Peut-on opposer un éventuel droit à la vie de l’enfant à naître ? La question est résolue par la loi Veil de 1975 qui détermine un délai pour pouvoir réaliser un avortement. Initialement fixé à 10 semaines, la durée pour pouvoir interrompre la grossesse est fixée à 12 semaines. Cette période initiale de 10 semaines renvoie en fait à l’embryon (0 à 8 semaines). Soit on prend 8 semaines à partir de la conception, soit on parle de 10 semaines à partir de l’aménorrhée (absence de règles ; 2 semaines entre le premier jour des dernières règles et la fécondation, c’est-à-dire du pic d’ovulation fixé au dernier jour des règles qui intervient 14 jours plus tard)[1]. Cette possibilité ouverte à la mère d’interrompre la grossesse lui permet de détruire l’embryon. Cette action n’est plus possible à l’encontre du fœtus. L’IVG ne pourra intervenir à tout moment que dans deux cas précis : le péril grave pour la santé de la femme ou la forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic (art. L. 2213-1 du Code de la santé publique).    

    Notons que le premier article dans le livre consacré à l’IVG, l’article L. 2211-1 du Code de la santé publique, dispose : « Comme il est dit à l'article 16 du code civil ci-après reproduit : "La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie " ».

    Puis l’article L. 2212-1 du Code de la santé publique : « La femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l'interruption de sa grossesse. Cette interruption ne peut être pratiquée qu'avant la fin de la douzième semaine de grossesse ».

    Commercialisation et procréation - gestation pour autrui. Cette présentation doit cependant être complété par la maxime « res extra coercium » (= l’embryon ne peut pas être commercialisé). De plus, il faut rappeler que la procréation (femme portant l’enfant est la mère génétique) ou la gestation pour autrui (femme portant l’enfant n’est que la gestatrice, l’enfant est conçu qu’avec les gamètes du couple, c’est-à-dire le recours à la mère porteuse) est interdite en France, qu’elles soient gratuites ou payantes (ce qui entraîne des problèmes pour la reconnaissance des enfants de couple français ayant fait appel à ce procédé à l’étranger où cette procédure est légale, comme aux Etats-Unis).



    [1] La gestation totale comptabilise donc 41 semaines d’aménorrhée ou 9 mois de grossesse.

  • L’embryon et le fœtus en droit

     

    Encart de présentation de cette note :

    Il s'agit d'exposer succinctement la protection juridique de l'embryon et du foetus. Cette présentation se fera en 3 temps :

    - introduction

    - en droit civil

    - en droit pénal et en droit européen

    Un document final sera ensuite proposé.


    INTRODUCTION

    Définitions. Il convient tout d’abord de définir ce que l’on entend par les différentes notions de ce sujet. Le droit se définit comme l’ensemble des règles qui organisent la vie en société et qui sont sanctionnées par la puissance publique.

    S’agissant de l’embryon et du fœtus, ces notions se définissent par renvoi à une période. L’embryon concerne les 8 premières semaines à partir de la conception (la fécondation). Puis, il s’agit du fœtus. L’évolution de la gestation permettra de donner naissance à un enfant…

    Problématique. Face à cette définition, la question qui se pose est de savoir si on attribue un statut à cet « enfant en devenir ». En cas de réponse positive, il faut déterminer ce statut.

    Instruments protecteur des droits de l’homme. Plusieurs instruments de reconnaissance des droits de l’homme viennent apporter une éventuelle protection. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 expose l’égalité des hommes dès la naissance[1]. L’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 stipule dans son article 2 que le droit à la vie est protégé par la loi[2]. La Convention relative aux droits de l’enfant conclue à New-York du 20 novembre 1989 protège le droit inhérent à la vie de l’enfant dans son article 6 §1[3].

    Question en suspens. Néanmoins, aucun de ces instruments ne vise expressément l’embryon ou le fœtus, laissant subsister une inconnue sur le début de la vie… à la fécondation ou à la naissance… Il s’agit alors de s’intéresser à la position retenue par le droit français ainsi que la jurisprudence. Pour cela, il paraît plus clair d’étudier cette interrogation en distinguant entre les différentes branches du droit concernées, droit civil (I), droit pénal (II) et droit européen (III). 



    [1] Article premier

    « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».

    [2] Article 2

    « Droit à la vie

    1.        Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

    2.        La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire:

    a)        pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;

    b)       pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;

    c)        pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection ».

    [3] Article 6

    « 1.  Les Etats parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie.

    2.  Les Etats parties assurent dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant ».

  • La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789

    Présentation concise de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 :

     

    Photo du texte.pngQuelques lignes de présentation :

     

     

     

    A côté de l’abolition du régime féodal et des privilèges, un des héritages de la Révolution Française reste l’adoption d’une déclaration offrant une énumération des droits fondamentaux de l’Homme.  Le 26 août 1789, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen est adoptée, sur l’inspiration des propositions de déclaration notamment de La Fayette et de Sieyès. Bien qu’élaborée à travers plusieurs projets, la Déclaration est un texte cohérent caractérisé par une « unité de pensée et de style » (P.-C. Timbal et A. Castaldo, Histoire des institutions publiques et des faits sociaux, Précis Dalloz, 9ème édition, p : 437).

     

    Sans avoir à faire preuve de chauvinisme, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) est un des textes les plus célèbres dans le monde. Voué à être placé en tête de la Constitution de 1791, il est le seul texte qui a survécu de la période révolutionnaire. Au-delà des frontières nationales, cette déclaration va connaître une influence universelle.

     

    Elle proclame les principes de liberté, d’égalité et de souveraineté de la nation… On distingue d’une part l’énumération de droits fondamentaux (principe de liberté, principe d’égalité, droit de propriété…) et, d’autre part, l’énumération de principes sur l’organisation de l’Etat (importance de la loi qui ne peut aller à l’encontre des droits de cette déclaration et exprimer la volonté générale ; l’idée de la Nation avec le principe de la souveraineté nationale ; le principe de séparation des pouvoirs …).

     

    Nous allons reprendre les principaux droits déclarés en suivant l’énumération contenue dans l’article 1er et 2nd :

     

    Le premier des droits déclarés est la liberté : les hommes naissent et demeurent libres (article 1er). L’article 4 donne une définition de la liberté : « pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Cette idée de liberté trouve une extension par la détermination de liberté particulière : liberté d’opinions, même religieuse (article 10) ; liberté de communication des pensées et des opinions ainsi que de la presse (article 11).
    Cette liberté limite donc le pouvoir du législateur…

     

    Le second droit déclaré est l’égalité. L’article 1er souligne ce droit à la naissance, droit non cité à l’article 2 mais repris dans plusieurs autres articles : égalité devant la loi et les emplois publics (la loi « doit être la même pour tous » … « tous les citoyens, étant égaux à ses yeux », article 6), égalité devant les contributions publiques (article 13).

     

    Le troisième droit énuméré à l’article 2 est la propriété. On peut y voir le renvoi à la liberté de soi-même tout comme la propriété des biens, droit inviolable et sacré dont nul ne peut être privé, si ce n’est lorsque la liberté publique l’exige, c’est-à-dire en cas d’expropriation (article 17).

     

    L’énumération de l’article 2 propose ensuite la sûreté. On en trouve sa définition à l’article 5 : « la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ». De ce principe découle l’interdiction des arrestations et les pénalités arbitraires, le principe de légalité des délits et des peines (articles 7 et 8), la présomption d’innocence (article 9) et la responsabilité des agents publics (article 15).

     

    Le dernier droit énuméré par l’article 2 est la résistance à l’oppression. Il permet de justifier les évènements débutés au mois de mai 1789, soit de justifier la Révolution. Bien sûr, à l’avenir, les citoyens ne devraient plus à avoir à s’opposer au pouvoir !  

     

     

     

     

    Nous allons désormais donner quelques indications sur la portée de cette déclaration :

     

    On peut tout d’abord s’étonner de la faible reconnaissance de cette déclaration à l’époque de son adoption. Elle est rapidement abandonnée, dès 1793, pour une nouvelle déclaration. En 1795, une autre déclaration sera adoptée, accompagnée d’une déclaration des devoirs. Puis, les déclarations sont abandonnées avec Bonaparte…

     

    La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen réapparait dans la constitution de 1852 de Napoléon III, qui fait un renvoi aux grands principes proclamés en 1789… Toutefois, cette référence disparait en 1875. Il faut alors attendre jusqu’en 1946 pour que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen intègre le préambule de la Constitution du 26 octobre 1946 (4ème République). La Constitution du 4 octobre 1958 (5ème République) fait à son tour référence à la déclaration. Le Conseil Constitutionnel vient consacrer la déclaration par sa décision du 16 juillet 1971 (Décision Liberté d’association) en déclarant la valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution de 1958, et par voie de conséquence la déclaration ainsi que le préambule de la Constitution de 1946.

     

    La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 connaît donc une reconnaissance tardive… Cette reconnaissance apparaît dans le même temps que l’adoption d’autres textes protecteurs des droits de l’homme : Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (ONU) du 10 décembre 1948, Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (Conseil de l’Europe) du 4 novembre 1946. Puis, de nouveaux textes vont aussi être adoptés : Pactes Internationaux relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, puis des droits civils et politiques de 1966, Charte des Droits Fondamentaux (Union Européenne) de 2000.

    Il va de soit que la DDHC subit un certain retrait, notamment face à la Convention Européenne et la protection offerte par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Toutefois, il ne semble pas judicieux de parler de concurrence entre ces textes. Il faut souligner qu’une multiplication de textes offrant une meilleure protection des droits fondamentaux de l’Homme ne peut être que bénéfique.

     

    Pour conclure, le nouveau recours introduit en France par la réforme constitutionnelle créant la question prioritaire de constitutionnalité (QPC – contrôle constitutionnel a posteriori) pourrait donner un nouveau souffle juridique à la DDHC, ces principes pouvant être invoqués directement par le citoyen à travers la procédure d’une exception d’inconstitutionnalité.

     

     

    Photo du décret.png

     

    Texte intégral de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 :

     

    Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.

    En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen.

     

    Art. 1er. -

    Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

     

    Art. 2. -

    Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

     

    Art. 3. -

    Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

     

    Art. 4. -

    La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

     

    Art. 5. -

    La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.


    Art. 6. -

    La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

     

    Art. 7. -

    Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance.

     

    Art. 8. -

    La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

     

    Art. 9. -

    Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

     

    Art. 10. -

    Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.

     

    Art. 11. -

    La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

     

    Art. 12. -

    La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

     

    Art. 13. -

    Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

     

    Art. 14. -

    Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.

     

    Art. 15. -

    La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

     

    Art. 16. -

    Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.

     

    Art. 17. -

    La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

  • Le contrôle de conventionnalité à travers les grandes jurisprudences

    Cour de Justice des Communautés Européennes
    CJCE Affaire 26-62 Van Gend et Loos

    La Communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international, au profit duquel les Etats ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement les Etats membres mais également leurs ressortissants.

    Le droit communautaire, indépendant de la législation des Etats membres, de même qu’il crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique.

    Reconnaissance de l’application directe : « produit des effets immédiats et engendre dans le chef des justiciables des droits individuels que les juridictions internes doivent sauvegarder ».

     

     

    Cour de Justice des Communautés Européennes
    CJCE Affaire 6-64 Costa

    Les dispositions de source communautaire relatives à cet ordre juridique ne permettent pas l’adoption de mesures unilatérales ultérieures opposables.

    Reconnaissance du principe de primauté du droit communautaire sur le droit national : « prééminence du droit communautaire » qui est une « source autonome ».

    Il y a donc une limitation définitive du droit souverain des Etats membres qui ne peuvent se prévaloir d’un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de communauté.

     

    Cour de Cassation
    Crim. 22 oct. 1970

    Rappel qu’aux termes de l’article 55 de la Constitution, les traités et accords régulièrement ratifiés et approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois.

    En l’espèce, opposition entre une loi française et la décision de 1962 du Conseil des Ministres de la Commission Economique Européenne approuvant le règlement n° 24 relatif à l’application graduelle d’une organisation commune au marché vini-viticole, ainsi que la loi italienne en rapport à la qualité du vin.

    Le juge national admet la primauté de la législation communautaire.

     

     

    Conseil Constitutionnel
    DC 15 janvier 1975 IVG

    Appelé à se prononcer sur la conformité d’une loi par rapport à un traité international, le Conseil Constitutionnel écarte ce contrôle. Pour le Conseil Constitutionnel, le contrôle de la loi s’effectue par rapport à la Constitution. D’ailleurs, une loi contraire à un traité ne serait pas pour autant contraire à la Constitution. Il se refuse à faire figurer les traités parmi les normes de référence du contrôle de constitutionnalité des lois.

    Apports de la décision :

    -           aux termes de l'article 55 de la Constitution : "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie." 3. Considérant que, si ces dispositions confèrent aux traités, dans les conditions qu'elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n'impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution prévu à l'article de celle-ci ;

    -          une loi contraire à un traité ne serait pas, pour autant, contraire à la Constitution

     

     

    Cour de Cassation
    24 mai 1975 Société des cafés Jacques Vabres

    Conseil d’Etat
    20 octobre 1989  Nicolo

    Ce refus du Conseil Constitutionnel a incité les juges ordinaires (judiciaire et administratif) à se reconnaître compétent pour appliquer le droit communautaire et plus généralement le droit international conventionnel. Ils se reconnaissent compétents pour apprécier la conformité d’une loi (même postérieure) à une norme internationale ou communautaire, sur la base de l’article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie » ; sous réserve de réciprocité.

    Apports de Cass. 24/05/1975 :

    -          le traité […] qui […] a une autorité supérieure à celle des lois, institue un ordre juridique propre intégré à celui des États membres; qu'en raison de cette spécificité, l'ordre juridique qu'il a créé est directement applicable aux ressortissants de ces États

     

    Apports de CE 20/10/1989 :

    -          Considérant qu'aux termes de l'article 227-1 du traité en date du 25 mars 1957 instituant la Communauté Économique Européenne : "Le présent traité s'applique ... à la République française" ; que les règles ci-dessus rappelées, définies par la loi du 7 juillet 1977, ne sont pas incompatibles avec les stipulations claires de l'article 227-1 précité du traité de Rome ;

     

    Cour Européenne des Droits de l’Homme
    CEDH Affaire Kruslin c. France 24 avril 1990

    Les écoutes téléphoniques effectuées dans une autre procédure constituent une ingérence de l’autorité publique dans l’exercice du droit de l’intéressé au respect de sa correspondance et de sa vie privée ; méconnaissance de l’article 8 CESDH en raison de son absence de prévision dans la loi.

    L’interception ne viole pas l’article si elle est prévue par la loi et nécessaire dans une société démocratique.

     

     

    Cour de Cassation
    Crim. 11 février 2004

    Il est de l’office du juge d’interpréter les traités internationaux invoqués dans la cause soumise à son examen, sans qu’il soit nécessaire de solliciter l’avis d’une autorité non juridictionnelle

     

  • Droit, morale et religion

    « Aussi longtemps que Robinson vit en solitaire, il n’a que faire du droit (…). La rencontre de Vendredi change sa situation » (TERRE (F.), Introduction générale au droit, Dalloz, 7e éd., 2006, p : 7). La nécessité du droit n’apparait que lorsque l’homme doit vivre en groupe… Le droit permet que l’on dépasse une relation violente entre les hommes (la loi du plus fort). Il permet d’imposer l’ordre, le progrès et la justice. Selon le Doyen CORNU, « Le précepte juridique n’est ni une règle de salut, ni une loi d’amour : c’est un facteur d’ordre, un régulateur de la vie sociale, un modérateur, un dénominateur commun, une norme moyenne, et c’est déjà beaucoup » (Droit Civil – Introduction au droit, Montchrestien, Précis Domat Droit Privé, 13e éd., 2007, n° 23, p : 23).

     

    Si l’on se réfère à l’étymologie du mot « droit », celle-ci renvoie à l’idée de règle. Le terme « droit » provient du latin classique « directus », qui se traduit par « sans courbure » ou « être en droite ligne ».

    Le droit se présente comme un modèle à mettre en œuvre. On trouve alors différentes définitions du terme « droit » :

    -         Droit objectif : ensemble des règles juridiques qui régissent les hommes dans leur vie en société, règles sanctionnées par la puissance publique

    -         Droit subjectif : prérogative qui est attribuée à un individu déterminé pour jouir d’une chose ou pour exiger une prestation d’un tiers

     

    La règle de droit se présente à travers ses caractères de généralité, d’abstraite, d’obligation (et de coercition) et de nécessité.  Le caractère de permanence semble pour sa part s’être largement assoupli voire avoir disparu.

     

    Générale : la règle de droit vise l’ensemble des citoyens (ou des sujets) d’un groupe social, au minimum une catégorie de ces citoyens. En France, elle s’applique donc sur tout le territoire français. Elle peut s’appliquer à tous les français (ensemble des citoyens) ou à tous les salariés, à toutes les personnes mariées (catégories de ces citoyens). Ce caractère est un gage d’égalité. A contrario, la critique peut alors se fonder sur ce caractère global de la règle de droit pouvant la rendre rigide. Dans certaines situations, la règle pourrait apparaître trop dure et devenir inéquitable. L’équité peut permettre de nuancer cette rigidité en prenant en compte une situation particulière. Le juge doit se conformer à la loi et l’appliquer. Il est ancré dans son syllogisme judiciaire [la majeure (règle de droit), la mineure (faits de l’espèce), la conclusion (solution au problème)] largement connu par l’exemple de Socrate (L’homme est mortel, Socrate est un homme, donc Socrate est mortel). La Cour de Cassation opère un contrôle de cette application. Toutefois, la règle de droit prévoit parfois ce besoin de compensation comme l’illustre l’article 270 du Code Civil[1]. La loi peut donc autorisée ou imposée l’équité. Le juge pourra parfois être amené à juger en équité en-dehors de toute invitation, il le fera au risque d’être contredit par la Cour de Cassation.

    Abstraite : la règle s’applique à tous. Pour cela, elle ne désigne pas des personnes nommément. Elle est donc impersonnelle pour être commune à tous (≠ décisions qui sont des mesures individuelles). Cette impersonnalité se perçoit comme une garantie contre l’arbitraire.

    Obligatoire et coercitive : la règle de droit s’impose, exception faite des règles supplétives ou dispositives auxquelles on peut déroger (≠ règles impératives). Ce caractère obligatoire se fonde sur l’existence de sanctions. C’est la sanction qui permet d’en garantir son respect. De fait, la règle est obligatoire car son respect peut être imposé par un renvoi devant un tribunal. Ces sanctions sont étatiques. La règle de droit est donc coercitive. Elle devient une contrainte sociale par cette existence de sanctions éventuelles. Ces sanctions peuvent être appliquées à travers le recours à la force publique. Elles peuvent imposer l’exécution d’une obligation, imposer une réparation ou punir un comportement infractionnel. Toutefois, il ne faut pas omettre le rôle préventif de la sanction, qui permet – par cette « peur du gendarme » – de permettre le respect de la règle de droit… Notons que certaines règles ne comportent pas de sanctions (exemple de la loi du 9 juin 1999 qui demande aux établissements scolaires de ne pas obtenir du matériel fabriqué avec de la main d’œuvre enfantine), ce qui rend difficile leur distinction avec une règle morale.

    Nécessité : les rapports sociaux qui organisent la vie de l’homme en société se fondent sur le droit. En son absence, se serait la loi du plus fort qui s’appliquerait. La règle de droit assure donc la sécurité, l’ordre et la justice en société.  

    Permanente : la règle de droit est considérée comme permanente, jusqu’à son abrogation. Cependant, l’inflation juridique actuelle rend ce caractère assez obsolète. L’exemple des réformes récentes de la procédure pénale semble facilement l’illustrer. On envisage de supprimer le juge d’instruction alors que la réforme sur les pôles d’instruction n’a pas encore été mise en œuvre …  

     

     

    Le droit n’est pas le seul système imposant des normes, c’est-à-dire qui imposent aux individus des règles de conduite sous la contrainte.

    On peut citer à côté la morale, la politesse, l’éthique et la religion.

     

    La morale se fonde sur un rapport d’opposition entre le bien et le mal. Elle se base sur la conscience de chacun.

    La morale et le droit possèdent des règles communes : l’honnêteté, la dignité de la personne humaine…

    La morale et le droit possèdent aussi des différences. La morale vise l’élévation de l’homme, c’est-à-dire son perfectionnement personnel. Elle impose des devoirs à l’homme à travers l’énonciation de grands principes. Le droit vise à sauvegarder l’ordre social, soit son rapport de vie dans la société, à travers l’exposé de règles neutres et précises. Les sanctions sont aussi largement différentes puisqu’elles sont psychologiques pour les règles morales (le remords par exemple), mais contraignante pour le droit (emprisonnement par exemple).   

     

    L’éthique, proche de la morale par un même renvoi à l’idée de mœurs, s’en distingue par une idée de but à atteindre.

     

    Les règles de politesse ou de bienséance imposent certains comportements à respecter en société. Par exemple, se présenter à l’heure pour assister à un cours. Cela s’apparente à avoir un savoir-vivre en société : courtoisie (dire bonjour…), politesse (tenir la porte à une personne nous suivant…), règles de jeu (en jouant aux échecs…).

    Ces règles sont aussi sanctionnées. Il existe tout d’abord une pression du groupe social au respect de ces règles. En cas d’irrespect, cela peut entraîner une réprobation par le groupe, voire une exclusion. La sanction n’est donc pas étatique mais sociale. On ne poursuit pas en justice le non-respect de ces règles. Curieusement, on peut souligner que le non-respect de ces règles est à l’origine d’une partie de l’évolution grandissante du sentiment d’insécurité. Les incivilités (qui ne peuvent pas être poursuivies pénalement) sont un des facteurs de l’évolution de ce sentiment. 

     

    La religion impose des règles et prévoit des sanctions. La distinction est importante entre les Etats laïques et les Etats religieux. Dans chacun de ces types d’Etats, la place accordée à la religion peut varier et évoluer au fil du temps. Dans certaines sociétés, le droit et la religion se confondent, comme c’est le cas pour les pays qui appliquent la charia.

    Entre religion et droit :

    -         Il y a parfois des règles similaires : condamnation du meurtre, du vol ou du faux témoignage.

    -         Il y a parfois des dissemblances. La religion et le droit s’ignorent. Par exemple : les dispositions du code de la route, qui ne subissent aucune influence de la religion.

    -         Il y a parfois des règles en opposition : le divorce, l’avortement, la contraception, le blasphème, l’adultère ou la règle selon laquelle « tu n’honoreras pas d’autre dieu que moi » s’oppose à la liberté de religion…

    S’agissant des sanctions, la religion est un rapport entre l’homme et Dieu. La sanction est donc interne (peur d’aller en enfer). Le non-respect d’une règle de droit entraîne une sanction externe. 

     



    [1] Article 270 du Code Civil : « Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.

    L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.

    Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. ».  

  • Structure des arrêts de la Cour de Cassation : nouvel exemple de lecture (cassation)

    Suite à la demande de quelques étudiants, je vous propose le découpage d'un arrêt de cassation, à rapprocher de deux notes publiées ci-dessous sur la matière

    http://fxrd.blogspirit.com/archive/2008/10/11/structure-des-arrets-de-la-cour-de-cassation-exemple-de-lect.html
    http://fxrd.blogspirit.com/archive/2008/10/10/structure-schematique-des-arrets-de-la-cour-de-cassation.html

    Exemple de découpage d’un arrêt de cassation :

     

    Civ.1re, 30 mars 1999

     

     

    Sur le moyen unique :

    Vu l’article 1315, alinéa 2, du Code civil ;

    Attendu que la Compagnie générale des eaux a assigné M. Albou en paiement de la somme

    de 11 415,88 francs représentant le montant d’une facture impayée ; que M. Albou a payé la

    somme de 5 000 francs soutenant qu’il n’avait jamais eu de factures pour un montant aussi

    élevé et qu’aucune fuite n’avait été décelée dans son installation ;

    Attendu que le Tribunal a énoncé que la Compagnie générale des eaux doit apporter la

    preuve, pour justifier le montant élevé de sa facture, que des modifications substantielles

    sont intervenues dans la consommation d’eau de M. Albou ou qu’une fuite d’eau après

    compteur existait sur les installations ;

    Qu’en se déterminant ainsi, alors qu’ il incombait à M. Albou d’établir le fait ayant produit

    l’extinction de son obligation, le Tribunal a inversé la charge de la preuve et violé le texte

    susvisé ;

    PAR CES MOTIFS : : CASSE ET ANNULE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Mots de liaison ou expressions propres au vocabulaire de la Cour de Cassation devant guider la compréhension de l’arrêt

     

    Visa de l’arrêt, où la Cour de Cassation vise l’article discuté. Ce visa peut être suivi d’un chapeau où la Cour explique l’article visé.

     

    Faits et procédure

     

    Motifs de la Cour d’Appel amenés à être cassés

     

    Motifs de la Cour de Cassation expliquant pourquoi elle casse la décision de la Cour d’Appel

     

    Dispositif

     

     

     

     

     

  • La preuve --- Quelques éléments de définition

     

    LA PREUVE
    Cours

     

    Lorsque l’on se prévaut d’un droit, il faut pouvoir l’établir.
    La preuve est l’élément ou document qui établit la réalité d’un fait ou d’un acte juridique. On entend aussi ce terme dans le sens du procédé technique ou de la méthode scientifique appliqués pour prouver cette existence.

     

    La charge de la preuve

     

    Qui doit prouver ? Dans une procédure accusatoire, la charge de la preuve incombe aux parties. Dans une procédure inquisitoire, cette charge revient aux juges, comme c’est le cas en droit pénal ou en droit administratif. En droit civil, on se trouve à mi-chemin entre les deux. L’Art. 9 NCPC prévoit qu’il « incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Les parties doivent donc établir les faits nécessaires au succès de leur prétention. Le juge devra juridiquement qualifier (Art. 12 al. 2 NCPC) et accepter (écartement des éléments sans intérêt). Néanmoins, le juge a le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles (Art. 10 NCPC), sans que cette mesure vienne suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve (Art. 146 al.2 NCPC). Les parties apportent leur concours aux mesures d’instruction, le juge pouvant même lui enjoindre la production d’un élément de preuve (Art. 11 NCPC).

    Le principe de l’article 1315 du Code Civil :

    Article 1315 c.civ. : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

    La preuve incombe au demandeur. Celui qui se prétend titulaire d’un droit doit l’établir, celui qui se prétend libéré doit prouver cette exécution. Au procès, il paraît évident que les deux parties vont jouer un rôle pour l’apport de cette preuve. Toutefois, l’incertitude sur l’affaire se fera au détriment de la partie devant amener la preuve.

    « qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » à DEMANDEUR
    « Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation »
    à DEFENDEUR

     

    Les exceptions à ce principe :

    Article 1349 c.civ. : « Les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d’un fait connu à un fait inconnu ».

    Il existe des présomptions dites légales car établies par la loi ; et des présomptions dites de fait car non établies par la loi.
    Les présomptions légales apportent un renversement de la charge de la preuve. Le demandeur faisant valoir une indication bénéficiant de cette présomption n’a pas à en rapporter la preuve (exemple de la présomption de paternité du mari lorsqu’un enfant né dans le mariage). Cette présomption peut être simple (combattue par une preuve contraire, parfois par tous moyens, parfois par certains moyens seulement), mixte (combattue par des moyens limitativement énumérés) ou irréfragable (ne peut être combattue sauf par l’aveu ou le serment).

    Présomption simple : Article 1353 c.civ. : « Les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol ».

    Présomption irréfragables : Article 1352 c.civ. : « La présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe.   Nulle preuve n'est admise contre la présomption de la loi, lorsque, sur le fondement de cette présomption, elle annule certains actes ou dénie l'action en justice, à moins qu'elle n'ait réservé la preuve contraire et sauf ce qui sera dit sur le serment et l'aveu judiciaires ».

     

    Le juge et la preuve :

    Concernant la charge de la preuve, il faut noter que le juge est neutre et impartial. Il n’a pas à se préoccuper de la recherche de la preuve. Il statue sur les seuls éléments de preuve fournis par les parties, en disant quelles sont les meilleures preuves. Il contrôle la validité des preuves qui lui sont soumis. Les parties déterminent donc l’objet du litige (Art. 4 al. 1er NCPC). De plus, le juge ne pourra fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat (Art. 7 al. 1er NCPC). Selon l’article 16 NCPC, les preuves sont soumises à la libre discussion des parties. Le juge ne fait donc pas état de connaissance personnelle, et se fonde sur des preuves produites par les parties et contradictoirement débattues. Néanmoins, le juge peut recourir à des mesures d’instruction (expertises, enquêtes, comparution personnelle des parties, transport sur les lieux) et ce avec le concours des parties (Art. 10 et 11 NCPC).  Enfin, si une partie ou un tiers (sur requête d’une partie) détient un élément de preuve, le juge peut l’obliger à la produire, si besoin à l’aide d’une astreinte.    

     

     


    Les modes de preuve

     

    La preuve littérale ou par écrit :

    Article 1316 c.civ. : « La preuve littérale, ou la preuve par écrit, résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission ».

    La preuve par écrit est donc une suite de lettres, chiffres, symboles, logos, images ; qui doit formée un tout compréhensif. Cet écrit ne connaît plus de support strictement identifié. Cela peut être le papier comme l’écrit électronique, connaissant la même force probante (Art. 1316-3 c.civ.). En cas de conflit entre deux preuves littérales, le juge règle ce conflit en déterminant le titre le plus vraisemblable (Art. 1316-2 c.civ.). La signature apposée manifeste le consentement des parties (Art. 1316-4 c.civ.). 

    -          Acte authentique : défini à l’article 1317 c.civ., c’est l’acte reçu par un officier public (notaires, officiers ministériels, officiers d’état civil ou les huissiers) qui est territorialement (ressort) et matériellement compétent (compétences particulières). Cet acte doit respecter les formalités exigées, pouvant être relatives au nom, date et heure, à la langue (français), aux formalités du timbre ou de l’enregistrement, etc.  (Art. 1318 c.civ.). A défaut des formalités, l’acte peut être nul comme acte authentique mais valable en tant qu’acte sous seing privé. Sur la terminologie, l’original est appelé « minute », la copie est appelée « expédition ». Il fait pleine foi de la convention qu’il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers et ayants cause, jusqu’à inscription de faux (Art. 1319 c.civ.). L’inscription de faux est une procédure qui tend à faire déclarer faux un acte authentique (Art. 303 et s. NCPC).

    -          Acte sous seing privé (soit sous signature privée) : défini à l’article 1322 c.civ., c’est l’acte nécessitant la signature de la partie qui s’oblige. Dès lors, cet acte a la même valeur qu’un acte authentique. Les contestations peuvent alors porter sur l’écriture et la signature de l’acte (Art. 1324 c.civ.). Les tiers non liés par l’acte, pourront se le voir opposer que lorsqu’ils ont date certaine, soit dès leur enregistrement, jour de la mort de celui y ayant souscrit ou jour où la subsistance est constaté devant un officier public (Art. 1328 c.civ.).

    Particularités de certains actes sous seing privé : Les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques ne sont valables que s’ils sont fait en autant d’originaux qu’il n’y a de parties ayant un intérêt distinct, chaque original possédant mention du nombre d’originaux effectués (Art. 1325 c.civ.).  De même, les actes constatant un engagement unilatéral d’une partie à payer une somme d’argent ou à livrer un bien fongible à une autre partie (Art. 1326 c.civ.), doivent être signés et la partie qui s’engage doit faire mention à la main de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres (en cas de différence, les lettres l’emportent). Ce sont notamment les reconnaissances de dettes ou les actes de cautionnement (sauf commerciaux). Enfin, il est possible de citer le testament olographe qui doit être daté, écrit de la main du testateur et signé, sans autre formalité (Art. 970 c.civ.). 

    -          Les autres écrits : on peut citer les lettres missives, c’est-à-dire la correspondance privée [qui peuvent être utilisées que si la possession est régulière et ne heurte pas le principe de confidentialité.  Leur valeur est alors la même que les actes sous seing privé, si elles respectent les mêmes conditions (signature par exemple)] ; les livres de commerce (Art. 1330 c.civ.) ; les registres et les papiers domestiques (livres de compte, notes… Art. 1331 c.civ.) ; l’écriture du créancier sur le titre, par exemple à la suite, en marge ou au dos (Art. 1332 c.civ.) ; les actes récognitifs (acte reprenant un acte plus ancien, ayant pour effet de remplacer l’acte primordial perdu ou interrompre la prescription) ; les copies (si l’acte original existe, ces copies n’ont pas de valeur probante autonome ; si l’original n’existe plus, la copie peut remplacer l’original s’il en est la copie fidèle et durable selon l’article 1348 c.civ.).

    -          Ecrit sous forme électronique : depuis la loi du 13 mars 2000, l’article 1316 c.civ. prévoit l’admission des écrits sous forme électronique (« quels que soient leur support et leur modalité de transmission »).  Le but est de favoriser le commerce électronique et garantir les payements effectués sur Internet. Toutefois, il faut que la personne dont il émane puisse être dûment identifiée, et qu’il soit conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité (Art. 1316-1 c.civ.). Concernant la signature, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. Cette fiabilité du procédé sera présumée jusqu’à la preuve du contraire, lorsque la signature est créée (Art. 1316-4 c.civ.).  

    Les autres moyens de preuve :

    -          Le serment : c’est l’affirmation, en prêtant serment à la barre du tribunal, de la véracité des indications portées. Le serment peut être décisoire, c’est-à-dire déféré par une partie à l’autre pour en faire dépendre le jugement. La partie demande à l’autre de jurer que le fait n’existe pas. A côté, il y a le serment supplétoire, déféré d’office par le juge à l’une ou l’autre des parties (Art. 1357 c.civ.).  

    -          L’aveu : c’est la déclaration par laquelle une personne reconnait l’exactitude d’un fait pouvant produire contre elle des conséquences juridiques. La personne doit être capable. L’aveu doit être admis par la loi comme moyen de preuve, étant écarté dans certains cas (exemple, en cas de séparations de biens judiciaire). Il peut être judiciaire (déclaration faite en justice) ou extrajudiciaire (en-dehors de tout litige).

    -          Les témoignages : c’est la déclaration d’un tiers à un litige relative à des faits dont il a eu personnellement connaissance (Art. 199 NCPC). Le témoin doit avoir la capacité de témoigner (Art. 205 NCPC), c’est-à-dire être majeur non frappé d’une incapacité de témoigner en justice (condamnés…). Le juge apprécie souverainement la force probante du témoignage. Il peut donc rejeter un témoignage. Le faux témoignage est un délit pénal.  

    -          Les présomptions de fait : ce sont les conséquences qu’un juge va tirer d’un fait connu à un fait inconnu (Art. 1349 c.civ.). Par exemple, on déduit l’adultère (fait inconnu) du constat de la présence régulière d’un époux chez une tierce personne (fait connu). Ces présomptions sont abandonnées aux lumières du magistrat (Art. 1353 c.civ.) qui ne peut admettre que des présomptions graves, précises et concordantes.

     

    Recevabilité des modes de preuve

     

    Existence de deux systèmes :

    -          La preuve libre (liberté de la preuve) : tous les moyens de preuve licites ont admis, le juge étant libre de fonder son intime conviction sur les éléments apportés.  C’est notamment le cas de l’intime conviction du juge pénal.

    -          La preuve légale (légalité de la preuve) : la loi détermine précisément l’admissibilité et la force probante de chacun des moyens de preuve.

    Le droit civil connaît un système mixte.

    Pour les faits juridiques, la preuve est libre (Art. 1348 c.civ.). Cela se justifie par le fait que l’on ne peut prévoir par avance la preuve pour des actes involontaires ou imprévisibles (évènements naturels, accidents…).

    Pour les actes juridiques, la preuve est par écrit sauf exceptions. Le principe est donc la preuve par écrit, car le droit se méfie des témoignages pouvant être imprécis ou « négociés ». L’importance du recours à l’écrit ressort de l’article 1341 c.civ. qui impose qu’acte soit passé devant notaires ou sous signatures privées pour toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret (1 500 € par décret du 15 juillet 1980 modifié par le décret du 30 mai 2001 et celui du 20 août 2004), permettant de prouver l’existence mais aussi le contenu de l’acte. Contre une preuve par écrit, il faut apporter une preuve par écrit, bien que le juge puisse recevoir tous moyens de preuve en cas d’acte obscur. En cas de fraude ou de dol, il est possible de recourir aux témoignages et présomptions (Art. 1353 c.civ.).

           Même si une preuve par écrit est exigée, l’aveu ou le serment peuvent toujours venir combler l’absence de cet écrit. De plus, la loi et la jurisprudence prévoient des cas où les témoignages ou les présomptions viennent en remplacement de l’écrit. Les cas sont : les sommes inférieures à celles prévues à l’article 1341 c.civ. ; les actes de commerce (entre commerçants) se prouvent par tout moyen ; en cas d’impossibilité de produire un écrit (Art. 1348 c.civ.) ; en cas d’existence d’un commencement de preuve par écrit (tout titre signé par celui contre qui la demande est formée, et qui ne peut constituer une preuve littérale pour des raisons de fond ou de forme. Art. 1347 c.civ.).

     

  • Quelques éléments de définition de la jurisprudence

    LA JURISPRUDENCE

    Cours

     

    Définition du dictionnaire Larousse : (lat. jurisprudentia, science du droit). DR. Ensemble des décisions de justice qui interprètent la loi ou comblent un vide juridique. (Elle constitue une source du droit.) * Faire jurisprudence : faire autorité et servir d’exemple dans un cas déterminé ; créer un précédent.

    Définition du Lexique Dalloz : Dr. Gén. – Dans un sens ancien, la science du Droit. Dans un sens plus précis et plus moderne, la solution suggérée par un ensemble de décisions suffisamment concordantes rendues par les juridictions sur une question de droit.

     

    Etymologiquement, la jurisprudentia est la science du Droit. Aujourd’hui, on désigne sous l’expression jurisprudence soit l’ensemble des décisions de justice d’une juridiction, soit l’action des tribunaux qui solutionnent une question juridique. 

    La question qui a divisé les auteurs est de savoir si la jurisprudence est une source du droit. Certains y voient une véritable source du droit, d’autres la qualifiant de simple autorité.

    Historiquement, le droit est né à travers les solutions de justice. Néanmoins, le renforcement de l’Etat entraîne la limitation de la jurisprudence dès l’Ancien Régime (1515 à 1789) avec le pouvoir royal (monarchie absolue de droit divin). Cette rupture est accentuée pendant la période des Lumières (Siècle des Lumières, 18e), où les philosophes (Rousseau, Montesquieu) affirment que la loi est la source du droit.  En vertu du principe de la séparation des pouvoirs (judiciaire et législatif), la création de la règle de droit par un magistrat est exclue, ce que ne confirme pas la réalité judiciaire.

    La jurisprudence ou l’interdiction créatrice de droit …

    L’alinéa 1er de l’article 12 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. L’insertion de l’article 5 dans le Code Civil, qui dispose qu’il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises, illustre encore plus cette hostilité à un rôle créateur du juge. Le Code Civil exclut les arrêts de règlement, pratique de l’Ancien Régime où les Parlements décidaient qu’une question serait tranchée dans tel sens. Plus qu’une hostilité, on peut parler de la peur, toujours aujourd’hui présente, d’un Gouvernement des juges. On remarque toutefois que cette peur du Gouvernement des juges se transpose désormais au niveau des Cours Suprêmes supranational (Cour Européenne des Droits de l’Homme CEDH et Cour de Justice des Communautés Européennes CJCE), cette première s’autorisant même à prendre des arrêts de règlement.

    Le magistrat ne peut donc pas rendre un arrêt de règlement (Soc. 4 avril 1991 ; Soc. 12 mai 1965), ce qui permet de distinguer la jurisprudence (solutionnant un cas d’espèce) de la règle (générale, applicable et opposable à tous). De la même façon, l’autorité relative de la chose jugée (article 1351 C.Civ.) marque d’autant plus cette distinction, la décision ne liant que les parties au litige (mêmes parties, même objet, même cause). Le jugement ne vaut que pour l’espèce jugée. De même, il n’y a aucune force obligatoire de la jurisprudence : la résistance à la loi est illégitime, la résistance à la jurisprudence ne l’est pas (CARBONNIER (J.), Introduction au droit civil, PUF).  Le juge n’est pas lié par les précédents judiciaires, contrairement aux systèmes juridiques des pays de Common Law. Les revirements de jurisprudence soulignent d’autant plus cette force relative. Par exemple, si dans son arrêt du 8 novembre 1982 la 1ère Chambre Civile annule une libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère car contraire aux bonnes mœurs ; tel n’est pas le cas dans ces arrêts du 3 février 1999 puis en Assemblée Plénière le 29 octobre 2004.

    Le magistrat se doit donc d’appliquer la règle de droit.

    Ces principes expliquent le caractère rétroactif de la jurisprudence qui dispose pour le passé. Sur ce point, la Cour de Cassation réfute le risque d’insécurité juridique rappelant que la sécurité juridique ne consacre pas un droit acquis à une jurisprudence figée, cette évolution de jurisprudence relevant de l’office du juge dans l’application du droit (Civ. 1ère 21 mars 2000, bull. civ. I, n° 97).

     

    La jurisprudence ou la reconnaissance de ce pouvoir créateur …

    Toutefois, d’autres observations viennent conforter le qualificatif de source du droit attribué par certains auteurs à la jurisprudence. L’article 4 du Code Civil interdit au juge de refuser de statuer sous peine de commettre un déni de justice. L’article 434-7-1 du Code Pénal dispose que le fait, par un magistrat, toute autre personne siégeant dans une formation juridictionnelle ou toute autorité administrative, de dénier de rendre la justice après en avoir été requis et de persévérer dans son déni après avertissement ou injonction de ses supérieurs est puni de 7 500 € d’amende et de l’interdiction de l’exercice des fonctions publiques pour une durée de cinq à vingt ans. Le juge ne peut se retrancher derrière le silence de la loi ou son caractère obscur (Civ. 2ème 21 janvier 1993). Dans son discours préliminaire sur le Code Civil, Portalis explique l’importance du rôle du magistrat pénétrés de l’esprit, général des lois, à en diriger l’application, et par extension la réalité de la jurisprudence regardé comme le vrai supplément de la législation. De plus, le magistrat se doit de motiver, d’argumenter son exposé juridique. Donc, lorsque le juge applique la loi, il peut être amener à l’interpréter pour préciser, compléter ou adapter cette loi.

    Parmi la masse d’arrêts rendus par les juridictions, on distingue les arrêts de principe. Selon Mme Rondeau-Rivier, la jurisprudence, ce sont les arrêts de principe rendus par les cours suprêmes (RONDEAU-RIVIER (M.C.), La jurisprudence expliquée aux apprentis juristes, RTDciv. 1993, Chron., p : 89). Ces arrêts se voient attribuer ce qualificatif de principe du fait de la réitération et de la globalisation de leur solution juridique. Outre l’importance de la publication qui les entoure, les arrêts de principe peuvent l’être de part la formation les ayant rendus (Assemblée Plénière, Chambres Mixtes). Ces arrêts de principe posent donc la distinction avec les arrêts de règlement… Ces arrêts de principe découlent parfois de l’existence de positions divergentes entre les juridictions du fond. D’ailleurs, les deux formations de la Cour de Cassation précédemment citées, permettent de conserver une uniformité des décisions de l’ordre judiciaire.

    Pour illustrer ce pouvoir créateur du juge, il est aisé de citer différentes jurisprudences d’importance. Par exemple, l’arrêt Jeandheur rendu par les Chambres Réunies (anciennement l’Assemblée Plénière) du 13 février 1930 pose le principe de la responsabilité du fait des choses.

     

    En conclusion, il convient de rappeler que quoiqu’il arrive, que l’on reconnaisse ou non ce rôle de source du droit, le législateur garde le dernier mot. Une loi postérieure peut à tout moment venir effacer une jurisprudence… mais aussi parfois la consacrer. Dès lors, la jurisprudence se doit de combler un vide juridique, éclaircir une sombre disposition ou appeler le législateur à légiférer. La jurisprudence et la loi doivent collaborer pour offrir une législation adaptée et efficace à destination des citoyens. La question la jurisprudence est-elle une source du droit a-t-elle encore aujourd’hui un sens …