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Droit Pénal

  • LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT - Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 en matière économique et financière et Ordonnance n° 2020-1544 du 9 décembre 2020 en matière de lutte contre le blanchiment

    Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière

    Ordonnance n° 2020-1544 du 9 décembre 2020, renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques

    Deux textes adoptés en fin d’année 2020 s’inscrivent dans la lutte contre le blanchiment, la loi n° 2020-1508[1] d’une part et l’ordonnance n° 2020-1544[2] d’autre part. S’il faut indiquer la publication de ces textes, ils ne se présentent pas comme des textes majeurs, pour la matière pénale, quant aux dispositions adoptées.

    La loi n° 2020-1508 peut être qualifiée de « tentaculaire »[3] compte tenu des nombreuses matières qu’elle aborde : protection des consommateurs (chapitre 1), surveillance du marché et conformité des produits (chapitre 2), pratiques commerciales déloyales (chapitre 3), matière douanière (chapitre 4), matière financière (chapitre 5), fonctionnement du marché intérieur (chapitre 6), prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme (chapitre 7), santé animale (chapitre 8), fonds européen agricole (chapitre 9), communication audiovisuelle (chapitre 10), concurrence (chapitre 11), téléphonie mobile (chapitre 12) et marques de produits et de services (chapitre 13). Sont dispersées, dans ces chapitres, 16 habilitations du Gouvernement pour légiférer par voie d’ordonnance, ce qui – si certains pouvaient encore en douter – semble apparaître comme la nouvelle voie normative privilégiée. Une de ces habilitations doit permettre, par exemple, la transposition de la directive (UE) 2019/1153 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l’utilisation d’informations financières et d’une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière[4]. Noyés dans les nombreuses dispositions de cette loi se composant de 30 pages, quelques articles concernent une intervention pénale directe, dont les nouveaux articles L. 521-3-1 et L. 532-5 du Code de la consommation. Cet article L. 532-5 illustre une rédaction particulièrement complexe de certains articles. Ainsi, cet article sanctionne le non-respect des mesures ordonnées ou devant être appliquées aux adresses électroniques notifiées en application de l’article L. 521-3-1, renvoyant à son tour à une énumération d’articles. Plus précisément, il convient de se référer à « une infraction ou un manquement aux dispositions mentionnées aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7 ainsi qu’aux règles relatives à la conformité et à la sécurité des produits à partir d’une interface en ligne et que l’auteur de la pratique ne peut être identifié ou qu’il n’a pas déféré à une injonction prise en application des articles L. 521-1 et L. 521-2 ». Le comble est que ces articles renvoient à leur tour à des sections de chapitres de titres du Code, voire à d’autres codes ou à des règlements européens. Même la consultation des peines prévues par cet article implique une recherche puisque ce sont celles prévues par renvoi au 1er du VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique – ou pour faciliter les recherches du lecteur : un an d’emprisonnement et 250 000 euros d’amende. Il devient nécessaire de s’interroger sur une telle qualité rédactionnelle puisqu’il n’est pas raisonnable de croire que ce type de textes soit compréhensible par le citoyen quand le spécialiste peinera à les appréhender.

    L’ordonnance n° 2020-1544 a été prise sur le fondement de l’habilitation donnée au Gouvernement par l’article 203 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE)[5]. Ce texte a pour objectif de mettre en conformité le cadre réglementaire national relatif aux actifs numériques avec les recommandations du GAFI en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), et de renforcer les mesures de lutte contre l’anonymat dans les transactions en actifs numériques[6]. Cette ordonnance assure ainsi la transposition des dispositions de la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018[7] en assujettissant aux mesures de la LCB-FT les seuls services de conservation d’actifs numériques pour le compte de tiers ainsi que les services d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal (services dits « crypto-to-fiat »).

    Si ces textes s’inscrivent dans la lutte contre l’incrimination de blanchiment, cette action s’appuie principalement sur des dispositions non répressives.

    FXRD

     

    [1] JORF n° 293, 4 déc. 2020, texte n° 2.

    [2] JORF n° 298, 10 déc. 2020, texte n° 16.

    [3] N. Kilgus, « Une loi tentaculaire. A propos de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière », JCP Ed. G. n° 3, 18 janv. 2021, 38.

    [4] JOUE n° L 186, 11 juill. 2019, p. 122.

    [5] JORF n° 119, 23 mai 2019, texte n° 2.

    [6] Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-1544 du 9 décembre 2020 renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques, JORF n° 298, 10 déc. 2020, texte n° 15.

    [7] JOUE n° L 156, 19 juin 2018, p. 43.

     

    POUR CITER CE DOCUMENT :

    François-Xavier ROUX-DEMARE, « Obs. de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière et de l’ordonnance n° 2020-1544 du 9 décembre 2020, renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques », [En ligne], Blog personnel de F.-X. ROUX-DEMARE, http://fxrd.blogspirit.com/, 2022.

     

    POUR ACCEDER A LA VERSION PDF : 

    001 Commentaire FXRD Blanchiment BLOG.pdf

     

  • VIOLENCES CONJUGALES –DIFFERENTES MESURES CIVILES ET PENALES - Loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020, visant à protéger les victimes de violences conjugales

     

    Loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020, visant à protéger les victimes de violences conjugales

    Depuis plusieurs années, les violences conjugales alimentent les réflexions et les réformes juridiques. Nous avions pu écrire, lors du commentaire de la loi n° 2010-769 du 10 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences de ces dernières sur les enfants[1], que « l’année 2010 semble marquer l’aboutissement d’une véritable prise de conscience sur un fléau d’une nature particulière puisque relatif au cadre familial : les violences conjugales »[2]. Les lois s’additionnent et pourtant l’exposé des motifs de cette nouvelle loi de 2020 trouble par le constat persistant d’un « véritable fléau, reflet des inégalités et des héritages du modèle patriarcal de la société française »[3] et que « l’urgence de la situation impose de nouvelles mesures »[4]. Il y a une impression de « déjà vu » laissant perplexe, avec un bilan victimologique inquiétant et une réponse législative identique par des retouches éparses. Cette approche critique est renforcée par le fait que cette nouvelle loi intervient, certes dans la continuité du Grenelle des violences conjugales, à la suite de l’adoption – il y a quelques mois – de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 sur les violences au sein de la famille[5]. Il faut regretter que le législateur ne donne désormais aucun écho au sage conseil de Montesquieu de ne « toucher que d’une main tremblante »[6] à la loi. De « ne légiférez qu’en tremblant », il s’agit aujourd’hui de « ne légiférez qu’en gribouillant ». Un unique texte à la suite d’une réflexion sereine aurait dû être préféré à cette addition normative, ce qui aurait été de nature à éviter les critiques « de quelques incohérences »[7] voire de s’interroger sur « une loi pour rien ? »[8]. Malgré ces regrets, il convient de présenter les modifications proposées par cette loi sur les volets civil (I) et pénal (II).

     

    I. Lutter contre les violences conjugales par le droit civil

    Compte tenu des liens évidents entre la matière civile et la matière pénale dans le cadre de cette lutte contre les violences conjugales, cela justifie une présentation succincte des réformes sur le volet civil.

     

    A. L’ordonnance de protection

    Logement conjugal ou commun. Par des ajouts à l’article 515-11 du Code civil, la jouissance du logement conjugal ou commun est attribuée automatiquement, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au conjoint victime des violences conjugales. Cette attribution est possible même en cas d’obtention d’un hébergement d’urgence.

    L’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs est modifié pour faciliter le départ du locataire victime de violences conjugales. Le délai de préavis de trois mois est ainsi réduit à une durée écourtée d’un mois pour le locataire bénéficiant d’une ordonnance de protection ou dont le conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin fait l’objet de poursuites, d’une procédure alternative aux poursuites ou d’une condamnation, même non définitive, en raison de violences exercées au sein du couple ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui.

    Bracelet anti-rapprochement (BAR). L’article 515-11-1 du Code civil – qui consacre ce récent dispositif de protection créé par la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 – précise que le juge aux affaires familiales « peut prononcer une interdiction de se rapprocher de la partie demanderesse à moins d’une certaine distance ». Cette précision textuelle permet d’ajouter cette interdiction de rapprochement.

    De même, une autre modification de cet article précise expressément que ce dispositif signale que « la partie défenderesse ne respecte pas cette distance », ce qui ne se limite pas au simple constat d’une proximité géographique.

    Signalement d’une mise en danger des enfants au Parquet. Conséquemment à la nouvelle rédaction de l’article 515-11 du Code civil, lorsque le juge délivre une ordonnance de protection, il en informe sans délai le procureur de la République, auquel il signale également les violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants. Le signalement concerne donc toutes les ordonnances de protection, et plus uniquement les ordonnances prononcées en raison de la mise en danger sur les enfants, bien que cette précision sera mise en exergue lors de la transmission de l’information au Parquet.

    Aide juridictionnelle. A l’occasion de la délivrance d’une ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales est compétent – en vertu de l’article 515-11, 7°, du Code civil – pour prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle des deux parties, et plus seulement de la partie demanderesse.

    La modification de l’article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique permet l’octroi de l’aide juridictionnelle de plein droit à titre provisoire dans le cadre des procédures présentant un caractère d’urgence, dont la liste devra être établie par un décret en Conseil d’Etat. Cette aide provisoire devient alors définitive si le contrôle des ressources du demandeur réalisé a posteriori par le bureau d’aide juridictionnelle établit l’insuffisance des ressources.

     

    B. Les autres dispositions de protection

    Autorité parentale. L’article 378 du Code civil relatif au retrait total de l’autorité parentale ou l’exercice de l’autorité parentale étend ce retrait, au-delà des seuls crimes commis sur la personne de l’autre parent, aux délits accomplis comme auteurs, coauteurs ou complices à son encontre.

    Médiation familiale. Compte tenu de l’inadaptation des mesures alternatives au règlement des différends en cas de violences conjugales, le recours à la médiation familiale est interdit dès lors que des violences sont alléguées par l’un des époux sur l’autre époux ou sur l’enfant, ou en cas d’emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint[9]. La notion d’emprise est ainsi introduite dans le Code civil. Le législateur y recourt également à l’article 373-2-10 de ce code pour exclure, si cette emprise est manifeste, la médiation au titre des modalités d’exercice de l’autorité parentale, l’exclusion pour violences ayant déjà été prévue par la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019.

    Les étrangers victimes. Si la communauté de vie est rompue en raison de violences familiales ou conjugales, la carte de séjour pluriannuelle délivrée au conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, comme bénéficiaire de la protection subsidiaire ou par le statut d’apatride, ne peut être retirée par l’autorité administrative[10]. Cet impossible retrait concerne également la carte de résident[11].

     

    C. Les sanctions patrimoniales

    Obligation alimentaire. L’article 207 du Code civil prévoit désormais la décharge automatique de l’obligation alimentaire à l’égard du créancier condamné pour un crime commis sur la personne du débiteur ou l’un de ses ascendants, descendants, frères ou sœurs. Cette décharge peut être écartée par une décision contraire du juge.

    Indignité successorale. L’article 727 du Code civil énumère tous les cas d’indignité successorale facultatifs liés à une condamnation pour une infraction commise à l’encontre du défunt. Aux côtés des cas existants – notamment le meurtre ou les violences ayant entraîné la mort – est ajouté la condamnation de l’héritier, comme auteur ou complice, à une peine criminelle ou correctionnelle pour avoir commis des tortures et actes de barbarie, des violences volontaires, un viol ou une agression sexuelle envers le défunt.

     

    Si cette loi propose quelques modifications sur ce volet civil, elle contient principalement des apports sur le volet pénal.

     

     

    II. Lutter contre les violences conjugales par les sciences criminelles

    Les interventions du législateur par cette loi sont nombreuses et éparses, touchant le droit pénal général (A), le droit pénal spécial (B) comme la procédure pénale (C). Si la grande majorité des dispositions s’inscrivent dans la lutte contre les violences conjugales, il sera également fait mention des autres dispositions visant le plus souvent des comportements de violences spécifiques.

     

    A. Les dispositions de droit pénal général

    Secret professionnel. L’article 226-14 du Code pénal liste les cas d’inapplication de l’infraction d’atteinte au secret professionnel puni par l’article 226-13, qui s’apparentent à des faits justificatifs de nature à écarter l’engagement de la responsabilité pénale. Cette loi ajoute un nouveau cas de révélation du secret par le médecin ou tout autre professionnel de santé « qui porte à la connaissance du procureur de la République une information relative à des violences exercées au sein du couple relevant de l’article 132-80 du présent code, lorsqu’il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences ». La décision du praticien est prise, en conscience, dès lors qu’il estime que deux conditions cumulatives sont présentes : les violences de nature à mettre la vie de la victime majeure en danger immédiat ainsi que la contrainte morale l’empêchant de se protéger. La particularité de ce cas de levée du secret est que le médecin ou le professionnel de santé n’est pas contraint par l’accord de la victime majeure. Ainsi et d’après l’article, s’il « doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure ; en cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, il doit l’informer du signalement fait au procureur de la République ». La difficulté de ce cas est d’appréhender le recours à la notion d’emprise, non définie par le texte, aux côtés de la notion traditionnelle de contrainte. Pis, la mise en pratique de ce cas, notamment lorsque la victime majeure n’aura pas donné son accord, interpelle. Outre la relation de confiance possiblement compromise entre le patient et son médecin, il est à craindre que ce dernier pourra se retrouver dans une situation bien inconfortable s’il est appelé à prouver les conditions de levée du secret, et particulièrement cette emprise. Alors que la mise en œuvre de l’article 226-14 du Code pénal était déjà soumise à controverses[12], cet ajout est de nature à accentuer les difficultés théoriques comme pratiques de son application.

    Application de la loi dans l’espace et actes de complicité. Les conditions d’application de la loi dans l’espace font l’objet d’une modification pour les actes de complicité, par provocation ou instruction, commis sur le territoire de la République et concernant, lorsqu’ils sont commis à l’étranger, les crimes contre les personnes. Antérieurement, la condition de réciprocité d’incrimination et le constat par une décision définitive de la juridiction étrangère étaient impératifs. Un nouvel alinéa à l’article 113-5 du Code pénal permet désormais l’application de la loi pénale française, sans reprise de ces conditions. Si la qualité rédactionnelle de ce nouvel alinéa était de nature à induire un doute sur son apport[13], les précisions apportées par les travaux préparatoires assurent une meilleure compréhension. Le rapport précise : « Afin de faciliter la sanction des actes de complicité visés au deuxième alinéa de l’article 121-7, il est proposé de préciser que la loi pénale française leur est applicable lorsqu’ils sont commis sur le territoire de la République (sans que soit exigée la double incrimination et la condamnation par une juridiction étrangère), mais aussi lorsqu’ils sont commis à l’étranger à condition qu’ils concernent un crime contre la personne »[14].

    Peines alternatives. L’article 131-6 du Code pénal propose l’énumération des peines alternatives à l’emprisonnement. Cet article accueille un nouvel alinéa selon lequel « lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place de ou en même temps que la peine d’emprisonnement, une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de liberté prévues aux 6°, 7°, 10°, 12°, 13° et 14° », c’est-à-dire les interdictions et la confiscation des armes, la confiscation de la chose ayant servi à commettre l’infraction ou qui en est le produit, les interdictions de paraître ou de fréquenter certaines personnes. Cette modification soulève des questionnements. D’une part, ce nouvel alinéa précise qu’une peine alternative peut être prononcée « à la place de » l’emprisonnement, ce qui est heureux puisque c’est justement l’objet de cette technique de substitution. D’autre part, une peine alternative devient désormais cumulative à l’emprisonnement[15], ce qui n’est pas en cohérence avec cette technique – au contraire des peines complémentaires –, ni de nature à faciliter la compréhension de l’application des peines.

    Probation. Au cours du délai de probation, le condamné doit satisfaire à des mesures et obligations particulières qui cessent de s’appliquer, et le délai de probation est suspendu, pendant le temps où le condamné est incarcéré. Une modification de l’article 132-43 du Code pénal introduit une exception pour les interdictions de contact ou de paraître prévues à l’article 132-45, dont l’application se poursuit pendant le temps d’incarcération du condamné.

     

    B. Les dispositions de droit pénal spécial

    Vie privée et géolocalisation. L’évolution des technologies permet de recourir facilement à des logiciels pour pirater et espionner une messagerie Internet ou un téléphone portable. Le législateur s’intéresse avec cette loi aux logiciels espion permettant la géolocalisation d’une personne. Il vient ajouter cette technique dans la liste des comportements portant atteinte à la vie privée de l’article 226-1 du Code pénal. Est ainsi puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende – ou de deux ans et de 60 000 euros s’il s’agit du conjoint, concubin ou partenaire d’un PACS de la victime – le fait de capter, enregistrer ou transmettre, par quelque moyen que ce soit, la localisation en temps réel ou en différé d’une personne sans son consentement. Pour éviter que le conjoint/concubin/partenaire intrusif utilise le téléphone des enfants pour géolocaliser l’autre membre du couple, le même article précise que ces actes accomplis sur le mineur nécessitent le consentement des titulaires de l’autorité parentale. Il faut néanmoins regretter la rédaction de cette disposition – ou alors l’objectif assumé du législateur – qui conditionne le recours au logiciel espion à l’encontre des mineurs au seul consentement des parents. Cela interroge sur la difficile conciliation entre la vie privée du mineur et le contrôle parental dans son intérêt, notamment pour les adolescents[16].

    Pédopornographie – Consultation de sites Internet pédopornographiques. Les peines réprimant la consultation de pédopornographie par Internet prévues à l’article 227-23 alinéa 4 du Code pénal sont aggravées à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, en lieu et place des peines de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Si le renforcement des peines ne donne pas lieu à critique sur le principe, cette augmentation du quantum interroge néanmoins par comparaison aux autres comportements pédopornographiques sanctionnés. Dorénavant, la consultation de sites Internet pédopornographiques est sanctionnée des mêmes peines que le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur. Pourtant, il nous apparait que les comportements devraient être distingués quant à leur degré de gravité.

    Pornographie – Lutte contre l’accès des mineurs à la pornographie. Dans le cadre des outrages aux bonnes mœurs, l’article 227-24 du Code pénal lutte contre les messages violents ou pornographiques susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur. Pour renforcer cette lutte contre l’accès par les mineurs à du contenu pornographique, cet article est complété d’un nouvel alinéa qui précise que « les infractions prévues au présent article sont constituées y compris si l’accès d’un mineur aux messages mentionnés au premier alinéa résulte d’une simple déclaration de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins dix-huit ans ». Ainsi, le garde-fou constitué par une simple déclaration de sa majorité – qui est un jeu d’enfant puisque ne nécessitant qu’un clic droit de sa souris – pour entrer sur un site Internet ne suffit pas à écarter l’application de ce texte. Cette modification reprend la solution jurisprudentielle, au sujet de la pornographie, adoptée dans un arrêt de la Cour de cassation du 23 février 2010[17].

    L’article 23 de la loi donne compétence au président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, lorsqu’il constate qu’un éditeur de service de communication au public en ligne viole l’article 227-24 du Code pénal en permettant un accès par des mineurs à un contenu pornographique, d’agir pour faire cesser l’infraction. Il pourra ainsi le mettre en demeure pour l’enjoindre de prendre toute mesure de nature à remédier à un tel accès. En cas d’inexécution, il pourra alors saisir le président du Tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner qu’il soit mis fin à l’accès à ce service et de faire cesser le référencement du service de communication en ligne par un moteur de recherche ou un annuaire.

    L’objectif de ces mesures est de tenter de limiter l’accès à la pornographie par les mineurs, et de répondre au constat qu’une grande majorité des mineurs auront consulté, voire consommé, de la pornographie avant leur majorité[18], avec les possibles conséquences sur leur vie sexuelle.

    Live-streaming infractionnel. Compte tenu de la capacité d’adaptation et de modernisation de la criminalité, Internet est un outil inédit pour créer ou faciliter certains comportements criminels. Récemment, un phénomène suscite d’importantes inquiétudes. Il s’agit de la pratique qu’il est possible d’appeler le « live-streaming infractionnel », qui consiste à diffuser en direct la captation vidéo de la commission d’une infraction, en contrepartie du paiement par le commanditaire de l’acte qui y assiste comme spectateur. Cette pratique rappelle ce qui est désigné par le terme « snuff movie » ou « snuff film », c’est-à-dire des films montrant des scènes de meurtre ou de tortures d’une victime véritable. Avec le live-streaming, s’ajoute la dimension du « direct », renforçant l’importance de la commande d’un acte spécifique par un individu à distance. Ce récent phénomène trouve une abominable illustration avec le live-streaming pédopornographique[19] : « des enfants de moins de 10 ans violés en direct pour le plaisir d’Occidentaux cachés derrière leur ordinateur »[20]. Pour lutter contre ce comportement des individus en France commandant un tel acte réalisé à l’étranger, plusieurs problèmes étaient de nature à entraver les poursuites. Compte tenu du déroulement des faits, les poursuites seront engagées pour complicité à l’encontre du commanditaire français, soulevant deux difficultés distinctes. D’une part, le législateur devait résoudre les problèmes d’application de la loi dans l’espace, ce qu’il effectue par la modification de l’article 113-5 du Code pénal précédemment citée. D’autre part, les poursuites sont conditionnées à la commission de l’acte ou à sa tentative. En effet, à défaut de fait principal punissable, la complicité disparaît. Pour combler cette impossibilité de poursuivre, le législateur a incriminé de façon autonome le mandat criminel. Tel était déjà le cas pour l’assassinat et l’empoisonnement, prévu à l’article 221-5-1 du Code pénal, sanctionnant alors « le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu’elle commette un assassinat ou un empoisonnement est puni, lorsque ce crime n’a été ni commis ni tenté ». Le législateur étend donc la technique du mandat criminel aux tortures et actes de barbarie[21], au viol[22] et aux agressions sexuelles[23], y compris pour des infractions projetées hors du territoire national[24]. Ces modifications de nature à favoriser la répression de ces comportements ne lèvent néanmoins pas les difficultés probatoires. Si les techniques d’investigation des autorités publiques évoluent, à l’image du recours à la captation de données à distance, elles doivent s’opposer à l’anonymat, au chiffrement et aux réseaux difficilement identifiables, comme par exemple le Darknet.

    Harcèlement moral. La répression du harcèlement moral au sein du couple est renforcée par la prévision d’une nouvelle aggravation à l’alinéa 3 de l’article 222-33-2-1 du Code pénal. Ainsi, lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider, les peines sont alors portées à 10 ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende. Si un lien peut être établi avec l’incrimination de provocation au suicide, cette aggravation ne s’appuie que sur le résultat, sans qu’il ne soit nécessaire d’apporter la preuve du caractère intentionnel d’un acte de provocation en vue d’un tel résultat.

    Autres circonstances aggravantes. Les articles 226-4-1 du Code pénal sur l’usurpation d’identité, 226-15 sur le secret des correspondances et 222-16 sur les appels téléphoniques malveillants et agressions sonores sont complétés par un nouvel alinéa portant aggravation des peines lorsque les faits sont commis par le conjoint/concubin/partenaire. La peine d’un an d’emprisonnement est doublée voire triplée pour les faits d’appels malveillants et agressions sonores. De même, la peine d’amende est alourdie, parfois au triple de la peine simple.

    Immunité familiale. Le domaine d’application de l’immunité familiale de l’article 311-12 du Code pénal relatif au vol est réduit. A l’avenir, ne donne plus lieu à une immunité familiale le vol des moyens de télécommunication. Il s’agit d’empêcher le vol du téléphone portable, dont l’importance dans la vie quotidienne n’est plus à démontrer.

     

    C. Les dispositions de procédure pénale

    Médiation pénale. La rédaction de l’article 41-1 du Code de procédure pénale est modifiée pour interdire le recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales relevant de l’article 132-80 du Code pénal. L’exclusion de cette mesure alternative aux poursuites appartient au bon sens. Une médiation ne serait pas opportune dans un contexte de violences familiales.

    Contrôle judiciaire. Dans le cadre du contrôle judiciaire, le juge se prononce, par une décision motivée, sur la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur dont la personne mise en examen est titulaire, lorsqu’une interdiction de contact, de paraître en cas d’infraction au sein du couple ou contre les enfants, ou de se rapprocher d’une victime de violences conjugales, a été prononcée[25].

    Certificat d’examen médical. L’article 10-2 du Code de procédure pénale est complété pour ajouter une obligation faite aux officiers de police judiciaire d’informer par tout moyen les victimes de violences de leur droit de se voir remettre le certificat d’examen médical constatant leur état de santé, dès lors qu’un tel examen médical a été requis par un officier de police judiciaire ou un magistrat. La création d’un article 10-5-1 du même code prévoit la remise de ce certificat d’examen à la victime, dont les modalités seront précisées par voie réglementaire.

    Saisie des armes. Un nouvel alinéa à l’article 56 du Code de procédure pénale permet à l’officier de police judiciaire, dans le cadre d’une enquête pour violences, d’office ou sur instruction du procureur de la République, de saisir les armes détenues ou à libre disposition du suspect.

    Fichiers. Les données enregistrées dans le Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) sont étendues à l’inscription des informations des personnes mises en examen, lorsque le juge d’instruction a ordonné l’inscription de la décision dans le fichier. En matière criminelle, l’inscription dans le fichier est de droit, sauf décision motivée du juge d’instruction.

    Le Fichier des personnes recherchées au titre des décisions judiciaires, dont la liste des mentions inscrites est contenue à l’article 230-19 du Code de procédure pénale, accueille la mention de l’interdiction de paraître dans certains lieux, prononcée au titre d’une mesure alternative aux poursuites.

     

    A défaut de précisions spécifiques, ces nombreuses dispositions sont entrées en vigueur dès le 1er août 2020. Il faut espérer que cette nouvelle loi ne vienne pas simplement alourdir une énumération déjà longue des textes en la matière. Ainsi, il conviendra d’évaluer l’impact de cette réforme sur la délinquance spécifique des violences conjugales, sachant que les attentes sont particulièrement fortes dans un contexte sanitaire inédit propice à une augmentation de ces violences.

    FXRD

     

    [1] JORF n° 158, 10 juill. 2010, texte n° 2.

    [2] F.-X. ROUX-DEMARE, « Obs. sur la loi n° 2010-769 du 10 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences de ces dernières sur les enfants », RPDP, 1-2011, pp. 237-249.

    [3] Ass. nat., Proposition de loi n° 2478 visant à protéger les victimes de violences conjugales, 3 déc. 2019, p. 4.

    [4] Idem.

    [5] F.-X. ROUX-DEMARE, « Obs. sur la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019, visant à agir contre les violences au sein de la famille », RPDP, 2-2020, pp. 513-519.

    [6] MONTESQUIEU, Lettres persanes, publiées avec une introduction par Jacques Bainville, Paris, A la cité des livres, MDCCCCXXXI, p. 286(CXXIX. Usbek à Rhédi).

    [7] V. WEBER, « La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales et l’application de la loi pénale dans l’espace : de quelques incohérences… », Dr. pén. n° 11, nov. 2020, étude 33.

    [8] L. SAENKO, « La loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales : une loi pour rien ? », D. 2020. 2000.

    [9] Nouvelle rédaction de l’art. 255 du Code civil.

    [10] CESEDA, art. L. 313-25 et L. 313-26.

    [11] CESEDA, art. L. 314-11.

    [12] M. COTTET, « Le secret de la personne protégée par le médecin : le secret médical », Petites affiches, 14 nov. 2016, n° 226-227, p. 40.

    [13] M. SEGONDS, « La nouvelle rédaction de l’article 113-5 du code pénal. A propos de la loi n° 2020-936 du 30 juill. 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales », RSC 2020 p. 982.

    [14] Sénat, Rapport n° 482 visant à protéger les victimes de violences conjugales, par Mme M. MERCIER, 3 juin 2020, p. 66.

    [15] Modification de l’art. 131-9 du Code pénal pour permettre d’assurer ce cumul.

    [16] P. BONFILS et A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, Dalloz, 2e éd., 2014, p. 439 et s. (§693).

    [17] Crim. 23 févr. 2000, n° 99-83.928. Dans cette affaire, il s’agit d’une revue non interdite à la vente pour les mineurs ayant offert à ses lecteurs l’acquisition de CD-Rom contenant des images pornographiques. Si les CD-Rom étaient cryptés, il était possible d’obtenir la clé de déverrouillage simplement en certifiant être majeur en tapant OUI sur le clavier minitel.

    [18] Sénat, Rapport d’information n° 607 sur la formation à l’heure du numérique, par Mme C. Morin-Desailly, 27 juin 2018, pp. 50 et ss.

    [19] P. ROUSSEAU, « Le renforcement de la lutte contre les commanditaires d’abus sexuels en live streaming », AJ pénal 2020 p. 396 ; J.-C. PLANQUE, « Live-streaming pédopornographique : des violences sexuelles difficiles à appréhender pour le droit pénal français », Dr. pén. n° 9, sept. 2020, étude 27.

    [20] V. GAUTRONNEAU et J. PHAM-LÊ, « Viols à distance en streaming : « Un phénomène exponentiel » », Le Parisien, 17 juin 2019.

    [21] C. pén., art. 222-6-4.

    [22] C. pén., art. 222-26-1.

    [23] C. pén., art. 222-30-2.

    [24] Cette précision explique la modification de l’article 221-5-1 du Code pénal.

    [25] Nouvelle rédaction de l’art. 138, 17°, du Code pénal.

     

    POUR CITER CE DOCUMENT :

    François-Xavier ROUX-DEMARE, "Obs. sur la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020, visant à protéger les victimes de violences conjugales", [En ligne], Blog personnel de F.-X. ROUX-DEMARE, http://fxrd.blogspirit.com/, 2022.

     

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  • VIOLENCES CONJUGALES – DISPOSITIF ELECTRONIQUE MOBILE ANTI-RAPPROCHEMENT

    Décret n° 2020-1161 du 23 septembre 2020,
    relatif à la mise en œuvre d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement

     

    La loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille[1] crée, en s’appuyant sur l’expérience espagnole, un dispositif électronique mobile anti-rapprochement. Appelé le bracelet anti-rapprochement (BAR), il provoque une alerte, à l’aide d’une géolocalisation en temps réel, dès que le porteur du bracelet ne respecte pas la distanciation imposée avec sa victime. « Très rassurant pour les victimes, répond[-ant] à l’impératif de protection de celles-ci tout en offrant une véritable alternative à la détention »[2], les juridictions pénales peuvent le mobiliser pendant la phase pré-sentencielle comme post-sentencielle. Ce décret n° 2020-1161 du 23 septembre 2020[3] prévoit les modalités d’application de ce nouveau dispositif de protection.

    Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le juge[4] peut interdire à la personne placée sous contrôle judiciaire de se rapprocher de la victime à moins d’une certaine distance[5]. Cette mesure sera ainsi assurée par le recours au bracelet anti-rapprochement, dont ce décret organise la mise en œuvre par la création des articles R. 24-14 à R. 24-24 du Code de procédure pénale. Plus particulièrement, le décret fixe les distances devant séparer la victime et la personne placée sous contrôle. De façon générale, le nouvel article R. 24-18 du Code de procédure pénale dispose que « la distance d’alerte séparant la victime de la personne placée sous contrôle judiciaire, exprimée en nombre entier de kilomètres, ne peut être inférieure à un kilomètre, ni supérieure à dix kilomètres. La distance de pré-alerte est égale au double de la distance d’alerte ». Cette décision est prise en conciliant les impératifs de protection de la victime avec le respect de la dignité et de la vie privée, familiale et professionnelle, ainsi qu’avec les objectifs de réinsertion de l’individu soumis à la mesure[6]. La durée d’utilisation du bracelet est précisée à l’article R. 24-19 du Code de procédure pénale, fixée à 6 mois, avec possible prolongation – dès lors que son utilisation est nécessaire pour éviter le renouvellement de l’infraction[7] – pour une même durée et dans la limite des deux ans.

    La juridiction de jugement ou la juridiction d’application des peines peuvent également recourir au bracelet anti-rapprochement dans le cadre d’un sursis probatoire, d’une semi-liberté, d’un placement à l’extérieur, d’une détention à domicile sous surveillance électronique, d’un fractionnement ou d’une suspension de peines, d’un suivi socio-judiciaire, d’une libération conditionnelle, d’une surveillance judiciaire ou d’un placement sous surveillance électronique mobile. Pour toutes ces opportunités de mise en œuvre du dispositif, l’article R. 60-1 du Code de procédure pénale renvoie aux règles détaillées pour le contrôle judiciaire dans les articles R. 24-16 à R. 24-23, à l’exception des articles R. 24-19 sur les durées et R. 24-22 sur la fin de l’obligation de port du bracelet[8]. On retrouve l’obligation de nécessité de la mesure, la compatibilité du dispositif avec la santé de la personne[9], les distances de pré-alerte et d’alerte, ainsi que les informations transmises au porteur du bracelet[10].

    Un chapitre composé des article R. 61-43 à R. 61-51 du Code de procédure pénale est consacré à la création et au fonctionnement d’un traitement de données à caractère personnel visant à assurer le contrôle à distance des personnes placées sous ce dispositif. Ce fichier dénommé « Bracelet anti-rapprochement » doit permettre d’alerter les personnels habilités chargés du contrôle à distance du BAR[11] de l’irrespect de la mesure ou d’une altération du fonctionnement du bracelet ; de localiser la victime comme la personne porteuse du bracelet pour mettre en œuvre la protection utile ; et à des fins statistiques. Sont notamment énumérées les données à caractère personnel et les informations enregistrées dans le fichier[12] : identité, coordonnées personnelles et données relatives à l’identification biométrique vocale[13] du porteur du bracelet et de la victime, les données techniques du bracelet et du boitier de la victime, la liste des alertes émises ou des informations relatives aux personnels habilités participant au déroulement de la mesure. Plusieurs articles prévoient les personnes habilitées à accéder à ce traitement[14] ou destinataires des données[15], la durée de conservation des informations[16], les modalités d’information, d’accès, de rectification et d’effacement par renvoi à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique[17].

    Le décret prévoit également les modifications utiles du Code de procédure civile, par la création d’une nouvelle section[18], pour organiser le recours au BAR, ordonné par le juge aux affaires familiales, dans le cadre d’une ordonnance de protection. Ces prévisions visent le plus souvent des impératifs similaires à la procédure pénale : consentement des parties et informations transmises, distance d’alerte, contenu et durée de la mesure, protection des droits du porteur, modification des mesures ou mainlevée du dispositif. Certaines dispositions sont néanmoins spécifiques à la matière civile, comme la possibilité pour les parties de demander le recours à ce dispositif[19]. Il est possible de mettre en exergue l’article 1136-23 du Code de procédure civile qui concilie le recours au dispositif comme mesure civile et comme mesure pénale. Ainsi, si le recours au bracelet est prononcé dans le cadre d’une procédure pénale, son utilisation au titre de l’ordonnance de protection en application de l’article 515-11-1 du Code civil fait l’objet d’une main levée de plein droit.

    Selon le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, ce bracelet représente « un outil innovant qui apporte une protection complémentaire de celle offerte par le téléphone grave danger dont l’efficacité n’est plus à démontrer »[20]. Pour s’assurer d’un recours effectif à ce dispositif, ce sont 1 000 bracelets anti-rapprochement qui ont été mobilisés dès la mise en œuvre du dispositif en septembre 2020, avec un objectif de déploiement progressif sur tout le territoire[21]. Une évaluation de ce dispositif devra être envisagée dans les mois à venir, en laissant le recul nécessaire, pour déceler les éventuelles difficultés de mise en œuvre et adopter les aménagements utiles.

     

    [1] JORF n° 302, 29 déc. 2019, texte n° 2. V. F.-X. ROUX-DEMARE, « Obs. sur loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille », RPDP, 2-2020, pp. 513-519.

    [2] Ministère de la Justice, Circulaire relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences conjugales, JUSD2025172C, CRIM-2020-19/E1 – 22/09/2020, BOMJ n° 2020-09 du 30 sept. 2020, p. 3.

    [3] JORF n° 233, 24 sept. 2020, texte n° 17.

    [4] Selon l’article R. 24-14 du Code de procédure pénale, la décision de placement sous contrôle judiciaire avec port du BAR est prise par le juge d’instruction ou par le juge des libertés et de la détention (JLD), au vu des réquisitions écrites du procureur de la République dont il est donné lecture au mis en examen et après avoir entendu les observations de cette personne ou de son avocat, ou après un débat contradictoire devant le JLD conformément à l’article 145.

    [5] C. pr. pén., art. 138-3.

    [6] C. pr. pén., art. R. 24-18, al. 2nd.

    [7] Pour ce faire, les interdictions de se rendre dans certains lieux et d’être en contact avec certaines personnes ne doivent pas être suffisantes.

    [8] L’art. R. 60-1 prévoit expressément cette durée, qui ne peut excéder la durée de la peine, et qui est de deux ans, durée renouvelable une fois en matière délictuelle et deux fois en matière criminelle. Ce même article précise les modifications des distances ou l’arrêt du dispositif par le JAP en application de l’article 712-6 du Code de procédure pénale.

    [9] C. pr. pén., art. R. 24-17.

    [10] C. pr. pén., art. R. 24-20. Parmi les informations, sont précisés le nécessaire consentement du recours au dispositif, la possible révocation de son utilisation en cas de non-respect des distances de sécurité avec la victime, ou le fait de ne pas assurer le bon fonctionnement de l’appareil par son rechargement périodique.

    [11] Pour les personnes privées chargées du contrôle à distance du dispositif, v. les art. R. 61-52 et R. 61-53 du C. pr. pén.

    [12] C. pr. pén., art. R. 61-44.

    [13] V. égal. C. pr. pén., art. R. 24-16.

    [14] C. pr. pén., art. R. 61-45 et R. 61-46.

    [15] C. pr. pén., art. R. 61-47.

    [16] C. pr. pén., art. R. 61-48.

    [17] C. pr. pén., art. R. 61-50.

    [18] C. pr. civ., art. 1136-16 à 1136-23.

    [19] C. pr. civ., art. 1136-16.

    [20] Ministère de la Just-ice, Circulaire relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences conjugales, op. cit., p. 2.

    [21] Ministère de la Justice, « Le bracelet anti-rapprochement », 30 sept. 2020[En ligne], Site du ministère de la Justice, http://www.justice.gouv.fr/le-ministere-de-la-justice-10017/le-bracelet-anti-rapprochement-33522.html (Page consultée le 14 mars 2021).

     

    POUR CITER CE DOCUMENT :

    François-Xavier ROUX-DEMARE, "Obs. sur le décret n° 2020-1161 du 23 septembre 2020, relatif à la mise en œuvre d'un dispositif électronique mobile anti-rapprochement", [En ligne], Blog personnel de F.-X. ROUX-DEMARE, http://fxrd.blogspirit.com/

     

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  • PARUTION 2020 - La santé des personnes vulnérables

    Si la santé est un droit fondamental, tout le monde n’y accède pas de manière égale. La nécessité de cet accès s’inscrit largement dans les politiques publiques de lutte contre l’exclusion, la précarité ou l’isolement. Cependant, l’inégalité de l’accès à la santé s’avère plus délicate s’agissant des personnes vulnérables. Un accompagnement accru devient nécessaire, particulièrement lors de la prise de décisions portant sur leur santé.


    L’intitulé de cet ouvrage s’appuie sur deux notions fondamentales, « santé » et « vulnérabilité », qui fondent les regards croisés des auteurs. La confrontation de ces deux termes aux définitions complexes – la santé avec ces aspects individuels et collectifs, et la vulnérabilité avec son caractère polymorphe – soulève de nombreuses problématiques dans des domaines très divers : consentement de l’enfant ou de l’adulte protégé, accès aux soins des étrangers ou des personnes détenues, vaccination, santé sexuelle, usage des drogues, etc.


    Pour répondre à ces différentes questions, le présent ouvrage rassemble les contributions rédigées par les étudiants de la promotion 2017-2018 du Master 2 « Droit des personnes vulnérables », sous la direction d’enseignants de la Faculté. L’ouvrage est également enrichi par les nombreux articles de spécialistes du sujet.

  • DROIT PENAL GENERAL - Fiches de révisions

    Dans le cadre du confinement Covid-19, la continuité pédagogique a été assurée par de nombreux enseignants, ce qui a été le cas à la Faculté de Droit de l'Université de Brest.

     

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    En plus de documents sur la plateforme, j'ai effectué des cours en ligne à l'aide d'un Facebook Live ou de Zoom. Tel a été le cas ce jeudi 2 avril 2020 pour reprendre brièvement quelques notions importantes pour la fin du cours de Droit pénal général et répondre aux éventuelles questions.

    Pour compléter ce cours en ligne, dont la connexion n'est pas toujours optimale et l'attention facilitée pour les spectateurs, j'ai indiqué aux étudiants que je transmettrai des petites fiches.

    Attention, il ne s'agit que de rapides fiches faites à la main, n'ayant pour seul but que de faciliter une appréhension en quelques mots de notions importantes.

    Pour toute précision, je vous invite à consulter votre cours ou un manuel.

     

    POUR LES FICHES :

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    002 Faute de mise en danger.jpg

    003 Responsabilité pénale du dirigeant.jpg

    004 Responsabilité des personnes morales 1 sur 2.jpg

    005 Responsabilité des personnes morales 2 sur 2.jpg

    006 Mise en jeu de la responsabilité 1 sur 2.jpg

    007 Mise en jeu de la responsabilité 2 sur 2.jpg

    008 Causes d'irresponsabilité 1 sur 2.jpg

    009 Causes d'irresponsabilité 2 sur 2.jpg

     

    Deux liens également pour compléter :

    http://fxrd.blogspirit.com/archive/2008/03/24/l-imputabilite-la-culpabilite-et-la-responsabilite.html

    http://fxrd.blogspirit.com/media/02/01/4066743789.pdf

     

     

  • VIENT DE PARAITRE - L'ANIMAL ET L'HOMME

    A l’appui de la médiatisation d’affaires de sévices sur les animaux et sous la pression des associations de défense des animaux, les droits de l’animal apparaissent désormais comme une préoccupation sociétale. Prenant acte de cet intérêt et des nécessaires évolutions législatives, le législateur a modifié le statut juridique de l’animal et a renforcé sa protection.

    Ces réformes interviennent dans toutes les branches juridiques, récemment en matière civile avec la reconnaissance de la qualité d’être vivant doué de sensibilité dans l’article 515-14 du Code civil. Ces évolutions ne sont pas le point d’arrivée, plutôt l’illustration d’un processus en cours. Des discussions se poursuivent pour organiser les rapports entre l’animal et l’homme.

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    Cet ouvrage intitulé « L’animal et l’homme » offre alors une réflexion juridique sur les principales questions entourant le droit animalier à travers ce rapport particulier.

    Dans une première partie de l’ouvrage, les contributions abordent les problématiques découlant de l’utilisation de l’animal par l’homme, tant pour son divertissement que pour son bien-être. De ce rapport, l’animal souffre de la supériorité de l’homme, restant dans un lien de dépendance quant à sa protection. Cette instrumentalisation et cette soumission soulignent la réelle vulnérabilité de l’animal, appelant à une plus grande protection juridique dont les contours méritent d’être précisés. Ainsi, dans une seconde partie de l’ouvrage, les contributions examinent la protection de l’animal par l’homme, à travers les actions normatives comme empiriques mises en œuvre ou proposées.

    Dès lors, cet ouvrage aborde toutes les questions utiles pour faire un état des lieux de notre droit dans son rapport à l’animal et envisager des perspectives d’évolution.

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  • Les fictions en droit - VIENT DE PARAITRE

     

     

    Au détour de discussions et d’échanges au sein des laboratoires de recherche, plusieurs chercheurs partageaient le constat selon lequel la présence des fictions dans le droit faisait l’objet de la plupart des enseignements dispensés dans les facultés. Toutefois, l’étude de sa présence dans les fictions restait un terrain peu exploré dans le cadre universitaire, rendant alors invisible le droit dans les différentes fictions. Et pourtant, le droit se dévoile au travers de l’organisation de sociétés imaginaires. Parfois perceptible, il s’immisce dans les relations de nos divers héros. Dès lors, les interrogations naissent… Les fictions sont-elles hermétiques aux règles de droit régissant notre société ou n’en sont-elles que l’expression souvent caricaturée ? Et si finalement la fiction était un laboratoire d’expérimentation, une inspiration, au service du droit ?

    Pour répondre à ces questions, les doctorants et les docteurs en droit de la Faculté de droit de Brest, entourés d’enseignants-chercheurs, ont investi ce terrain de réflexion par l’organisation de plusieurs journées d’étude. Ces questionnements ont alors suscité des réflexions originales, dont il a été fait le choix de regrouper schématiquement en fonction des différents rapports entre le droit et les fictions, livrant l’ossature de cet ouvrage. Ainsi et à l’appui de divers exemples de fictions littéraires et cinématographiques, la première partie de cet ouvrage envisage le droit dans la fiction et se poursuit par une seconde partie sur la fiction par le droit.

    Ce projet a reçu le soutien de la Faculté de droit, économie, gestion et AES de l’Université de Brest, du site de Brest de l’Ecole doctorale Droit et Science politique ainsi que des laboratoires de recherche en droit (AMURE et Lab-LEX).

  • Vient de paraître - Le syndrome du bébé secoué

    Vient de paraître l'ouvrage sur le syndrome du bébé secoué proposant un regard juridique et médical sur ce comportement

     

    L’expression « Syndrome du bébé secoué » (SBS) désigne un comportement de secouement à l’encontre d’un nourrisson qui provoque des lésions intracrâniennes, des hémorragies rétiniennes et différentes autres lésions (cutanées, osseuses, des muscles du cou, etc.). Depuis qu’une définition médicale a été proposée dans les années quarante, la principale difficulté a consisté dans la détermination de la réalité de ce comportement, les confusions ayant pu être nombreuses avec d’autres causes. L’évolution des techniques médicales a permis d’identifier plus précisément la réalité des causes du décès ou de l’infirmité de l’enfant, c’est-à-dire la réalité de cet acte de maltraitance. En effet, ce secouement est un acte volontaire de violences à l’encontre d’un nourrisson. Pour autant, cette qualification n’est pas sans soulever des difficultés pratiques devant les juridictions pénales, comme l’illustrent les qualifications erronées parfois utilisées.

    Le présent ouvrage permet de croiser les appréhensions juridiques et médicales, entre universitaires et professionnels, autour de la problématique du syndrome du bébé secoué. Cet ouvrage favorise la meilleure connaissance de ce syndrome, avec l’objectif de mieux prévenir, détecter et sanctionner ces comportements répréhensibles sur des enfants, personnes vulnérables par nature. Il essaie de répondre aux principales questions entourant cet acte : Comment le syndrome a-t-il été consacré scientifiquement ? Comme repérer le secouement ? Comment expliquer le secouement ? Comme protéger la victime secouée ? Comment évaluer les conséquences du secouement ? Comment dater le secouement ? Comment qualifier juridiquement le secouement ? Comment punir le secouement ? Comment défendre l’auteur du secouement ?

    Le présent ouvrage a donc été divisé en deux parties de manière à éclairer de la manière la plus didactique possible le cheminement mobilisant médecins et juristes. D’abord, repérer ; ensuite, traiter, au sens médical comme juridique, les cas de syndrome de bébé secoué.

     

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    En vente sur Priceminister, sur la Fnac, ...

  • Vient de paraître - Jeunesse et droit

    « L’appréhension pénale des seuils d’âge de la responsabilité des mineurs », Mme Michèle MESTROT, M. Gildas ROUSSEL et François-Xavier ROUX-DEMARE, AJ Famille octobre 2017, pp. 522-524 (droit pénal général, droit pénal spécial, procédure pénale)

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