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Le site de François-Xavier ROUX-DEMARE - Page 22

  • Structure des arrêts de la Cour de Cassation : exemple de lecture

    On peut parfois reprocher à la Cour de Cassation un style obscur, avec certains arrêts se caractérisant par la complexité de leur rédaction. Toutefois, la Cour de Cassation utilise des repères d'écriture que les jeunes juristes ou les novices doivent retrouver pour permettre leur compréhension.

    Comme indiqué précédemment, tant les arrêts de cassation que les arrêts de rejet s’organisent autour d’un schéma structurel bien établi. Lors de la lecture de l’arrêt et le travail d’écriture de la fiche d’arrêt (http://fxrd.blogspirit.com/archive/2008/02/05/la-fiche-d-arret.html), il est donc conseillé de mettre en évidence l’ensemble des mots de liaison utilisé par la Cour pour structurer sa réponse judiciaire. Outre la facilité de lecture de l’arrêt, tout risque de mauvaise compréhension sera écarté.

    Exemple de découpage d’un arrêt de rejet :

     Civ. 1ère 29 avril 1960

    Sur le moyen unique
    Attendu qu’A… ayant le 13 août 1953 lors de son mariage avec Demoiselle M…, reconnu à fin de légitimation la fille naturelle de celle ci, née le 29 nov. 1950, soit 142 jours seulement après la dissolution le 10 juillet 1950 par la mort de sa première femme, d’un précédent mariage dont il avait deux filles encore vivantes, il est reproché à l’arrêt attaqué, du 28 juin 1957, d’avoir, par application des art. 331 (dans la rédaction de la loi du 25 avril 1924) et 335 Cciv., déclaré nulle la reconnaissance et la légitimation, en refusant de tenir compte de la loi du 5 juillet 1956, qui, modifiant l’article 331, permet désormais la légitimation et à cette fin la reconnaissance des enfants adultérins du mari, même en présence d’enfants légitimes, alors, selon le pourvoi, que les lois nouvelles doivent régir immédiatement les rapports juridiques formés avant leur promulgation ; mais attendu que si sans doute une loi nouvelle s’applique aussitôt aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, et cela même quand semblable situation est l’objet d’un litige judiciaire, en revanche elle ne saurait, sans avoir effet rétroactif, régir rétrospectivement les conditions de validité ni les effets passés d’opérations juridiques antérieurement achevées ; que c’est donc à bon droit que la Cour d’appel a décidé que la validité et l’efficacité de la reconnaissance litigieuse comme de la légitimation qu’elle avait pour objet de réaliser ne pouvaient être appréciées au regard de la législation sous l’empire de laquelle l’acte avait été accompli ; d’où il suit que l’arrêt attaqué, qui est motivé, a légalement justifié sa décision ; - Par ces motifs, rejette…

     

     

    Mots de liaison ou expressions propres au vocabulaire de la Cour de Cassation devant guider la compréhension de l’arrêt

    Faits

    Décision de la Cour d’Appel

    Pourvoi

    Décision de la Cour de Cassation

     

  • Structures schématiques des arrêts de la Cour de Cassation

    STRUCTURE D’UN ARRÊT DE REJET

     

    La Cour,

     

    Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué …..

    è  Reprise des faits d’espèce, voire la procédure suivie et la décision qui a été rendue par l’arrêt ou le jugement attaqué.

     

    Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ainsi statué, alors que …
    Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir ainsi statué, alors que …

    è  Reprise des moyens du pourvoi (arguments du demandeur au pourvoi).

     

    Mais attendu que

    è  Indication que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a décidé ou suivi de l’énoncé du principe sur lequel s’appuie la Cour de Cassation, expliquant que le moyen ne peut être accueilli.

     

    Par ces motifs, rejette le pourvoi.

     

     

     

     

    STRUCTURE D’UN ARRÊT DE CASSATION

     

    La Cour,

     

    Vu l’article

    è  Appelé le visa, ce paragraphe permet à la Cour de viser l’article ou le texte ou le principe discuté.

     

    Attendu qu’il résulte de ce texte …

    è  Appelé le chapeau de l’arrêt, la Cour cite le texte même de l’article.

     

    Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que …

    è  Reprise des faits d’espèce.

     

    Que (ou attendu que) l’arrêt attaqué décide …

    è  Reprise de la décision et des arguments retenus par la Cour d’Appel.

     

    Attendu qu’en statuant ainsi, alors que

    è  Indication des raisons pour lesquelles l’arrêt attaqué encourt la cassation.

     

    Par ces motifs, casse et annule l’arrêt et renvoie devant ...

     

     

  • --- Extrait du discours préliminaire sur le projet de Code Civil de PORTALIS ---

    Portalis

    Discours préliminaire sur le projet de code civil

    ( extrait de ce discours, présenté le 1er pluviôse an IX )

    Les lois ne sont pas de purs actes de puissance ; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison. Le législateur exerce moins une autorité qu’un sacerdoce. Il ne doit point perdre de vue que les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois ; qu’elles doivent être adaptées au caractère, aux habitudes, à la situation du peuple pour lequel elles sont faites : qu’il faut être sobre de nouveautés en matière de législation, parce que sil est possible, dans une institution nouvelle, de calculer les avantages que la théorie nous offre, il ne l’est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir ; qu’il faut laisser le bien, si on est en doute du mieux ; qu’en corrigeant un abus, il faut encore voir les dangers de la correction même ; qu’il serait absurde de se livrer à des idées absolues de perfection, dans des choses qui ne sont susceptibles que d’une bonté relative ; qu’au lieu de changer les lois, il est presque toujours plus utile de présenter aux citoyens de nouveaux motifs de les aimer ; que l’histoire nous offre-à peine la promulgation de deux ou trois bonnes lois dans l’espace de plusieurs siècles ; qu’enfin, il n’appartient de proposer des changements qu’à ceux qui sont assez heureusement nés pour pénétrer d’un coup de génie et par une sorte d’illumination soudaine, toute la constitution d’un État.

    A l’ouverture de nos conférences. nous avons été frappés de l’opinion, si généralement répandue, que, dans la rédaction d’un code civil, quelques textes bien précis sur chaque matière peuvent suffire, et que le grand art est de tout simplifier en prévoyant tout.

    Tout simplifier est une opération sui laquelle on a besoin de s’entendre. Tout prévoir est un but qu’il est impossible d’atteindre.

    Il ne faut point de lois inutiles ; elles affaibliraient les lois nécessaires ; elles compro­mettraient- la certitude et la majesté de la législation. Mais un grand État comme la France, qui est à la fois agricole et commerçant, qui renferme tant de professions différentes, et qui offre tant de genres divers d’industrie, ne saurait comporter des lois aussi simples que celles d’une société pauvre ou plus réduite.

    Dans les états despotiques, où le prince est propriétaire de tout le territoire, où tout le commerce se fait au nom du chef de l’État et à son profit, où les particuliers n’ont ni liberté, ni volonté, ni propriété, il y a plus de juges et de bourreaux que de lois ; mais partout où les citoyens ont des biens à conserver et à défendre, partout où ils ont des droits politiques et civils, partout où l’honneur est compté pour quelque chose, il faut nécessairement un certain nombre de lois pour faire face à tout. Les diverses espèces de biens, les divers genres d’industrie, les diverses situations de la vie humaine, demandent des règles différentes. La sollicitude du législateur est obligée de se proportionner à la multiplicité et à l’importance des objets sur lesquels il faut statuer. De là. dans les codes des nations policées, cette prévoyance scrupuleuse qui multiplie les cas particuliers, et semble faire un art de la raison même.

    Nous n’avons donc pas cru devoir simplifier les lois au point de laisser les citoyens sans règnes et sans garantie sur leurs plus grands intérêts.

    Nous nous sommes également préservés de la dangereuse ambition de vouloir tout régler et tout prévoir. Qui pourrait penser que ce sont ceux mêmes auxquels un code paraît toujours trop volumineux, qui osent prescrire impérieusement au législateur la terrible tâche de ne rien abandonner à la décision du juge ?

    Quoi que l’on fasse, les lois positives ne sauraient jamais entièrement remplacer l’usage de la raison naturelle dans les affaires de la vie. Les besoins de la société sont si variés, la communication des hommes est si active, leurs intérêts sont si multipliés et leurs rapports si étendus, qu’il est impossible au législateur de pourvoir à tout.

    Dans les matières mêmes qui fixent particulièrement son attention, il est une foule de détails qui lui échappent, ou qui sont trop contentieux et trop mobiles pour pouvoir devenir l’objet d’un texte de loi.

    D’ailleurs, comment enchaîner l’action du temps ? Comment s’opposer au cours des événements ou à la pente insensible des mœurs ? Comment connaître et calculer d’avance ce que l’expérience seule peut nous révéler ? La prévoyance peut-elle jamais s’étendre à des objets que la pensée ne peut atteindre ?

    Un code, quelque complet qu’il puisse paraître, n’est pas plutôt achevé, que mille questions inattendues viennent s’offrir au magistrat. Car les lois, une fois rédigées, demeurent telles quelles ont été écrites ; les hommes , au contraire, ne se reposent jamais ; ils agissent toujours ; et ce mouvement, qui ne s’arrête pas, et dont les effets sont diversement modifiés par les circonstances, produit à chaque instant quelque combinaison nouvelle, quelque nouveau fait, quelque résultat nouveau.

    Une foule de choses sont donc nécessairement abandonnées à l’empire de l’usage, à la discussion des hommes instruits, à l’arbitrage des juges.

    L’office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit ; d’établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière.

    C’est au magistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l’esprit général des lois, à en diriger l’application.

    De là, chez toutes les nations policées, on voit toujours se former, à côté du sanctuaire des lois, et sous la surveillance du législateur. un dépôt de maximes, de décisions et de doctrines qui s’épure journellement par la pratique et par le choc des débats judiciaires, qui s’accroît sans cesse de toutes les connaissances acquises, et qui a constamment été regardé comme le vrai supplément de la législation.

    On fait à ceux qui professent la jurisprudence le reproche d’avoir multiplié les subtilités, les compilations et les commentaires. Ce reproche peut être fondé. Mais dans quel art, dans quelle science ne s’est-on pas exposé à le mériter ? Doit-on accuser urne classe particulière d’hommes de ce qui n’est qu’une maladie générale de l’esprit ? Il est des temps où l’on est condamné à l’ignorance parce qu’on manque de livres ; il en est d’autres où il est difficile de s’instruire parce qu’on en a trop.

    Si l’on peut pardonner à l’intempérance de commenter, de discuter et d’écrire, c’est surtout en jurisprudence. On n’hésitera point à le croire, si l’on réfléchit sur les fils innombrables qui lient les citoyens, sur le développement et la progression successive des objets dont le magistrat et le jurisconsulte sont obligés de s’occuper, sur le cours des événements et des circonstances qui modifient de tant de manières les relations sociales ; enfin sur l’action et la réaction continue de toutes les passions et de tous les intérêts divers. Tel blâme les subtilités et les commentaires, qui devient, dans une cause personnelle, le commentateur le plus subtil et le plus fastidieux.

    Il serait sans doute désirable que toutes les matières pussent être réglées par des lois.

    Mais à défaut de texte précis sur chaque matière. un usage ancien, constant et bien établi, une suite non interrompue de décisions semblables, une opinion ou une maxime reçue, tiennent lieu de la loi. Quand on n’est dirigé par rien de ce qui est établi ou connu, quand il s’agit d’un fait absolument nouveau, on remonte aux principes du droit naturel. Car si la prévoyance du législateur est limitée, la nature est infinie ; elle s’applique à tout ce qui peut intéresser les hommes.

    Tout cela suppose des compilations, des recueils, des traités, de nombreux volumes de recherches et de dissertations.

    Le peuple, dit-on, ne peut dans ce dédale démêler ce qu’il doit éviter où ce qu’il doit faire pour avoir la sûreté de ses possessions et de ses droits.

    Mais le code même le plus simple serait-il à la portée de toutes les classes de la société ? Les passions ne seraient-elles pas perpétuellement occupées à en détourner le vrai sens ? Ne faut-il pas une certaine expérience pour faire une sage application des lois ? Quelle est d’ailleurs la nation à laquelle des lois simples et en petit nombre aient longtemps suffi ?

    Ce serait donc une erreur de penser qu’il pût exister un corps de lois qui eût d’avance pourvu à tous les cas possibles, et qui cependant fût à la -portée du moindre citoyen.

    Dans l’état de nos sociétés, iL est trop heureux que la jurisprudence forme une science qui puisse fixer le talent, flatter l’amour-propre et réveiller l’émulation. Une classe entière d’hommes se voue dès lors à cette science, et cette classe, consacrée à l’étude des lois, offre des conseils et des défenseurs aux citoyens qui ne pourraient se diriger et se défendre eux-mêmes, et devient comme le séminaire de la magistrature.

    Il est trop heureux qu’il, y ait des recueils et une tradition suivie d’usages, de maximes et de règles, pour qu’il y ait en quelque sorte nécessité de juger aujourd’hui comme on a jugé hier, et qu’il. n’y ait d’autres variation dans -les jugements publics, que celles qui sont amenées par le progrès des lumières et par la force des circonstances.

    Il est trop heureux que la nécessité on est le juge de s’instruire, de faire des recherches, d’approfondir les questions qui s’offrent à lui, ne lui permette jamais d’oublier que, s’il est des choses qui sont arbitraires à sa raison, il n en est point qui soient purement à son caprice ou à sa volonté.

    En Turquie, où la jurisprudence n’est point un art, où 1e bacha peut prononcer comme il la veut, quand des ordres supérieurs ne le gênent pas, on voit les justiciables ne demander et recevoir justice qu’avec effroi. Pourquoi n’a-t-on pas les mêmes inquiétudes auprès de nos juges ? C’est qu’ils sont rompus aux affaires, qu’ils ont des lumières, des connaissances, et qu’ils se croient sans cesse obligés de consulter celles des autres. On ne saurait comprendre combien cette habitude de science et de raison adoucit et règle le pouvoir.

    Pour combattre l’autorité que nous reconnaissons dans les juges, de statuer sur les choses qui ne sont pas déterminées par les lois, on invoque le droit qu’a tout citoyen de n’être jugé que d’après une loi antérieure et constante.

    Ce droit ne peut être méconnu. Mais, pour son application, il faut distinguer les matières criminelles d’avec les matières civiles.

    Les matières criminelles. qui ne roulent que sur certaines actions, sont circonscrites : les maures civiles ne le sont pas. Elles embrassent indéfiniment toutes les actions et tous les intérêts compliqués et variables qui peuvent devenir un objet de litige entre des hommes vivant en société. Conséquemment, les matières criminelles peuvent devenir l’objet d’une prévoyance dont les matières civiles ne sont pas susceptibles.

    En second lieu, dans les matières civiles. le débat existe toujours entre deux ou plusieurs citoyens. Une question de propriété, ou toute autre question semblable ne peut rester indécise entre eux. On est forcé de prononcer ; de quelque ‘manière que ce soit, il faut terminer le litige. Si les parties ne peuvent pas: accorder elles-mêmes, que fait alors L’État ? Dans l’impossibilité de leur donner des lois sur tous les objets, il leur offre, dans le magistrat public, un arbitre éclairé et impartial dont la décision les empêche d’en venir aux mains, et leur est certainement plus profitable qu’un litige prolongé, dont elles ne pourraient prévoir ni les suites ni le terme. L’arbitre apparent de l’équité vaut encore mieux que le tumulte des passions.

    Mais dans les matières criminelles, le débat est entre le citoyen et le public. La volonté du public ne peut être représentée que par celle de la loi-Le citoyen dont les actions ne violent point la loi, ne saurait donc être inquiété ni accusé au nom du public. Non seulement alors on n’est pas forcé de juger, mais il n’y aurait pas même matière à jugement.

    La loi qui sert de titre à l’accusation doit être antérieure à l’action pour laquelle on accuse. Le législateur ne doit point frapper sans avertir : s’il en était autrement, la loi, contre son objet essentiel, ne se proposerait donc pas de rendre les hommes meilleurs, mais seulement de les rendre plus malheureux, ce qui serait contraire à l’essence même des choses.

    Ainsi, en matière criminelle, où il n’y a qu’un texte formel et préexistant qui puisse fonder l’action du juge, il faut des lois précises et point de jurisprudence. Il en est autrement en matière civile : là, il faut une jurisprudence, parce qu’il est impossible de régler tous les objets civils par des lois, et qu’il est nécessaire de. terminer, entre particuliers, des contestations qu’on ne pourrait laisser indécises, sans forcer chaque citoyen à devenir juge dans sa propre cause, et sans oublier que la justice est la première dette de la souveraineté.

    Sur le fondement de la maxime que les juges doivent obéir aux lois, et qu’il leur est défendu de les interpréter, les tribunaux, dans ces dernières années, renvoyaient par des référés les justiciables au pouvoir législatif, toutes les fois qu’ils manquaient de loi, ou que la loi existante leur paraissait obscure. Le tribunal de cassation a constamment réprimé cet abus comme un déni de justice.

    Il est deux sortes d’interprétations : l’une par voie de doctrine, et l’autre par voie d’autorité.

    L’interprétation par voie de doctrine, consiste à saisir le vrai sens des lois, à les appliquer avec discernement, et à les suppléer dans les cas qu’elles n’ont pas réglés. Sans cette espèce d’interprétation pourrait-on concevoir la possibilité de remplir l’office de juge ?

    L’interprétation par la voie d’autorité consiste à résoudre les questions et les doutes par la voie de règlements ou de dispositions générales. Ce mode d’interprétation est le seul qui soit interdit au juge.

    Quand la loi est claire, il faut la suivre ; quand elle est obscure, il faut en approfondir les dispositions. Si l’on manque de loi, il faut consulter l’usage ou l’équité. L’équité est le retour à la loi naturelle, dans le silence, l’opposition ou l’obscurité des lois positives.

    Forcer le magistrat de recourir au législateur, ce serait admettre le plus funeste des principes ; ce serait renouveler parmi nous la désastreuse législation des rescrits ; car, lorsque le législateur intervient pour prononcer sur des affaires nées et vivement agitées entre particuliers, il n est pas plus à l’abri des surprises que les tribunaux. On a moins à redouter l’arbitraire réglé timide et circonspect d’un magistrat qui peut être réformé, et qui est soumis à l’action en forfaiture, que l’arbitraire absolu d’un pouvoir indépendant qui n’est jamais responsable.

    Les parties qui traitent entre elles sur une matière que la loi positive n’a pas définie, se soumettent aux usages reçus ou à l’équité universelle, à défaut de tout usage. Or, constater un point d’usage et l’appliquer à une contestation privée, c’est faire un acte judiciaire et non un acte législatif. L’application même de cette équité ou de cette justice distributive, qui suit et qui doit suivre, dans chaque cas particulier, tous les petits fils par lesquels une des parties litigantes tient à l’autre, ne peut jamais appartenir au législateur, uniquement ministre de cette justice ou de cette équité générale, qui, sans égard à aucune circonstance particulière, embrasse l’universalité des choses et des personnes. Des lois intervenues sur des affaires privées seraient donc souvent suites de partialité, et toujours elles seraient rétroactives et injustes pour ceux dont le litige aurait précédé l’intervention de ces lois.

    De plus, le recours au législateur entraînerait des longueurs fatales au justiciable, et, ce qui est pire, il compromettrait la sagesse et la sainteté des lois.

    En effet, la loi statue sur tous : elle considère les hommes en masse, jamais comme particuliers ; elle ne doit. point se mêler des faits individuels ni des litiges qui divisent les citoyens. S’il en était autrement, il faudrait journellement faire de nouvelles lois ; leur multitude étoufferait leur dignité et-nuirait à leur observation. Le jurisconsulte serait sans fonctions et le législateur, entraîné par les détails, ne serait bientôt plus que jurisconsulte. Les intérêts particuliers assiégeraient la puissance législative ; ils la détourneraient, à chaque instant, de l’intérêt général de la société.

    Il y a une science pour les législateurs, comme il y en a une pour les magistrats; et l’une ne ressemble pas à l’autre. La science du législateur consiste à trouver, dans chaque matière, les principes les plus favorables au bien commun ; la science du magistrat est de mettre ces principes en action, de les ramifier, de les étendre, par une application sage- et raisonnée, aux hypothèses privées ; d’étudier 1’esprit de la loi –quand la lettre tue, et de ne pas s’exposer à être tour à tour esclave et rebelle, et à désobéir par esprit de servitude.

    Il faut que le législateur veille sur la jurisprudence : il peut être éclairé par elle, et il peut, de son coté, la corriger ; mais il faut qui il y en ait-une. Dans cette immensité d’objets divers, qui composent les matières civiles, et dont le jugement, dans le plus grand nombre de cas, est moins l’application d’un texte précis, que la-combinaison de plusieurs textes qui conduisent à la décision bien plus qu’ils ne la renferment, on ne peut pas plus se passer de jurisprudence que des lois. Or, c est à la jurisprudence que nous abandonnons les cas rares et extraordinaires qui ne sauraient entrer dans le plan d’une législation raisonnable, les détails trop variables et trop contentieux qui ne doivent point occuper le législateur, et tous les objets que l’on s’efforcerait inutilement de prévoir, ou qu’une prévoyance précipitée ne pourrait définir sans danger. C’est à l’expérience à combler successivement les vides que nous laissons. Les codes de peuples se font avec le temps ; mais, à proprement parler, on ne les fait pas.   

     

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    Extrait d’un discours de Portalis (1746-1807). Philosophe, orateur et jurisconsulte, il participe à la rédaction du Code Napoléon. 

    Dans cet extrait, Portalis permet d’explorer plusieurs observations importantes en relation avec l’écriture d’un Code, soit un recueil de lois :

    -          Le pouvoir évolue –change, mais les lois demeurent.

    -          Il explique les raisons d’un besoin d’une législation uniforme, rappelant qu’il faut nécessairement un certain nombre de lois pour faire face à tout, d’où la diversité de ces lois. Il n’est pas possible de laisser les citoyens sans règles. Les lois sont donc favorables aux individus. Nécessité de stabilité, malgré l’esprit révolutionnaire.  

    -          Mais surtout, il intervient sur la réalité d’une telle rédaction : tout simplifier (s’entendre dessus)… tout prévoir (impossible à atteindre)… sachant qu’il ne faut point de lois inutiles puisqu’elles affaibliraient les lois nécessaires.

    -          Cette rédaction doit donc trouver un juste équilibre : on ne peut pas laisser les citoyens sans règle mais on ne peut pas vouloir tout régler.

    -          Il souligne qu’il est impossible de tout régler, en raison même de l’évolution de la société ; des foules de détails qui seraient nécessaires et rapidement obsolètes.

    -          S’il rappelle alors le rôle de la loi « fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit ; d’établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière » (à lois fixes et générales pour traiter de situations variables et imprévisibles) ; il explique immédiatement l’importance du rôle du magistrat « pénétrés de l’esprit, général des lois, à en diriger l’application », et par extension la réalité de la jurisprudence « regardé comme le vrai supplément de la législation » (à importance des usages, de la doctrine et de la jurisprudence).

     

     

     

  • Le domaine de la loi et du règlement (articles 34 et 37 de la Constitution)

    Article  34 de la Constitution du 4 octobre 1958 :

    - La loi fixe les règles concernant :

    ·         les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias; les sujétions imposées par la Défense Nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;

    ·         la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;

    ·         la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;

    ·         l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie.

    La loi fixe également les règles concernant :

    ·         le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ;

    ·         la création de catégories d'établissements publics ;

    ·         les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat ;

    ·         les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé.

    La loi détermine les principes fondamentaux :

    ·         de l'organisation générale de la Défense Nationale ;

    ·         de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;

    ·         de l'enseignement ;

    ·         de la préservation de l'environnement ;

    ·         du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;

    ·         du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.

    Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

    Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

    Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État.

    Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques.

    Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique.

    Article 37 de la Constitution du 4 octobre 1958 :

     - Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.

    Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décrets pris après avis du Conseil d'Etat. Ceux de ces textes qui interviendraient après l'entrée en vigueur de la présente Constitution ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil Constitutionnel a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire en vertu de l'alinéa précédent.

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    Le domaine de la loi au sens formel :   d’après son origine (critère organique), c’est-à-dire le Parlement.
    La loi est votée par le Parlement.

    Le domaine de la loi au sens matériel :   d’après son contenu.
    La loi fixe les règles concernant … ainsi que les règles concernant … détermine les principes fondamentaux …

    Ces deux articles de la Constitution du 4 octobre 1958 exposent le domaine de la loi, en utilisant les deux critères. En premier lieu, ces articles utilisent le critère formel en indiquant que la loi est votée par le Parlement, par opposition aux règlements émis par une autorité administrative. Puis, ces articles utilisent le critère formel par une énumération des matières réservées aux parlementaires et celles au domaine réglementaire.

    Pour distinguer les deux domaines (législatif – réglementaire), il suffit de se reporter au domaine de la loi ; puisque ce qui n’est pas du domaine de la loi relève du domaine règlementaire. Le règlement est un texte édictant des règles de droit, émanant du pouvoir exécutif et des autorités administratives.

    Caractéristiques du domaine de la loi :
    - le domaine de la loi est limité ;
    - c’est une compétence exceptionnelle ;
    - existence d’une liste exhaustive ;
    - règles et principes fondamentaux (droits et devoirs de l’Homme et du Citoyens – Organisation institutionnelle – programmation et organisation des finances).

    Caractéristiques du domaine réglementaire :
    - c’est un domaine par défaut (ce qui ne relève pas de la loi) ;
    - c’est donc une compétence de principe ;
    - textes autonomes (règlement autonome), textes d’application (décret d’application).

     

  • Zone Interdite --- Des enquêtes d'élite: six mois au coeur de la "Crim"

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    Présentation personnelle de l'émission :

    36 quai des Orfèvres ... face à la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Cette adresse est largement connue, relayée notamment par le cinéma ("36 quai des Orfèvres" par Louis Jouvet ou le film du même titre par  Olivier Marchal). Cette adresse correspond à la Direction Régionale de la Police Judiciaire (DRPJ). Dans l'escalier A au Troisième étage, on trouve la "Crim", créé par le décret du 29 juin 1912 réformée le 1er décembre 1924. Cette unité a fait le mythe de ce haut lieu policier. La grande efficacité des services traitant d'affaires criminelles complexes permet de faire la renommer de ce service.

    Ce reportage nous plonge dans le déroulement d'exemples d'enquêtes transmises à cette section: une femme poignardée ("plantée") à coups de couteau en pleine rue par un inconnu, un incendie dans un immeuble causant la mort d'un individu handicapé moteur ou  un homme défenestré suite au vol de sa carte bancaire. Ces affaires où il n'existe a priori que très peu d'éléments de preuve ... 

    Ce reportage nous permet de mettre en lumière l'importance des services de la Police Technique et Scientifique (PTS), notamment dans la recherche de trace papillaire ou ADN.
    De même, les surveillances vidéos viennent bien souvent aidées les enquêteurs dans la poursuite et l'aboutissement de leur recherche.

    On retrouve donc au fil de ce film le déroulement pratique d'une enquête... arrivée sur les lieux, premières constatations, étude de la scène du crime, relevé d'élements de preuve, enquête de voisinage, recherche, arrestation de suspects, mise en garde à vue, tapissage, mise en détention provisoire ...
    Seule critique, le reportage se limite à montrer en image le déroulement de l'enquête policière, sans véritablement donné des explications juridiques. Il permet donc une très bonne illustration de l'enquête de police, offrant un aperçu pratique de la procédure pénale en phase d'enquête.

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    Présentation faite sur le site de la Chaîne M6:

    La Crim', comme on l'appelle, c'est la mythique brigade criminelle du 36 quai des Orfèvres. Réputée pour son efficacité, elle rassemble des policiers triés sur le volet. Spécialistes des homicides mystérieux, des viols en série et des enquêtes sensibles, ils ne laissent aucun détail au hasard.

     

    Prochaine rediffusion :

    Actuellement, vous pouvez revoir l'émission sur http://www.m6replay.fr/

  • Enquêtes & révélations --- Jeux dangereux, violence gratuite : faut-il avoir peur de nos enfants ?

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    Présentation personnelle :

    L’émission permet de mettre l’accent sur les problèmes de la violence des mineurs : par des mineurs ou sur des mineurs. Les cas développés dans ce reportage sont essentiellement les violences faites entre mineurs, avec l’exemple typique du « jeu du foulard ». Le reportage revient aussi sur le cas du « happy slapping » exporté depuis outre-manche.  Aujourd’hui, le fait de filmer une agression est réprimé par le Code Pénal. Si les enfants y voient un jeu marrant, le législateur y oppose l’article 222-33-3 du Code Pénal, délit institué par la loi du 5 mars 2007 :  Est constitutif d'un acte de complicité des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne prévues par les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31 et est puni des peines prévues par ces articles le fait d'enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission de ces infractions. Le fait de diffuser l'enregistrement de telles images est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 Euros d'amende. Le présent article n'est pas applicable lorsque l'enregistrement ou la diffusion résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice.

    On y découvre la détresse de parents et une certaine impuissance des pouvoirs publics, notamment dans les moyens à mettre en œuvre pour lutter contre ces phénomènes… Plus critiquable, la réaction d’un maire d’une petite commune qui nie la réalité de ce phénomène, suite à la mort d’un enfant causée par les étranglements d’un camarade. D’ailleurs, le discours de ce maire m’apparait fort critiquable.
    Au travers de ce reportage, on découvre donc les jeux violents auxquels peuvent se livrer de jeunes enfants. Pour eux de simples jeux, les conséquences : l’humiliation, les blessures, la mort.

    Dernières observations… ce film intervient sur un thème ayant déjà fait l’objet du même type de reportage l’année dernière, l’année d’avant … seul changement, les modes de cette violence varie. Nouveauté de l’année dernière, le happy slapping … Nouveauté de cette année : le sharking, procédé qui consiste à déshabiller une personne dans la rue, les filles étant particulièrement visées ! Les vidéos montrant se baisser de jupes, de tee-shirt, de pantalon se multiplient sur les sites de partage de vidéos. Plus étonnant, les commentaires : « c’est marrant », « trop drôle »… Même réaction que pour les débuts du happy slapping !Pourtant, il semble que prendre une « gentille baffe » ou se retrouver à moitié nu dans la rue ne soit marrant que pour les personnes ne le subissant pas.  Si l’auteur du happy slapping est poursuivi pour violences, l’auteur du sharking peut être poursuivi pour agression sexuelle, article 222-27 du Code Pénal « Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq an d’emprisonnement et de 75 000 eus d’amende ».

     

    Présentation faite par le site TF1:

    Les jeux dangereux peuvent être mortels. En France, ils provoquent au moins 15 décès par an. Il y a le "jeu du foulard", le "petit pont massacreur" ou encore le "happy slapping", des agressions filmées à l'aide d'un téléphone portable et diffusées ensuite sur Internet. A chaque fois, les ingrédients sont les mêmes : la recherche de sensations fortes et la mise en scène de violences gratuites. Comment expliquer la fascination de certains enfants pour cette violence gratuite ? Que peut-on faire pour prévenir ce genre de pratiques ? La réaction des pouvoirs publics est-elle vraiment à la hauteur ? Enquête.

     

    Rediffusion du reportage :

    Le reportage est en ligne sur le site de TF1, en deux parties :

    http://videos.tf1.fr/video/emissions/enquetes-revelations/0,,4102671,00-tf1-en-video-jeux-dangereux-violence-gratuite-faut-il-avoir-peur-.html

    http://videos.tf1.fr/video/emissions/enquetes-revelations/0,,4102672,00-tf1-en-video-jeux-dangereux-violence-gratuite-faut-il-avoir-peur-.html

  • COMPTE-RENDU du Séminaire "Eurojust, équipes communes d'enquête et mutualisation des procédures"

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    Après la présentation de ce séminaire en juillet 2008, http://fxrd.blogspirit.com/archive/2008/07/15/seminaire-eurojust-equipes-communes-d-enquete-et-mutualisati.html ; je souhaite publier le compte-rendu effectué par M. Jean-Marie HUET. Il permet, après une définition rapide du mécanisme des « Equipes communes d’enquête » (ECE), d’évoquer les nombreux points abordés lors de ces deux journées de travail. 

    Sans répéter ces indications, je vais seulement reprendre les éléments principaux qui ont animé les débats :

    -          les difficultés existantes pour la mise en place des ECE ont bien sûr été reprises. La question du financement fut soulevée et peut apparaître comme un problème à résoudre.

    -          mais les différents intervenants ont pu aussi évoquer les avantages ainsi que les bonnes pratiques qui devraient être privilégiées.

    -          pour faciliter la réussite des ECE, l’appui d’Eurojust et d’Europol peut apparaître fondamental. La question qui a longuement occupé les débats portait donc sur la place d’Eurojust dans la mise en place puis le déroulement d’une ECE. D’ailleurs, de nombreux intervenants étaient des représentants nationaux d’Eurojust.  Toutefois, si tous s’accordent à dire qu’Eurojust peut et doit jouer un rôle pour le bon fonctionnement de ce mécanisme ; le degré d’intervention a suscité des oppositions. Certains perçoivent l’intervention d’Eurojust comme nécessaire à tous les niveaux (financement, aide logistique, mise en œuvre), d’autres veulent limiter son intervention au seul lancement pour qu’Eurojust se retire au plus vite.

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    Photo de famille  http://www.ue2008.fr/webdav/site/PFUE/shared/import/0717_Seminaire_eurojust/0717_Eurojust_009_Hi.jpg

    RAPPORT GENERAL DU SEMINAIRE PAR M. JEAN-MARIE HUET (DACG)

     

    ·         Rachida DATI, Garde des Sceaux, ministre de la Justice a souhaité réunir à Toulouse les acteurs européens de la coopération judiciaire en matière pénale sur le thème : « Eurojust, équipes communes d'enquête et mutualisation des procédures ».

     

    • Ce séminaire vise notamment à donner une nouvelle impulsion à cette forme de coopération particulièrement originale que constituent les équipes communes d'enquête (ECE), dans la mise en oeuvre desquelles certains Etats membres – dont la France et l'Espagne– disposent d'ores et déjà d'une expérience riche.

     

    • Afin de mieux lutter contre la criminalité transfrontière, les ECE nous l'avons vu, permettent à des magistrats et à des enquêteurs de plusieurs Etats membres de travailler directement sur des procédures complémentaires et de conduire ensemble les investigations. Elles permettent ainsi de renforcer les liens et d'assurer un meilleur partage de l'information sur les mêmes réseaux criminels.

     

    • Le caractère très novateur de cette forme de coopération, reposant sur une véritable mise en commun des procédures et une mutualisation des moyens, implique aujourd'hui de tirer un premier bilan de son fonctionnement concret.


     

    • Les échanges ont permis d'examiner les conditions du développement des ECE et d'identifier les bonnes pratiques permettant de les promouvoir et de favoriser leur utilisation dans des conditions optimales.

     

     

    • Ils ont permis également de confirmer l'importance de l'implication des acteurs européens – notamment d'EUROJUST, - dans leur mise en place, sous la forme d'un appui logistique (financement, moyens matériels) ou juridique (participation aux activités de l'équipe, contribution à la prévention des conflits de compétence).

     

     

    • Ces préoccupations sont, nous l'avons rappelé, au coeur du projet de décision sur EUROJUST qui sera soumis, en vue d'un accord, au Conseil des ministres de la justice et des affaires intérieures très prochainement (JAI des 24 et 25 juillet 2008).

     

    • Après ces deux jours de travaux nous pouvons donc tirer un bilan particulièrement encourageant qui atteste du fait que les ECE répondent réellement à un besoin des praticiens notamment dans des procédures complexes. Mais il est toutefois encore insuffisant et révèle une certaine sous-utilisation de cette forme de coopération.

     

     

    *****

     

    La présente conférence a donc été l'occasion d'identifier les conditions nécessaires au développement des ECE afin d'en favoriser l'utilisation par les praticiens.

     


     

    • Nous avons recensé dans un premier temps les initiatives prises ou susceptibles de l'être, tant au niveau national que de l'UE, afin de promouvoir cet outil. Les pistes de réflexion dégagées à cet égard sont les suivantes :

     

                a. Au niveau national : La décision d'instaurer une ECE prise en accord avec l'autorité centrale permet d'harmoniser les pratiques au sein d'un même Etat et de donner une impulsion à l'utilisation de ce nouvel outil de coopération judiciaire.

     

    Mais la mise en place d'une ECE doit être surtout le résultat d'une étroite coopération entre ses acteurs et d'une volonté affirmée de travailler ensemble, l'ECE s'apparentant à un contrat passé entre les responsables des poursuites et investigations des différents Etats parties. L'intervention de l'autorité centrale de chaque Etat Membre doit donc également permettre de favoriser les contacts entre les autorités judiciaires saisies, avec l'appui des magistrats de liaison, par l'aide à la rédaction des protocoles, par l'organisation de réunions.

     

    Par ailleurs, l'amélioration de la formation des acteurs en cette matière, pourrait également constituer une piste de réflexion, dans l'objectif d'accroître le nombre de recours à cet outil encore peu connu et dont la mise en oeuvre peut inquiéter certains praticiens, car il demande un grand investissement de temps et de moyens, mais pour un résultat significatif.

     

    Il pourrait à cet égard être envisagé de mettre en oeuvre des actions de formation spécifiques des juridictions spécialisées en matière de criminalité organisée, afin de répondre à un besoin immédiat.

     

    b. Au niveau européen : Il faut poursuivre la réflexion déjà initiée en 2003 lors de l'élaboration du modèle de protocole et le revoir et l'adapter afin de prendre en compte et résoudre les difficultés connues en pratique depuis.

     

     

    Ce séminaire a été en effet l'occasion d'identifier un certain nombre de difficultés pratiques, de même que les solutions à élaborer pour les surmonter. De ces discussions un ensemble de « bonnes pratiques » des ECE peut ainsi être proposé :

     

    a. L'utilité et le contenu des modèles d'accord, la question de l'adaptation du modèle européen a été abordée. De nombreux praticiens estiment qu'il devrait être, tout en demeurant très souple, plus exhaustif et renseigné de manière plus opérationnelle, permettant ainsi d'aider à la résolution de difficultés ultérieures.

     

    b. La sélection des enquêtes : l'expérience montre que les équipes communes d'enquête ont bien fonctionné en matière de trafic de stupéfiants et de terrorisme (stade de l'enquête), mais leurs champs pourraient être utilement étendus à d'autres domaines de la criminalité organisée transfrontière tels que la traite des êtres humains (cf projet d'ECE franco-belge JIRS Paris).

     

    En revanche, et même si cela n'est pas inconcevable il est apparu prématuré d'étendre le recours aux ECE à la criminalité de droit commun, en raison des moyens nécessités par sa mise en oeuvre.

     


     

    c. La place des différents acteurs selon les systèmes juridiques : Tout en tenant compte au moment de l'établissement de l'ECE des rôles respectifs des services répressifs et des autorités judiciaires, il convient d'assurer une meilleure collaboration entre les différents acteurs et à tous les stades de la procédure. Ainsi, l'idée de l'insertion dans l'accord-type d'un calendrier prévisionnel de rencontres entre les magistrats signataires a été judicieusement évoquée.

     

    d. La nécessité de définir à un stade précoce des investigations une « liste » d’objectifs d’enquête ou de poursuite.

     

     

    Si cette liste doit être aussi précise que possible, elle doit dans le même temps conservant un niveau élevé de flexibilité afin de permettre une adaptation permanente et une ré-orientation, en fonction de l’évolution des investigations.

     

    Ce paradoxe n’est qu’apparent : il concilie les exigences de sécurité juridique et de flexibilité, nécessaire à une approche évolutive de l’enquête.

     

    Des critères ont été identifiés pour déterminer ces objectifs, qui nécessitent un travail d’expertise conjoint, en amont, tenant compte des différentes « perceptions » des objectifs de l’enquête pénale. Ils doivent conduire à définir « un périmètre commun d’enquête », au-delà de perceptions différentes, souvent d’origine culturelle.

     

    Le dégagement d'une stratégie commune ab initio permet en outre de prévenir les difficultés liées aux règles d'admissibilité des preuves, qui diffèrent d'un système juridique à l'autre, ainsi que les conflits de compétence susceptibles de survenir.

     

    En effet, parce que l’ECE se construit sur plusieurs procédures pénales, nous avons mesuré l’intérêt d’appréhender, le plus tôt possible, la question du partage des compétences.

     

     

    • f. Nous avons à cet égard identifié plusieurs solutions, dont la mise en oeuvre suppose soit l’adaptation des protocoles d’accord, soit un renforcement du rôle et des compétences d’Eurojust, soit même une combinaison des deux.

     

     

    En outre, des critères ont également été dégagés pour faciliter le règlement des compétences, qui s’inspirent notamment de ceux élaborés par Eurojust, tout en tenant compte des possibilités et des avantages divers offerts par chaque système juridique pour assurer la plus grande efficacité de la procédure.

     

     

    • Ce séminaire a enfin été l'occasion d'affirmer qu'EUROJUST et EUROPOL, dans leurs champs de compétences respectifs, ont assurément un rôle à jouer dans le développement des ECE. Les instruments déjà adoptés ou en cours de discussion prévoient du reste d'ores et déjà leur association, sous différentes formes.

     

    • Ainsi, la décision du 28 février 2002 permettent à EUROJUST, agissant par l'intermédiaire de son collège ou de ses membres nationaux, de demander la mise en place d'une ECE et le projet de décision renforçant EUROJUST, actuellement en cours de discussion, prévoit une association plus étroite des membres nationaux au fonctionnement même de l'équipe.

     

     

    • De même, la Décision instituant Europol - qui a fait dernièrement l'objet d'un accord politique lors du Conseil JAI du 18 avril 2008 -, prévoit la possibilité pour Europol de solliciter la constitution d'une ECE et la participation d'agents de l'office à titre d'appui.

     

     

    • Nous avons tenté de déterminer le type de soutien que pourraient apporter EUROJUST et EUROPOL à la promotion, à la mise en place et au bon fonctionnement des ECE, tout en nous attachant à les distinguer selon les types de soutien apporté par chaque unité.

     

    • A cet égard, les travaux réalisés en atelier et les interventions de MM. LOPES DA MOTA et SIMMANCAS-CARRION nous permettent d'ores et déjà d'établir que ces possibilités sont à ce jour peu utilisées, alors que ces unités seraient en mesure d'apporter leur soutien principalement dans les domaines suivants :

     

                a. Soutien logistique et financier

     

    Il a été relevé qu'Eurojust pouvait mobiliser et mettre à disposition des autorités signataires les moyens, y compris financiers, utiles à la mise en place et à la mise en oeuvre des équipes communes d'enquêtes.

     

    b. Soutien analytique : outre les opérations d'analyse criminelle susceptibles d'être réalisées par Europol, Eurojust est également en mesure de procéder à des recoupements avec des procédures judiciaires en cours ou des affaires déjà traitées par l'unité au moyen de son système de gestion des dossiers (Case Management System). Elles montrent la nécessité d’une parfaite information d’Eurojust, tant en amont qu’en aval. Eurojust pourra ainsi intervenir pour faciliter l’établissement des ECE et faire le bilan du mode de fonctionnement de ce mode de coopération en identifiant les meilleures pratiques et les améliorations susceptibles de lui être apportées.

     

    • Enfin, les discussions ont montré la nécessité de mieux impliquer les Etats membres dans la mise en place des ECE en valorisant les effets qui en sont attendues : outre les possibilités de financement budgétaire, le partage des avoirs confisqués dans ce cadre, la prise en compte de leur efficacité dans l’évaluation de la performance des services, sont autant de pistes intéressantes qui ont été évoquées.

     

     

    Conclusion :

     

     

    • A l'issue de ces travaux et de ces débats, il est permis de dire que les objectifs à visée essentiellement pragmatique que nous nous étions fixés sont remplis, je souhaite que les conclusions tirées ce jour permettent de développer le recours à cet outil de coopération qui est certainement l'un des plus innovants, pour en faire à terme l'un des plus efficaces et permettre son adaptation au contexte multilatéral qu'il peut avoir vocation à connaître très prochainement.

     

    • L'extension du champ d'application des ECE est en effet une évolution souhaitable, qu'il s'agisse de sa « multilatéralisation » ou de son emploi dans d'autres domaines que ceux de prédilection qui sont aujourd'hui le trafic de stupéfiants et le terrorisme.

     

    • Ces évolutions doivent être accompagnées du concours indispensable d'EuroJust et d'Europol, chacun dans leurs domaines de compétences respectifs, dont, comme préconisé lors du Programme de La Haye en 2004, les capacités opérationnelles doivent être pleinement exploitées, cela signifiant qu'il leur appartient également de contribuer à la promotion des ECE en favorisant leur participation à leur mise en oeuvre et à leur soutien.

     


     

  • COMPTE-RENDU du Séminaire « Quel avenir pour la formation des magistrats et personnels de justice dans l'Union Européenne ? »

     

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    Le 19 juillet 2008, j’ai eu l’occasion de vous présenter le colloque devant se tenir à Bordeaux quelques jours plus tard, sur le thème « Quel avenir pour la formation des magistrats et personnels de justice dans l'Union Européenne ? » ; organisée par le Ministère de la Justice dans le cadre de la Présidence Française de l’Union Européenne. Cette présentation comportait aussi le programme du colloque avec l’indication des nombreuses interventions. http://fxrd.blogspirit.com/archive/2008/07/18/seminaire-quel-avenir-pour-la-formation-des-magistrats-et-pe.html

    J’ai eu plaisir à participer à cette conférence.  Réunissant de nombreux magistrats, procureurs et autres personnels de justice, ce type de colloque permet d’offrir une perception des problèmes rencontrés par les praticiens. En matière de formation des personnels de justice, le point principal fut de déclarer l’importance d’établir des principes communs de formation pour renforcer la confiance mutuelle et permettre une meilleure application du principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires. De nombreux autres points ont fait l’objet de débat, notamment la question de la définition d’une culture judiciaire européenne ainsi que du financement de cette formation.

    Les nombreuses interventions, notamment celles de Mme Rachida DATI (Garde des Sceaux – France) et de M. Luc FRIEDEN (Ministre de la Justice – Luxembourg), ont invité à renforcer les efforts pour permettre l’institution d’une formation plus harmonisée avec l’appui du Réseau Européen de Formation Judiciaire, voire d’instituer une Ecole Européenne de la Magistrature.  

                Le compte-rendu établi à la suite de cette conférence explique les éléments fondamentaux retenus.

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    COMPTE-RENDU
    de la conférence "Formation des magistrats et des personnels de justice"
      Mme Rachida Dati a réuni à Bordeaux les 21 et 22 juillet les acteurs de la formation judiciaire européenne pour définir à terme un corpus européen de formation.

     

    Cette rencontre réunissait à l’Ecole Nationale de la Magistrature à Bordeaux des juges, procureurs, greffiers, avocats, huissiers, notaires, responsables des personnels pénitentiaires et éducatifs européens. Les interventions de Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne, commissaire chargé des questions de Justice, Liberté et Sécurité, Diana Wallis, vice présidente du Parlement européen, ainsi que les homologues néerlandais, luxembourgeois et tchèque de Mme Dati ont contribué à la définition d’un socle commun de formation judiciaire en Europe.

     

    Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice au sein de l’UE implique que tout magistrat reconnaisse à la décision d’un collègue étranger les mêmes effets qu’à une décision de justice de son propre pays. Ce principe rend indispensable une connaissance accrue du droit européen et des systèmes juridiques des autres Etats membres. Il a été rappelé que la confiance mutuelle, sans laquelle le principe de reconnaissance mutuelle ne peut en pratique être appliqué, demandait à être continuellement entretenue pour que la coopération judiciaire fonctionne. La Commission européenne a réaffirmé sa volonté de continuer à soutenir la formation au niveau européen mais a souligné que les financements communautaires ne pouvaient qu’être complémentaires de ceux des Etats membres.

     

    Les responsables des écoles judiciaires, des ministères et les praticiens ont réfléchi aux valeurs qui constituaient la base d’une culture judiciaire commune aux acteurs de la Justice en Europe.

     

    Ils ont ensuite débattu des connaissances minimales qui devraient être partagées par tous dans l’Union. Ils se sont accordés sur l’insuffisante connaissance à ce stade du droit européen et des systèmes juridiques des autres Etats membres. L’utilité de la maîtrise d’une langue étrangère a été mise en avant car elle permet les contacts directs entre professionnels.

     

    Les professions juridiques, qui organisent la formation de leurs membres de façon indépendante, ont également plaidé pour l’élaboration en commun, avec les magistrats, de modules de formation et de matériels pédagogiques.

     

    Un consensus s’est dégagé sur la nécessité de donner plus de moyens aux organismes de formation existants, et en particulier au Réseau européen de formation judiciaire afin d’avancer vers un véritable « Erasmus des juges » en Europe.

     

  • La sécurité intérieure européenne en 2018

    Comment imaginez la coopération en matière policière et judiciaire dans une dizaine d’années ? Différentes pistes sont envisageables : mise en œuvre d’un casier judiciaire européen, création d’un Parquet Européen, véritable police fédérale européenne sur la base d’Europol, Ecole de formation judiciaire européenne, etc. De nombreux autres exemples pourraient être évoqués.

    L’Union Européenne travaille aux côtés des Etats membres au renforcement de cette coopération. Des exemples majeurs illustrent la réussite de ce processus : le mandat d’arrêt européen, les équipes communes d’enquête , Europol, Eurojust, Frontex… Pourtant, il ne fait aucun doute que ces agences ou procédures restent largement sous-utilisées. Des réformes doivent être envisagées mais peinent à aboutir. Les volontés politiques existent. La Présidence Française de l’Union Européenne montre la réalité du travail sur ces besoins. Pour preuve, en juillet 2008, deux colloques de haut niveau ont permis la réunion des Ministres de la Justice, de magistrats et d’experts de la coopération judiciaire venant de très nombreux Etats membres de l’Union Européenne ; pour travailler sur le renforcement du mécanisme des enquêtes communes d’enquête et réfléchir à une formation européenne des personnels de justice.

    Cependant, ces volontés politiques ne suffisent pas. Elles doivent aboutir à des réalisations concrètes ; faute de quoi la coopération policière et judiciaire ne sera pas efficace dans la lutte de la criminalité transfrontalière toujours plus réactive et importante.

    M. Pierre BERTHELET propose, dans un article paru à la Revue de la Gendarmerie Nationale de Juin 2008 (N° 227), une mise en situation de ce que pourrait être cette coopération en 2018. En mêlant la réalité actuelle de la coopération dans cette matière sensible à de possibles, probables ou nécessaires évolutions ; il expose un panorama de cette situation. « Entre réalité et fiction », l’expression illustre bien les développements éventuels envisagés par l’auteur dans cet article.

    Je tiens à remercier sincèrement M. Pierre BERTHELET d’avoir autorisé la publication de son article sur ce blog.  

    La sécurité intérieure européenne en 2018

     

    par PIERRE BERTHELET

    Publié  a  la revue de la gendarmerie nationale,  DOSSIER 99 2e trimestre 2008

    De manière prospective, l’auteur nous dresse un état des lieux de l’action de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité intérieure. Sur la base des acquis existants et des travaux actuels, il propose un scénario à la lumière des défis à venir (réchauffement climatique, développement des mondes virtuels et des nanotechnologies) (1). Entre réalité et fiction.

    Face aux vagues d’attentats terroristes sans précédent que l’Union européenne (U.E.) a connu au cours des années 2013 et 2014, les services nationaux de sécurité intérieure se sont retrouvés débordés, qu’il s’agisse des services de renseignement ou des services répressifs. Certes, lors de ces événements de grande ampleur touchant toutes les grandes villes européennes, le mécanisme de coordination de crise mis en place en 2006 ayant à sa tête le Comité des représentants(Coreper) (2) au Conseil de l’U.E. a prouvé son efficacité, mais l’absence de réseau reliant les autorités répressives (3), la concurrence entre les services de renseignement et la persistance du déficit en alimentation des organes de l’U.E., notamment Europol et Eurojust, en informations “chaudes” par les services nationaux (malgré les différents rapports de l’Union dénonçant cette situation (4)), se sont fait cruellement sentir. Pourtant, à l’instar de ceux du 11 septembre 2001, ces attentats ont contribué à étoffer l’arsenal de l’U.E. en matière de sécurité intérieure :  renforcement du Sitcen (5), développement d’une politique européenne en matière de protection des infrastructures critiques, tout du moins celles d’envergure européenne, et convergence de différents pans de politiques nationales afin de mieux  prévenir le phénomène de radicalisation violente.

    2015 : création des Pôles de membres d’Eurojust spécialisés (Pomes)

    2018 : première Stratégie européenne de sécurité intérieure (Sesi)

    La principale réalisation reste sans conteste la première  Sesi (6). Cette stratégie, élaborée sur le modèle de la stratégie antiterroriste de 2005, se décline en programmes d’action pluriannuels adoptés par le Conseil de l’U.E. (7). Elle constitue un volet de la stratégie européenne de sécurité globale, dont la première édition remonte à 2003. La Sesi 2018-2022 s’articule autour de la prévention et de la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, la drogue (8),  les passeurs de migrants clandestins et surtout la contrefaçon. À ce propos, le volume des biens contrefaits a explosé depuis le début des années 2010 allant, dans certains domaines, jusqu'à 50 % du commerce mondial. L’action entreprise au niveau de l’U.E. a débouché en 2015 sur la création des Pomes (9), destinés à venir en aide aux autorités judiciaires des États membres pour contrer ce phénomène. Il s’agit de la deuxième réforme d’Eurojust depuis sa création en 2001, la première ayant été entreprise en 2008.

    Des cybermandats européens délivrés dans les mondes virtuels

    La décision-cadre de 2002 instituant le mandat d’arrêt européen, reformatée en directive européenne, a été étendue il y a deux ans aux cybermandats (10). Un texte a aussi été adopté récemment dans la perspective du web 4.0 pour permettre aux magistrats de collaborer dans les mondes virtuels à travers leurs avatars respectifs. Il faut dire que l’U.E. accuse de graves retards dans le contrôle des cybermondes alors que celui-ci est devenu un enjeu crucial depuis ces dernières années. En effet, c’est en leur sein qu’ont été fomentés les derniers attentats. Les États-Unis exercent déjà la surveillance des mondes virtuels depuis une dizaine d’années (11). Le constat de l’augmentation exponentielle des cyberattentats, des attaques contre les banques virtuelles etdu blanchiment d’argent via des cyberparadis fiscaux a incité l’U.E. à renforcer sa politique de sécurité des réseaux et à développer une action contre la cybercriminalité. La Commission européenne a publié ce mois-ci unenouvelle communication (12) dans laquelle elle suggère d’étendre le socle commun des infractions pénales aux mondesvirtuels (13). En fait, ceci n’est que le prolongement des progrès accomplis en  2011 concernant la mise en place d’une grille commune des sanctions relatives aux infractions harmonisées (cette grille commune était un sujet récurrent de débat entre les États membres au cours des années 2000-2010).

    Des avancées techniques considérables

    Parallèlement à cela, les progrès significatifs ont été enregistrés depuis dix ans avec une interconnexion plus large des casiers judiciaires nationaux (même si les États refusent toujours la création d’un casier judiciaire européen), l’extension du principe de disponibilité à de  nouveaux domaines (14), le développement de la recherche en matière de sécurité intérieure en partenariat avec l’Agence européenne de défense (AED) (15) et la création de programmes européens de formation. À cet égard, Frontex (16), le Réseau européen de formation judiciaire (17) et le Collège européen de police (Cepol) (18) se sont associés pour mettre en place un systèmede certification européen (19) en partenariat avec des universités et des instituts de formation privés. La mise en place des équipes communes d’enquête a servi sans aucun doute de catalyseurs aux travaux entrepris ces derniers temps.  Celles-ci ont connu un succès grandissant (20). D’ailleurs, sous l’impulsion de la France, la Commission européenne étudie la faisabilité d’équipesinterdisciplinaires (21) associant les autorités judiciaires nationales, les services fiscaux, les policiers et les douaniers de plusieurs États membres. Pourtant, le chemin est long pour permettre à ce projet inspiré des Groupes d’intervention régionaux (Gir) français de voir le jour car plusieurs États, ignorant ces structures similaires, expriment des réticences. De plus, bon nombre d’entre eux refusent d’accorder aux membres étrangers des pouvoirs opérationnels sur leur territoire. Cette question des pouvoirs opérationnels a constitué la pierre d’achoppement dans plusieurs dossiers, qu’il s’agisse des prérogatives des agents d’Europol opérant sur le territoire des États membres, du rôle des agents exerçant des patrouilles mixtes transfrontalières (22) ou du droit d’interpellation des agents effectuant une poursuite transfrontalière dans certainspays (23). Pour pallier ces difficultés, un projet destiné à assurer une reconnaissance des qualifications d’officiers de police judiciaire et assimilés, est actuellement en discussion au Conseil de l’U.E., mais il peine à recueillir la majorité requise. En outre, la base légale d’un tel projet est contestée par plusieurs délégations nationales qui menacent de porter l’affaire devant la Cour de Justice.

    Les CCPD, antennes d’Europol et de l’Office de lutte antifraude (Olaf) ?

    Ce n’est pas le seul projet qui pose problème. Si la mise en réseau(24) des Centres de coopération policière et douanière(CCPD) (25) a été, contre toute attente, facilement acceptée par tous les États membres en 2016, la transformation de certains d’entre eux en base régionale des organismes de l’U.E. les divise. D’ailleurs, l’idée récemment avancée par un groupe d’États de faire évoluer une partie des CCPD en antennes (26) d’Europol et de l’Olaf demeure âprement contestée et ce, malgré la position claire du Parlement européen en faveur d’un tel projet. Le projet de réforme du rôle du Comité de sécurité intérieure (Cosi), mis sur pied en 2010, bat aussi de l’aile. Plusieurs États veulent faire de celui-ci un véritable centrede coordination opérationnel (27) et envisagent d’établir une coopération renforcée à l’image de celle qui a permis au Parquet européen de voir le jour en 2012.

    Une agence européenne des systèmes informatiques en matière de sécurité intérieure

    Le recours aux coopérations renforcées permettrait également de résoudre deux autres difficultés épineuses. La première concerne la création d’une agence européenne destinée à gérer les systèmes d’information (28). Ce projet vise à intensifier les efforts de rationalisation entrepris il y a une quinzaine d’années face à la multiplication de ces systèmes, notamment le système d’information Schengen II, le système d’information sur les visas (Vis), Eurodac, le système d’information douanier (Sid) et le système d’information Europol. Il engloberait aussi ceux esquissés par la Commission européenne dans ses communications de 2008 sur le point de devenir à présent opérationnels : Eurosur (système d’interconnexion des systèmes nationaux de surveillance des frontières), le système d’enregistrement des entrées et des sorties de ressortissants de pays tiers, et le système électronique de voyage (Esta). 

     …et une véritable réserve nationale (29) pour un corps européen de gardesfrontières

    La deuxième pierre d’achoppement porte sur la création d’un corps européen de gardes-frontières. Pourtant envisagée depuis le début des années 2000, l’élaboration d’un tel corps peine à voir le jour. Certes, le réchauffement climatique, qui a considérablement accentué la pression aux frontières extérieures de l’U.E., a conduit au renforcement du rôle de Frontex en matière de planification des opérations conjointes entre États membres. Néanmoins, la proposition présentée par la Commission européenne en 2015 dans son paquet sur la réforme de la gestion intégrée des frontières extérieures, cristallise les dissensions entre les États membres du sud de l’U.E., soutenus par le Parlement européen, qui plaident en faveur de ce corps, et ceux du nord, farouchement opposés. Il existe des clivages même au sein des États favorables : s’ils acceptent que ce corps, créé à partir des Rabit (30), intervienne pour compléter l’action de leurs gardesfrontières, voire pour se substituer à eux sur certains tronçons de leurs frontières (dès lors que les États conservent un contrôle sur l’action d’un tel corps), ils buttent en revanche sur l’idée de la constitution d’une véritable réserve nationale au service de Frontex. En effet, peu d’entre eux acceptent pour l’heure de perdre la mainmise sur une partie des effectifs de leurs services. Pour trouver une solution, il serait question, dans le contexte des négociations du nouveau traité, d’insérer une disposition pour permettre à l’U.E. d’établir ce corps sur la base de fonds européens. Les négociations en cours permettraient de trouver des solutions à d’autres défis, comme la rédaction d’un cybercode pénal européen (31). En effet, le projet de création d’une e-police européenne (32) patrouillant dans les mondes virtuels, à l’image de celles déjà déployées par les États-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde, soulève la question d’un droit pénal unifié. À ce sujet, le Parlement européen et la Commission européenne qui ont mené une réflexion inspirée du Corpus juris(33) plaident en ce sens. Le Parlement européen, acteur influent depuis qu’il est devenu co-législateur, souhaite également réglementer l’utilisation des nanotechnologies en matière pénale (34). La multiplication des dispositifs d’enquête ayant recours à l’implantation de micropuces sous la peau à l’insu des intéressés soulève avec acuité le respect des garanties fondamentales, à l’instar de la biométrie en son temps. Il est vrai que la problématique de la protection de la vie privée est devenue un enjeu majeur. Le nombre d’informations personnelles stockées dans les serveurs (35) et présentes dans les mondes virtuels (36) engendre un accroissement inquiétant des usurpations d’identités à des fins criminelles (escroquerie, fraudes diverses et terrorisme). Un cadre législatifeuropéen (37) est en cours d’élaboration. Parviendra-t-il à voir le jour dans les délais promis par le président du Conseil européen ?

     

    (1) À lire en relation avec deux autres articles du  même auteur, in la Revue de la Gendarmerie nationale : « Le Programme de La Haye » (n°215, juin 2005, pp. 37- 47) et « La coopération européenne en matière répressive et le traité de Lisbonne » (n°226, mars 2008, pp. 12-19).

    (2) Instance du Conseil composée d’ambassadeurs nationaux (les représentants permanents) dont la mission consiste à préparer les travaux du Conseil des ministres et à exécuter les mandats confiés par ce dernier.

    (3) Law enforcement network. Il s’agit d’un projet proposé par la Commission européenne consistant en un réseau d’alerte rapide entre les services répressifs en matière de préparation et de réaction aux crises.

    (4) Pierre Berthelet, « La politique contre le terrorisme par l’U.E. : une politique efficace ? » in la Revue de Défense nationale et sécurité collective, n°1/2008, pp. 63-70.

    (5) Situation Center (Sitcen) : organisme du Secrétariat général du Conseil de l’U.E., situé à Bruxelles, chargé de faciliter l’échange d’informations entre les  services de renseignement en matière de sécurité intérieure et extérieure.

    (6) Organisme fictif.

    (7) Ces programmes trouvent leur origine dans  les conclusions du Conseil élaborées à partir de l’Organised crime threat assessement réalisé pour la première fois en 2006. La Sesi se fonde sur les rapports ayant trait aux différents phénomènes criminels élaborés respectivement par les “agences” de l’U.E. (Europol, Eurojust, Sitcen, Olaf et Frontex) et les services nationaux compétents en matière de sécurité intérieure.

    (8) Surtout depuis  l’apparition de l’Ultimate dream drug diffusée auprès des jeunes par des organisations criminelles qui emploient les toutes dernières techniques de marketing.

    (9) Organismes fictifs composés d’une vingtaine de membres nationaux par pôles. En comparaison, à la fin des années 2000, Eurojust ne comptait qu’un membre national par État membre (appuyé éventuellement par un membre national adjoint et quelques assistants).

    (10) Documents fictifs.

    (11) « Attention, mondes virtuels sous surveillance ! », Le Monde, 7 mars 2008.

    (12) La précédente datant déjà de 2009.

    (13) Scénario fictif.

    (14) Initialement, ces informations concernaient les profils ADN, les empreintes digitales et les données relatives à l’immatriculation des véhicules et ce, en vertu d’une décision du Conseil de l’U.E. transposant en droit de l’U.E. une partie du traité de Prüm.

    (15) Agence européenne de défense (AED) : agence de l’U.E. se trouvant à Bruxelles dont le but est de développer les capacités de défense en matière de gestion des crises, de promouvoir la recherche et de renforcer la coopération européenne dans le domaine de l’armement.

    (16) Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’U.E.

    (17) Association internationale proposant aux corps judiciaires des programmes d’échanges et de formation.

    (18) Organisme de l’U.E. compétent en matière de formation des personnels policiers de haut rang, dont le siège se trouve à Bramshill au Royaume-Uni. Il complète l’action des instituts nationaux en organisant des formations sous forme de modules, et en réalisant des échanges de policiers entre les États participants.

    (19) Système fictif.

    (20) L’assouplissement des procédures de création, des équipes communes d’enquête font que celles-ci sont même réalisées pour des cas de petite et moyenne délinquance en matière transfrontalière. Pour les affaires difficiles, Europol et Eurojust ont acquis une solide expérience en matière d’assistance technique et logistique, et les autorités nationales n’hésitent plus à faire appel à eux en cas de besoin.

    (21) Organismes fictifs.

    (22) Ces patrouilles ont certes connu un développement, mais l’absence de prérogatives significatives a réduit grandement leur intérêt. En effet, les membres invités n’avaient bien souvent aucun pouvoir sur le territoire de l’État hôte et leur rôle était alors limité à celui d’observateur.

    (23) Comme il n’existe pas de solution à l’échelle européenne, des actions sont possibles seulement sur la base d’accords bilatéraux ou régionaux. C’est le cas par exemple concernant les sky marshalls et les équipes d’élite d’intervention.

    (24) Processus fictif.

    (25) Structures situées dans la région frontalière rassemblant des services policiers et douaniers d’au moins deux États. Ils sont destinés à améliorer l’échange d’informations et à faciliter la lutte contre la délinquance transfrontalière.

    (26) Organismes fictifs.

    (27) Organisme fictif.

    (28) Organisme fictif.

    (29) Organisme fictif.

    (30) Équipes d’intervention rapide créées par un règlement communautaire de 2007 et composées de gardes-frontières de différents États membres. Ils visent à appuyer les services nationaux à la demande d’un État, pour une période limitée, en cas d’un afflux massif de migrants clandestins.

    (31) Code fictif.

    (32) Organisme fictif.

    (33) Étude réalisée en 1996 en matière de protection des intérêts financiers de l’U.E. Elle suggère l’unification d’une partie du droit pénal et la création d’un procureur européen.

    (34) Organisme fictif.

    (35) « L’inflation du numérique affole », Le Soir, 11 mars 2008.

    (36) Y compris celles concernant les personnes décédées dans le monde réel.

    (37) Organisme fictif.

    PIERRE BERTHEL ET Enseignant à l’institut d’études politiques de Lille. Diplômé de l’université catholique de Louvain (Belgique) et ancien conseiller ministériel, Pierre Berthelet est conférencier pour la Commission européenne et également expert juridique en matière de sécurité intérieure européenne. Il est l’auteur des ouvrages suivants : Le droit institutionnel de la sécurité intérieure européenne, Peter Lang, Zurich, 2003, et de : Le paysage européen de la sécurité intérieure, à paraître.

  • Séminaire "Quel avenir pour la formation des magistrats et personnels de justice dans l'Union Européenne ? "

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     Jeudi dernier, 17 juillet 2008, Mme Rachida DATI ouvrait le séminaire sur Eurojust et les équipes communes d'enquête (cf photo ci-contre), dont on trouve une première présentation ci-dessous (avant de plus amples précisions à venir). Ce séminaire était le premier organisé en matière de coopération policière et judiciaire dans le cadre de cette Présidence Française de l'Union Européenne 2008.

    Dès ce lundi, un nouvel évènement viendra permettre la réflexion sur la coopération pénale au sein de l'Union Européenne ... entre les Etats membres de l'Union Européenne.
    Lundi 21 et mardi 22 juillet 2008 verront la tenue du colloque sur "quel avenir pour la formation des magistrats et personnels de justice dans l'Union Européenne ?".

    Ce colloque permettra de travailler sur plusieurs notions fondamentales ou devant devenir fondamentales pour renforcer la coopération pénale. Nous pensons particulièrement aux principes de reconnaissance mutuelle, de confiance mutuelle, de culture juridique et judiciaire commune ...

    Notions fondamentales car il ne fait aucun doute que les principes de reconnaissance mutuelle et de confiance mutuelle sont largement reconnus. Les travaux européens accomplis cherchent à renforcer ces principes.

    Notions devant devenir fondamentales ... car si la plupart des auteurs considère que ce principe est fondamental ; les avis restent partagés sur la réalité concrète de cette culture commune... particulièrement sur la réalité de son existence.
    Pour notre part, il ne fait aucun doute qu'il existe des obstacles à la mise en place d'une culture véritablement commune. On peut penser aux différences entre les systèmes juridiques des Etats membres.
    A contrario, comment peut-on ne pas prendre en considération les travaux visant une harmonisation législative des Etats, ainsi que les apports des Cours Européennes.
    Donc, si cette culture juridique et judiciaire européenne reste à renforcer, nous prenons le parti de considérer son existence.

    Ce colloque pourra éclaicir la situation de cette culture, avaliser ou refuser cette position. De plus, elle permettra une meilleure étude et visibilité de la notion. Certes, des contributions de quelques auteurs ainsi que du Parlement Européen offrent des éléments d'étude ... on ne trouve que très peu de véritables études complètes, sauf à citer l'ouvrage publier sous la direction de Mme Sylvaine POILLOT-PERRUZZETO, Vers une culture juridique européenne ?, Centre de droit des affaires de l'Université de Toulouse I, de février 1998, paru aux éditions Montchrestien. Notons aussi que ce colloque précédera la parution d'une recherche lancée par la Mission de Recherche et de Justice du Ministère de la Justice Française.

    Enfin, ce colloque devra donc réfléchir à la formation des magistrats en Europe. Les rapprochements existent déjà sur ce point, notamment grace à une forte implication de l'Ecole Nationale de la Magistrature Française. Pourtant, la première tentative de création d'un réseau de formation européenne est un échec... réseau prenant alors la forme d'une association belge. On pense aussi à l'implication de nombreuses institutions comme l'IEAP ou l'ERA..... ainsi qu'au nombreux réseaux et associations réunissant des magistrats européens. Au niveau du Conseil de l'Europe, on trouve aussi un réseau bien établi... Défaut donc pour l'Union Européenne à proprement parlé.
    Face au CEPOL en matière policière, quelle réaction doit désormais être celle de l'Union Européenne en matière de formation judiciaire ?

    Nous aurons donc le plaisir de débattre de tous ces éléments dans les jours qui viennent.

     

    Présentation du Colloque sur le Site de la Présidence Française de l'Union Européenne :

    La conférence a pour ambition de faire le point sur les besoins, de dresser un bilan des formations existantes pour tenter de dégager des axes pour l'avenir.

    Les débats se concentreront sur les questions de connaissances et de valeurs communes mais aussi sur celle des besoins spécifiques des personnels de justice.

    La Présidence française espère que cette conférence permettra d'approfondir la réflexion engagée lors de la réunion informelle des ministres chargés de la justice et des affaires intérieures (JAI) des 7 et 8 juillet sur le thème de la formation des magistrats et personnels de justice au sein de l'UE, dans le but de faire adopter par le Conseil des ministres, avant la fin du semestre, une résolution consacrée à la formation.

    En effet, depuis le sommet des chefs d'État et de gouvernement de Tampere (Finlande) en 1999, les décisions des magistrats de l'Union européenne ont vocation, en matière civile comme au pénal, à être exécutées dans un autre État membre : c'est ce qu'on appelle l'application du principe de reconnaissance mutuelle. En vertu de ce principe, un magistrat d'un État membre de l'Union doit reconnaître une décision judiciaire rendue dans un autre Etat membre comme s'il s'agissait d'une décision nationale et doit lui attribuer les mêmes effets juridiques.

    Ainsi, par exemple, un mandat d'arrêt européen délivré par une autorité judiciaire roumaine doit être le cas échéant exécuté en France. Il appartient donc dans ces conditions au juge français d'appliquer une décision du juge roumain.

    La mise en œuvre de ce principe de reconnaissance mutuelle suppose une grande confiance réciproque des magistrats et personnels de justice de l'Union. Or cette confiance mutuelle ne se décrète pas. Elle repose sur le sentiment d'appartenir à une même culture judiciaire et trouve un de ses fondements dans la certitude que les magistrats et les autres personnels de justice reçoivent une formation suffisante.

    Pour permettre une meilleure application de la reconnaissance mutuelle, il est donc important de développer une culture judiciaire commune et de rapprocher les connaissances d'un Etat à un autre.

    Des efforts importants ont été déployés à cette fin. Toutefois des carences en matière de formation demeurent, s'agissant notamment de :

    • la connaissance du droit de l'Union européenne ;

    • l'utilisation des différents réseaux ou organismes créés pour faciliter la coopération judiciaire européenne ;

    • la maîtrise des langues ;

    • la connaissance des systèmes juridiques et judiciaires des autres États membres ou encore des échanges entre les acteurs judiciaires sur leurs pratiques professionnelles et les difficultés auxquelles ils sont confrontés.

    Programme du colloque :

     

    Ecole Nationale de la Magistrature à Bordeaux
    10, rue des Frères Bonie

     

    Ce programme est indicatif et susceptible de modifications

     

    Lundi 21 juillet

    Hors presse

     

    9h00-9h30

    Accueil – Enregistrement tardif

     

    9h30-9h35

    Allocution de bienvenue de M. Jean-François THONY, Directeur de l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM), France

     

    9h35-9h40

    Allocution de bienvenue de Mme Elisabeth PELSEZ, Conseillère de Mme Rachida DATI pour la Présidence française de l’UE, Ministère de la Justice, France

     

    9h40- 10h00

    Allocution de M. Ernst HIRSCH BALLIN, Ministre de la Justice, Pays-Bas

     

    10h00-10h30

    Présentation de l’état actuel de la formation des magistrats et personnels de justice dans l’UE – M. Peter CSONKA, Chef de l'unité Justice pénale, Direction générale Justice, Liberté, Sécurité – Commission européenne

     

    10h30-10h55

    Présentation du choix des thématiques pour les ateliers et de la méthode de travail – M. Emmanuel BARBE, Chef du Service des Affaires Européennes et Internationales, Ministère de la Justice – France

     

    10h55- 11h10

    Pause

     

    11h10-11h40

    Présentation des problématiques du premier atelier : « Quelles connaissances communes dans la formation judiciaire européenne : vers un corpus européen de connaissances ? »

    M. Wolfgang HEUSEL, Directeur de l’Europaïsche Rechtsakademie (ERA)
    M. Philippe LEGER, Avocat général honoraire, Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE)
    M. Jean-Marc SAUVÉ Vice-président du Conseil d’Etat, France

     

     

    11h40-12h10

    Présentation des problématiques du deuxième atelier : « Quelles valeurs communes dans la formation européenne : vers une culture judiciaire européenne ? »
    M. Victor HALL, Secrétariat général du Réseau européen de formation judiciaire
    M. Jean-François THONY, Directeur de l’ENM, France

    12h10-12h40

    Présentation des problématiques du troisième atelier : « Quelle formation européenne pour les personnels de 
     justice ? »

    M. Andrzej LECIAK, Directeur de l’école de formation des juges, Pologne 

    M. Peter KOVES, Président du Conseil des Barreaux européens

    14h30-17h30

    Travail en atelier

    1) Quelles connaissances communes dans la formation judiciaire européenne : vers un corpus européen de connaissances ?

    Modérateur : M. Wolfgang HEUSEL, Directeur de l’ERA

    Rapporteurs :

    M. Peter GOLDSCHMIDT, Directeur du Centre Européen pour les Juges et Avocats, antenne de Luxembourg de l’Institut Européen d’Administration Publique (EIPA)

    M. Carlos José PÉREZ DEL VALLE, Ecole du Conseil du Pouvoir Judiciaire, Espagne

    Témoin : Mme Anne WEYEMBERGH, Réseau ECLAN

    2) Quelles valeurs communes dans la formation européenne : vers une culture judiciaire européenne ?

    Modérateur : M. Victor HALL, Secrétaire Général du Réseau Européen de Formation Judiciaire

    Rapporteurs :

    Mme VAN ZANTEN, Directrice de l’SSR Stichting Studiecentrum Rechtspleging, Pays-Bas

    M. Jean-François THONY, Directeur de l’ENM, France

    Témoin : M. Ulf GÖRANSSON, Directeur du Collège Européen de Police (CEPOL)

    3) Quelle formation européenne pour les personnels de justice ?

    Modérateur : Maître Dominique GARDE, Membre du bureau chargé de la formation et de la communication du Conseil des Notariats de l’Union Européenne (CNUE)

    Rapporteurs :

    Mme Carmela CAVALLO, Chef du département de la justice des mineurs, ministère de la Justice, Italie

    Mme Cristiana CRACIUNESCU, Directrice de l’Ecole des Greffes, Roumanie

    Témoin : Maître Ioannis MOURATIDIS, Huissier de Justice, représentant de la Grèce au groupe « Union Internationale des Huissiers de Justice – Euromed »

    Mardi 22 juillet 2008

    Matinée ouverte à la presse

    9h30-10h15

    Présentation en plénière des rapports relatifs aux ateliers

    10h15-11h00

    Débat et adoption de conclusions

    11h-11h15

    Pause

    11h15

    Allocution de M. Jacques BARROT, Vice-président de la Commission européenne en charge des questions de Justice, Liberté et Sécurité

    Allocution de Mme Diana WALLIS, Vice-président du Parlement européen

    Allocution de M. Luc FRIEDEN, Ministre de la Justice, Luxembourg

    Allocution de M. Tomas BOCEK, Vice-ministre de la Justice, République Tchèque

    Allocution de Mme Rachida DATI, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, France

    12h30

    Photo de famille

    12h45

    Conférence de Presse

    Régime linguistique (sauf, le cas échéant, pour les allocutions ministérielles) :

    Plénière : français, anglais, allemand

    Ateliers : français, anglais