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DROIT DES PERSONNES --- Chapitre 1er : L'existence de la personne

Selon François TERRE et Dominique FENOUILLET (Précis Dalloz, p : 7), « la personnalité juridique est l’aptitude à être titulaire actif et passif de droits que le droit objectif reconnaît à chacun ». Il existe deux catégories de personnes dotés de cette personnalité juridique : les personnes physiques et les personnes morales. Les animaux, étant traités comme des choses, ne possèdent pas de personnalité. Il convient de s’intéresser en l’espèce à la personne humaine compte tenu de la primauté qui lui est attribuée.

I ]  L’existence de la personne

Tous les hommes naissent libres et égaux en droit. De fait, ils possèdent (ou devraient posséder) tous la personnalité juridique. L’esclavage est prohibé dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1950. 

Pour cela, il paraît nécessaire de définir la personne à travers ces deux composantes, un corps humain qui est en vie.

A/  Corps humain

Ce renvoi au corps humain est particulier puisqu’il est traité comme une chose hors commerce (cadavre, sperme…) malgré son importance pour constituer une personne humaine. Il paraît nécessaire de rappeler le principe de l’inviolabilité du corps humain (« Noli me tangere » ou « ne me touche pas ») consacré à l’article 16-1 c.civ. : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial ».  Chacun est donc protégé contre toutes atteintes contre son corps, le juge pouvant prescrire toutes mesures propres à cette protection (art. 16-2 c.civ.). Le corps humain est pris dans son entier, s’étendant aux éléments (organes, tissus, cellules) et aux produits du corps (gamètes, sang). Face à ce principe simplement posé, toute une série de questions survient en raison de situations diverses :

-          Les atteintes au corps sans le consentement de la personne : en principe, elles sont illicites : sanction des atteintes corporelles telles que les violences ; interdiction des prélèvements sur une personne vivante n’ayant pas consentie ; interdiction des interventions thérapeutiques non consenties. Toutefois, il existe des tempéraments : interventions chirurgicales d’urgence ; la circoncision sur un enfant à la demande des parents ; le droit de correction des parents sur les enfants dans la limite du tolérable ; le prélèvement d’organe sur une personne décédée n’ayant pas fait connaître son refus de son vivant ; les mesures d’instruction du juge civil nécessitant une atteinte (pas de recours à la force mais le refus équivaut à un aveu) ; les mesures de prélèvements génétiques pour alimenter le FNAEG (le refus est constitutif d’un délit).

-          Les atteintes au corps avec le consentement de la personne : on est maître de son corps, mais seulement dans une certaine mesure. De fait, il est possible d’effectuer des activités dangereuses (engagement militaire, vol spatial, sports dangereux) ; des recherches biomédicales réglementées ; des dons bénévoles, gratuits et anonymes (cheveux, sang, sperme, etc.) ; des prélèvements d’organes sur une personne vivante strictement encadrés ; des legs du corps ou la crémation après la mort ; des tatouages et piercing ; transsexualisme à raison de strictes conditions ; le suicide n’est pas punissable et donc n’est pas interdit ; la contraception et les interruptions volontaires de grossesse… A contrario, ce droit est limité : interdiction des mutilations volontaires ; procréation ou gestation pour le compte d’autrui (gratuite ou payante) ; l’euthanasie est interdite, la loi prévoyant l’accompagnement de fin de vie (arrêt des traitements) ; interdiction de la cryogénisation…          

B/  La vie

-          La naissance et la viabilité : tout homme acquière la personnalité juridique au moment où il nait. L’enfant nait sujet de droit s’il nait vivant et viable. Toutefois, l’acquisition de cette personnalité peut remonter avant la naissance, à partir de la conception. « Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodo ejus agitur », c’est-à-dire « l’enfant conçu est considéré comme né chaque fois que tel est son intérêt ».  Tel est le cas pour succéder (art. 725 c.civ.) ou recevoir par testament ou donation (art. 906 c.civ.). On présume alors la naissance pendant la période du 300e au 180e jour avant celle-ci (art. 311 c.civ.).
Plusieurs questions ont cependant été levées concernant le statut de l’embryon et du fœtus. Actuellement, le statut de personnalité juridique est refusé, notamment pour protéger le droit à l’avortement ; problème sous-jacent à ce débat. Le développement de la fécondation in vitro (FIVETE), impliquant un transfert d’embryon (connaissant un stockage par congélation), remet à jour cette question en raison des embryons surnuméraires (pouvant être supprimés ; la recherche sur l’embryon étant interdite sauf sur les embryons conçus in vitro avec l’énumération de conditions).   
CEDH 08/07/2004 : la Cour souligne l’absence de « définition scientifique et juridique des débuts de la vie » laissant à la libre appréciation des Etats le soin de déterminer ce point de départ.

-          La mort et le cadavre : la mort fixe le moment de la fin de la personnalité juridique, ce qui ouvre la succession (art. 720 c.civ.) ; la mort civile ayant été abolie en 1854 (connue dans l’Ancien Régime pour les religieux ou suite à certaines condamnations pénales). Le corps devient alors une chose. La mort s’est définit longtemps comme l’arrêt du cœur et de la circulation sanguine. Cependant, l’évolution de la médecine avec la réanimation d’un patient mort (massage cardiaque) ou le maintient en vie de façon artificielle par le fonctionnement du cœur et des poumons (malgré la mort d’autres organes), a remis en question cette définition. Désormais, il est pris en compte la mort cérébrale (malgré les battements du cœur) ainsi que du tronc cérébral (recherche de réactions du système nerveux, assistance par ventilation ou non). Dans le cas de cette mort cérébrale avec maintient dans le coma d’autres organes, c’est posée la question de la protection du mort, notamment en raison des expérimentations possibles avec l’accord de la personne ou le prélèvement d’organes.
Sur le cadavre, bien qu’il soit une chose, il est dû un respect en raison du caractère sacré du mort. Les ayants-droit pourront donc agir en justice pour défendre l’atteinte à l’image ou à la mémoire du défunt. Les funérailles peuvent avoir été organisées par le défunt (testament ou sous seing privé, devant respecter l’ordre public et les bonnes mœurs). En cas de différends ou d’incertitudes, le conjoint survivant ou les proches (descendants, ascendants) règlent ces funérailles ou l’incinération. Les sépultures sont aussi protégées, tout comme les atteintes aux cadavres.  

 

II ]  Le doute sur l’existence de la personne

A/  L’absence

En droit, l’absence correspond à la disparition sans avoir donné de nouvelles : la personne n’est pas présente là où elle est censée être (chez elle, au travail, en rendez-vous, etc.). Dès lors, on ne peut pas savoir si la personne est morte ou si elle est vivante. Cette situation était régie par des dispositions complexes datant de 1804 (pas de dissolution du mariage, pas de succession ouverte), avant la réforme de la loi du 28 décembre 1977 qui diminue les délais et instaure une distinction entre l’absence présumée et déclarée. Notons que cette procédure reste exceptionnelle, avec pour des données chiffrées, 25 à 50 cas par an entre 1970 à 1976.

 

-          Présomption d’absence (art. 112 c.civ.) ou la présomption de vie : le constat de cette absence peut être effectué par le juge des tutelles à la demande des parties ou du Ministère Public. Le juge peut désigner un représentant de l’absent pour le représenter dans les conditions applicables à l’administration légale sous contrôle judiciaire pour les mineurs (art. 113 c.civ.), sauf si le présumé absent a laissé une procuration suffisante (art. 121 c.civ.). Cependant, le présumé absent est aussi présumé vivant, donc il continue à devoir remplir ses obligations à l’égard de son conjoint et de ses enfants en ce qui concerne l’entretien de la famille et les charges du mariage, la rémunération du représentant (art. 114 c.civ.). Le représentant assure en « bon père de famille » l’administration des biens de l’absent, avec possible remplacement par le juge (art. 115 c.civ.) et le concours du Ministère Public (art. 117 c.civ.). L’article 118 c.civ. prévoit la situation ou l’absent réapparaît ou donne des nouvelles. Il est alors mis fin aux mesures sur sa demande et il recouvre ses biens gérés ou acquis pour son compte. De même, le décès établi ou déclaré met fin à cette présomption d’absence, sans remise en cause des droits acquis sans fraude (art. 119 c.civ.). 

-          Déclaration d’absence (art. 122 c.civ.) ou la présomption de mort :  un jugement du Tribunal de Grande Instance pourra déclarer l’absence à la demande d’une partie intéressée ou du Ministère Public, soit 10 ans après un jugement constatant la présomption d’absence, soit à l’occasion d’une procédure judiciaire prévue aux articles 217-219 ou 1426-1429, soit 20 ans après que la personne ait cessé de paraître. Dans ce cas, des mesures de publicité peuvent être prises (art. 123 c.civ.) ainsi que l’ouverture d’une enquête (art. 124 c.civ.). Un délai d’une année doit s’écouler entre la demande et le jugement déclaratif d’absence (art. 125 c.civ.). Ce jugement est soumis à des conditions de publication (art. 127 c.civ.), donnant lieu à une inscription sur le registre des décès lorsque le jugement passe en force de chose jugée. Le jugement devient opposable aux tiers. Dès lors, le jugement de déclaration d’absence s’analyse comme un acte de décès, entraînant les mêmes effets : ouverture de la succession, prestations sociales, remariage du conjoint (art. 128 c.civ.). Toutefois, le Code Civil prévoit la situation où l’absent réapparaît. L’annulation du jugement pourra être recherchée et le jugement sera publié avec inscription sur les registres (art. 129 c.civ.). L’absent recouvre ses biens et ceux qu’il aurait dû recueillir pendant son absence dans l’état où ils se trouvent, ainsi que le prix des biens aliénés ou acquis en emploi de capitaux ou revenus échus à son profit (art. 130 c.civ.). Les héritiers, possesseur de bonne foi, conservent les fruits perçus de bonne foi (art. 549 c.civ.). La partie intéressée ayant provoquée une déclaration d’absence par fraude devra restituer les revenus des biens dont elle aura eu la jouissance ainsi que les intérêts légaux à compter du jour de la perception. Si la fraude concerne le conjoint, la liquidation du régime matrimonial sera attaquée (art. 131 c.civ.). Le mariage reste dissous (art. 132 c.civ.).      

 

B/  La disparition

Historiquement, la preuve du décès ne pouvait être rapportée que par l’examen du cadavre. Il n’était donc pas pris en compte des cas où la mort était certaine (naufrage, guerre, crash, tremblement de terre, raz-de-marée, accident de montagne, déportation, etc.). Il fallait recourir à la procédure de déclaration d’absence. Peu à peu, des procédures spéciales furent prévues (catastrophes minières en 1813 ou aériennes en 1924) avant une généralisation par l’ordonnance du 30 octobre 1945 ; suivie d’une large simplification par l’ordonnance du 23 août 1958 qui organise les actuels articles 87 à 92 du Code Civil.

Selon l’article 88 c.civ., si une personne disparaît sans trace du corps, « dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger », il est possible de déclarer judiciairement le décès. Demande peut être faite par le Procureur de la République ou les parties intéressées devant le Tribunal de Grande Instance compétent, voire au travers d’une requête collective en cas de disparitions multiples au cours du même évènement (art. 89 c.civ.). L’affaire sera instruite et jugée en chambre du conseil, à la suite d’un complément d’information si nécessaire (art. 90 c.civ.). Le tribunal déclarant le décès, retiendra la date en tenant compte des présomptions tirées des circonstances de la cause (à défaut du jour de la disparition). Cette déclaration donne lieu à une transcription sur les registres de l’état civil (art. 91 c.civ.), le jugement déclaratif tenant lieu d’acte de décès opposable aux tiers. Le Code Civil prévoit le cas où le disparu réapparaît postérieurement au jugement (art. 92 c.civ.). L’individu pourra obtenir l’annulation du jugement  suivie de l’inscription sur les registres ; puis recouvrira ses biens dans les mêmes conditions qu’en cas de déclaration d’absence (art. 130, 131, 132 c.civ.) : récupération des biens dans l’état où ils sont, prix des biens aliénés, biens acquis par le remploi, attaque de la liquidation du régime matrimonial. 

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