Le 28 janvier 2011, nous avions pu revenir sur un débat qui, depuis quelques années, occupe les juristes en droit civil… la question du mariage entre personnes de même sexe. Les étudiants de droit connaissent bien ce sujet puisque la question est largement traitée par renvoi aux conditions de fond du mariage et à l’exposé du PACS et du concubinage.
Il y a quelques mois, nous étions revenus sur ce thème par le commentaire succinct de la décision du Conseil Constitutionnel. Nous indiquions alors que « La consécration d’un mariage entre personnes de même sexe, en France, reste suspendue à une réforme législative opérée par le Parlement » (http://fxrd.blogspirit.com/media/01/02/1201595723.pdf). Or, la réussite d’un tel projet semble, en tout cas à l’heure actuelle, improbable !
Comme chaque année, les célèbres « Gaypride » se déroulent dans plusieurs grandes villes de France. Il est certain que ces marches font l’objet de critiques, y compris auprès de personnes homosexuelles. Trop stigmatisant, montrant une version débridée de l’homosexualité, inutilité de ces marches, fondement absent pour le déroulement de telles journées… bref, un défilé de « folles » qui effraye et nuit aux homosexuels selon certains. Pourtant, si l’on peut déplorer leur existence – puisque la simple lecture de la Déclaration des Droits de l’Homme n’a pas été suffisante – ce sont ces marches qui ont permis une évolution des mentalités envers les homosexuels et de leurs droits.
Aujourd’hui, les relations sexuelles entre personnes de même sexe ne sont plus pénalement réprimées… les couples formés de personnes de même sexe ont obtenu une reconnaissance légale (concubinage et PACS)… la lutte contre l’homophobie tend à s’améliorer… Cette évolution a pu être réalisée grâce à l’action de personnages publiques (acteurs, chanteurs…) et politiques mais aussi et surtout au travail des associations.
On peut alors se poser la question : ces marches sont-elles encore utiles ? Nous pensons que la réponse peut facilement en être donnée à l’aide des derniers dérapages de personnes politiques. Pour preuve, et même si cela se veut sur un ton d’exagération voire d’humour, peut-on admettre que dans un document officiel de l’Assemblée Nationale l’on puisse lire ces quelques lignes …
Mme Brigitte Barèges. Je suis surprise qu’on place la discussion sur le terrain de l’égalité des droits. Il y a deux sexes différents, complémentaires, qui devraient avoir des droits égaux. S’il y a un combat à mener, c’est peut-être dans ce sens qu’il faut aller, pour faire mieux respecter le droit des femmes. Pour ma part, j’y souscrirai totalement.
Vous vous êtes battus pour le PACS, que l’on a voté…
Mme Sandrine Mazetier. Non, vous ne l’avez pas voté !
Mme Brigitte Barèges. À l’époque, je n’étais pas encore députée ! L’enjeu du débat sur le PACS était que les couples homosexuels aient les mêmes droits que les couples hétérosexuels. Que leur manque-t-il aujourd’hui à part la robe de mariée ? Au nom de l’évolution des mœurs, notre société, dont les fondements laïques et républicains sont établis depuis des siècles, devra-t-elle prendre en compte, comme l’a dit mon collègue, d’autres pratiques sexuelles – et pourquoi pas le mariage avec les animaux ou la polygamie, si d’autres religions prennent le pas sur notre tradition judéo-chrétienne ?
M. Noël Mamère. Honte à vous ! Comment dire de pareilles inepties ?
Mme Brigitte Barèges. J’exagère, bien sûr, mais c’est pour montrer où mène l’absurde. Il faut tout de même des barrières et des règles pour garantir la vie en société et les traditions. Ce que vous qualifiez de communautarisme n’est que la démocratie, c’est-à-dire la règle du plus grand nombre.
M. Alain Vidalies. Le débat était bien parti, mais ce que nous venons d’entendre est accablant. Comment peut-on assimiler l’homosexualité aux déviances qui viennent d’être évoquées ! Je n’imaginais pas que la droite en était encore là aujourd’hui !
Ceci est un extrait de la page 28 du compte rendu de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, n° 56 du mercredi 25 mai 2011,
Pour obtenir le document officiel et complet de l’Assemblée Nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/cr-cloi/10-11/c1011056.pdf
Une nouvelle fois, il est possible de remarquer le dépôt d’une nouvelle proposition de loi visant à permettre l’ouverture du mariage civil aux couples homosexuels. Les passages mis en relief l’ont été par nos soins. Si l’on pouvait largement douter de son adoption, nous avons choisi de publier le document. L'intérêt aura été de permettre la discussion au sein de l'Assemblée Nationale. Malgré un refus évident de ce texte, par 222 voix pour et 293 voix contre, on peut remarquer un débât plus propre, peu marqué par des débordements verbaux. Seuls quelques députés se seront illustrés par des propos rétrogrades. Dernière observation, on peut souligner que plusieurs députés de la majorité ont voté pour cette proposition, marquant un tournant et une prise de conscience (encore limitée) sur ce thème... et le retard de la France !
N° 586
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 janvier 2008.
PROPOSITION DE LOI
visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
PAR MM. Patrick BLOCHE, François HOLLANDE, Jean-Marc AYRAULT, Mme Annick LEPETIT, M. Joël GIRAUD, Mme Patricia ADAM, MM. Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Christophe BOUILLON, Mmes Delphine BATHO, Gisèle BIEMOURET, M. Gilles COCQUEMPOT, Mme Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mmes Claude DARCIAUX, Michèle DELAUNAY, MM. Bernard DEROSIER, Marc DOLEZ, Julien DRAY, Tony DREYFUS, William DUMAS, Yves DURAND, Olivier DUSSOPT, Mmes Corinne ERHEL, Geneviève FIORASO, MM. Michel FRANÇAIX, Jean-Claude FRUTEAU, Mme Geneviève GAILLARD, MM. Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Mmes Pascale GOT, Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, MM. Christian HUTIN, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, François LAMY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Mme Marylise LEBRANCHU, M. Michel LEFAIT, Mme Annick LE LOCH, M. Patrick LEMASLE, Mme Catherine LEMORTON, MM. Bruno LE ROUX, Bernard LESTERLIN, Mmes Jacqueline MAQUET, Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mme Martine MARTINEL, MM. Michel MÉNARD,, Pierre MOSCOVICI, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Michel PAJON, Jean-Claude PEREZ, Mmes SYLVIA PINEL, Catherine QUÉRÉ, M. Dominique RAIMBOURG, Mme Marie-Line REYNAUD, MM. Marcel ROGEMONT, René ROUQUET, Patrick ROY, Michel SAINTE-MARIE, Christophe SIRUGUE, Mme Marisol TOURAINE, MM. Jean-Jacques URVOAS, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche(1) et apparentés(2),
députés.
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(1) Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Mme Delphine Batho, M. Jean-Louis Bianco, Mme Gisèle Biemouret, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Mme Marie-Odile Bouillé,
M. Christophe Bouillon, Mme Monique Boulestin, M. Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mmes Catherine Coutelle, Pascale Crozon, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, MM. Michel Debet, Pascal Deguilhem, Mme Michèle Delaunay, MM. Guy Delcourt, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Mme Corinne Erhel, MM. Laurent Fabius, Albert Facon, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mmes Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, M. Pierre Forgues, Mme Valérie Fourneyron, MM. Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Mme Geneviève Gaillard, MM. Guillaume Garot, Jean Gaubert, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Mme Pascale Got, MM. Marc Goua, Jean Grellier, Mme Élisabeth Guigou, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. François Hollande, Mmes Sandrine Hurel, Monique Iborra, M. Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Mme Annick Le Loch, M. Patrick Lemasle, Mmes Catherine Lemorton, Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Mmes Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, MM. Jean-René Marsac, Philippe Martin, Mmes Martine Martinel, Frédérique Massat, MM. Gilbert Mathon, Didier Mathus, Mme Sandrine Mazetier, MM. Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Mmes Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, M. Michel Pajon, Mme George Pau-Langevin, MM. Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, MM. Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Mme Marie-Line Reynaud, MM. Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Mme Odile Saugues, MM. Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Mme Marisol Touraine, MM. Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.
(2) Mme Chantal Berthelot, MM. Guy Chambefort, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Mme Annick Girardin, MM. Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Albert Likuvalu, Mmes Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Martine Pinville, M. Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Marcel Rogemont et Mme Christiane Taubira.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Une institution qui a évolué
Le mariage est une institution dont les origines sont millénaires. Produit de l’histoire de notre société, il a lui-même beaucoup évolué.
De tout temps en occident, le mariage aura été destiné aux époux pubères, avec un caractère monogame, hors de l’inceste et de la proche parenté.
Après les invasions barbares au cours du Moyen-Âge, le mariage était une cérémonie privée donnant lieu à des réjouissances familiales. Il s’agissait alors déjà d’un engagement mutuel, écrit et signé.
Lors du concile du Latran en 1215, l’église catholique romaine estime qu’elle doit s’intéresser au mariage et va décider de le réglementer une première fois :
– en imposant la publication des bans pour éviter les mariages clandestins ;
– en faisant du mariage un sacrement, donc indissoluble sauf par la mort ;
– en exigeant le consentement libre et public des époux, échangé de vive voix dans un lieu ouvert. Cette disposition visait à éviter le mariage issu de rapts et d’unions arrangées – le rapt de Mathilde par Guillaume le Conquérant est resté dans les mémoires ;
– en imposant un âge minimal des époux pour éviter le mariage d’enfants, et notamment des très jeunes filles ;
– en réglementant l’annulation du mariage en cas de duperie sur la personne, rapt, non-consommation, mariage clandestin, etc.
Ce concile fixera des règles très largement reprises ensuite dans le mariage civil et laïc, institué en France en 1791.
Le concile de Trente (1542) renforcera encore la réglementation du mariage imposée par l’église catholique, laquelle aura poussé son emprise pour s’en arroger le monopole. Ce concile décide en particulier que :
– le mariage doit être précédé de la publication des bans ;
– le mariage doit être célébré devant un curé et des témoins ;
– les mariés doivent signer un registre ;
– la cohabitation hors mariage est interdite, pour faire reculer le concubinage et les enfants illégitimes.
En 1791, le mariage devient en France un acte civil sous la forme du contrat, laïc, et révocable par le divorce (loi de 1792).
L’histoire du mariage civil est elle-même composée d’avancées et de retours en arrière.
Ainsi, le code Napoléon place en 1804 la femme mariée sous l’autorité de son époux, puis le divorce est supprimé en 1816, pour être rétabli en 1884 par la loi du député radical Alfred Naquet, permettant un retour partiel aux acquis révolutionnaires.
La pleine égalité des conjoints n’existe dans les textes que depuis 1970 par la loi qui dispose que « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille ».
En droit, il n’y a plus de chef de famille.
Malgré ces évolutions nombreuses et importantes, et en dépit de la création du mariage civil, le mariage a été longtemps marqué d’une forte connotation religieuse.
De même, il a conservé de tout temps le caractère d’une union de lignées familiales aménagée afin de permettre la transmission de la vie et du patrimoine tout en préservant les intérêts de chacune des lignées.
En cela, le mariage fonde un modèle familial stable dont les interdits fondamentaux auront perduré (inceste ou mariage entre parents proches, polygamie), quand les interdits ou obligations marqués par l’influence de l’église auront largement fluctué (le sacrement du mariage, le contrôle de la sexualité avec l’obligation de consommer, la fidélité et l’interdiction du divorce, et le contrôle social et religieux avec les interdictions de mariage mixte notamment).
Ainsi, le mariage civil est-il régulièrement modifié, que ce soit au regard de la conclusion du mariage (consentements parentaux, conditions d’âge...), de la vie des couples mariés (régime des biens et des successions, organisation de la solidarité entre les conjoints, obligations à l’égard des belles-familles, etc.) ou de la séparation (faculté de divorcer et conditions afférentes, obligations survivant au mariage...).
Ces évolutions importantes sont venues traduire les transformations sociales qui ont pétri la société au fil des siècles.
Depuis la « reprise en mains » du mariage par l’église au cours du Moyen Âge, ce mode d’union avait conquis une exclusivité presque totale de la vie en couple et en famille. Mais les dernières décennies ont mis un terme à ce monopole avec la possibilité de vivre en couple ou en famille en dehors du mariage et de la stigmatisation sociale – l’un n’allant pas sans l’autre auparavant.
Ainsi, ce sont 56 % – presque trois sur cinq – des premiers enfants des couples qui naissent maintenant hors mariage, et le nombre de mariages reste pourtant globalement stable d’une année sur l’autre.
Aujourd’hui, le mariage conserve donc sa valeur symbolique tout en n’étant plus considéré comme un modèle unique : tel est le constat posé en février 2006 par la mission d’information parlementaire sur la famille et les droits des enfants.
La longue marche vers l’Égalité des droits
Les réformes législatives nombreuses et récentes traduisent bien cette situation, au-delà même du seul mariage : la reconnaissance du concubinage dans la loi et la création du pacs, faisant du couple un objet de droit, ont répondu à l’aspiration de nos concitoyens à voir reconnu leur mode de vie.
Avec le pacs et le concubinage, il est remarquable que la loi place désormais sur un pied d’égalité tous les couples, quelle que soit leur composition. En cela, le couple homosexuel a acquis une reconnaissance symbolique importante.
Aujourd’hui, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe répond à une demande sociale qui participe d’un mouvement général de renforcement du principe d’Égalité, dont la mise en œuvre passe à la fois par la lutte contre les discriminations, le renforcement des droits existants, et la création de nouveaux droits.
Il est utile de confronter les arguments s’opposant à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe à ceux visant à l’ouvrir au nom de l’égalité des droits.
De l’Égalité
Rappelons ici que le principe républicain d’Égalité est fondamentalement l’acquis d’un combat pour l’émancipation de l’être humain. Ce combat s’est déroulé dans notre histoire comme un effet de l’action civilisatrice de notre société. Il a permis à l’individu social d’acquérir la liberté de s’affranchir progressivement du « moule » prédéfini auquel étaient liés certains droits et devoirs.
Cette maturation de la société revient à faire plus confiance à l’individu et moins à la norme pour respecter les règles du jeu de la vie commune. Ses limites en découlent simplement : le contrôle social étant moins aisé, les régulations sont plus difficiles à mettre en place, car plus individualisées.
Cette nouvelle faculté d’être soi-même est un enjeu de civilisation : il s’agit certes d’un acquis historique, mais qui se doit d’être reconquis en permanence au fil de l’évolution de notre société.
La question des droits nouveaux qui peuvent émerger doit être constamment reposée au vu de l’évolution de notre histoire sociale, tout comme celle des rapports entre désirs et libertés, entre sphère privée et sphère publique.
Le fait de réserver le mariage à des couples de sexes différents est clairement un dispositif de régulation sociale. On peut néanmoins souligner que l’ouvrir aux couples de même sexe n’apporte ou ne retire rien aux couples de sexes différents. Dès lors, pourquoi refuser cette liberté aux couples homosexuels ? Est-ce qu’ouvrir cette liberté remettrait trop gravement en cause le contrôle social sur les couples ou sur les familles ?
Certains considèrent que le mariage vient consacrer un amour (liberté d’être soi-même).
D’autres avancent des objections naturalistes contre l’ouverture du mariage (objections liées à une visée procréatrice jugée indissociable de ce statut). Se poser la question de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe revient à mettre en balance aujourd’hui ces deux dimensions, parmi d’autres. Réserver le mariage à un couple qui peut procréer justifie-t-il l’interdiction de reconnaître un amour pour ce qu’il est ? Si l’on répondait affirmativement à cette question, comment alors permettre le mariage de couples stériles ou n’ayant plus l’âge de procréer ?
La longue marche vers l’égalité des droits a déjà permis la dépénalisation de l’homosexualité, puis l’interdiction de la discrimination homophobe, et enfin la reconnaissance du couple homosexuel avec le pacs. Il faudrait donc d’autres arguments que ceux liés à la reconnaissance du couple homosexuel pour continuer de s’opposer à la reconnaissance du couple par le mariage.
Sur la responsabilité parentale
Le mariage emporte présomption de paternité (art. 312 du code civil). Son ouverture aux couples de même sexe nécessite d’aménager cette présomption pour qu’elle ne s’applique qu’aux couples mariés composés d’un homme et d’une femme.
Ce que permet cette proposition de loi
Cette proposition de loi ouvre le mariage aux couples de même sexe.
Elle ne change ni ne remet en cause aucun droit acquis des couples hétérosexuels mariés.
Les dispositions relatives à la filiation biologique sont maintenues en l’état dans tous les cas, le principe de la présomption de paternité étant explicitement réservé aux couples mariés composés d’un homme et d’une femme.
Enfin, un toilettage des termes utilisés dans le code civil est proposé pour tenir compte de ces évolutions.
En résumé, ces dispositions permettent essentiellement à tous les couples de se marier.
Dans le mariage d’un homme et d’une femme, « le mari est le père de l’enfant ». Dans tous les autres cas d’unions, les droits parentaux ne peuvent être acquis sans démarche.
Une seconde proposition de loi est déposée concomitamment afin d’aménager les conditions d’exercice de la parentalité, que ce soit dans le cadre du mariage ou en dehors de ce statut.
Une réponse républicaine
L’évolution du regard de notre société sur l’homosexualité témoigne de notre profond attachement à la République et à ses valeurs universelles, car il n’est pas de démarche plus communautariste que celle visant à sanctuariser des droits pour certains et à refuser leur accès à d’autres.
Après avoir dépénalisé l’homosexualité, après avoir donné au citoyen homosexuel les outils de l’égalité avec les lois antidiscriminatoires, après avoir reconnu que le lien amoureux qui fonde le couple n’a pas de sexe avec le pacs, il est proposé ici de construire une nouvelle réponse républicaine aux attentes des couples de même sexe voulant se marier et à celles des familles homoparentales aspirant à l’égalité des droits.
L’ouverture proposée répond donc ici à des situations concrètes pour lesquelles le mariage était jusqu’ici inadapté. Ces réponses offrent de nouveaux droits à tous les couples, quelle que soit leur composition.
Loin d’un texte spécifique, il s’agit d’une contribution républicaine et universelle au combat pour l’égalité des droits.
Un mouvement général de progrès social
Pour conclure, il peut être utile de rappeler que cette démarche s’inscrit dans un mouvement qui se développe dans de nombreux pays. Pays-Bas, Belgique, Espagne, Canada ont déjà ouvert le mariage et l’adoption.
Certains états des USA ont ouvert le mariage (Alaska, Hawaï, Massachusetts), d’autres pays y travaillent : la Suède, l’Allemagne, ou encore l’Afrique du Sud où la Cour constitutionnelle a mis en demeure le législateur le 1er décembre 2005 d’ouvrir avant le 1er décembre 2006 le mariage aux couples de même sexe.
D’autres pays permettent l’adoption par les couples de même sexe, comme l’Angleterre, les Pays-Bas, le Canada, l’Afrique du Sud, le Danemark, et quelques états américains comme le New Jersey, la Californie, le Massachusetts, le New Mexico, l’État de New York, l’Ohio, le Vermont, l’État de Washington, le Wisconsin, Washington DC.
Ces exemples ont démontré que l’ouverture du mariage et de l’adoption, loin de remettre en cause les fondements de la société comme il est parfois allégué, permet de faire progresser l’ensemble de la société sur le chemin de l’égalité.
En adoptant cette proposition de loi, la France, qui a été pionnière dans la conquête de l’égalité avec le pacs, retrouverait une place de choix parmi les pays ayant une lecture généreuse des droits humains.
PROPOSITION DE LOI
Dispositions relatives au mariage
Article 1er
Avant l’article 144 du code civil, il est rétabli un article 143 ainsi rédigé :
« Art. 143. – Le mariage peut être contracté par deux personnes de sexes différents ou de même sexe ».
Article 2
I. – L’article 162 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 162. – En ligne collatérale, le mariage est prohibé, entre frère ou sœur. »
II. – L’article 163 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 163. – Le mariage est encore prohibé entre oncle ou tante et nièce ou neveu. »
III. – Le 3° de l’article 164 du même code est ainsi rédigé :
« 3° par l’article 163 aux mariages entre oncle ou tante et nièce ou neveu. »
Dispositions relatives à la filiation
Article 3
Le premier alinéa de l’article 312 du code civil est ainsi rédigé :
« L’enfant conçu pendant le mariage d’un homme et d’une femme a pour père le mari. »
Dispositions visant à mettre en cohérence
le vocabulaire du code civil
Article 4
I. – Dans le dernier alinéa de l’article 75 du code civil, les mots : « mari et femme » sont remplacés par le mot : « époux ».
II. – L’article 144 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 144. – Nul ne peut contracter mariage avant dix-huit ans révolus. »
III. – Dans l’article 197 du même code, les mots : « mari et femme » sont remplacés par les mots : « deux époux ».
IV. – Dans le premier alinéa de l’article 108 et dans l’article 980 du même code, les mots : « le mari et la femme » sont remplacés par les mots : « les deux époux ».
V. – La dernière phrase du premier alinéa de l’article 412 du même code est ainsi rédigée :
« Les époux peuvent se représenter l’un l’autre. »
Pour obtenir la proposition de loi dans sa version d’origine en format PDF : http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/propositions/pion0586.pdf