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La Constitution Européenne

  • Observations sur la décision du Conseil Constitutionnel relative à l’interdiction du mariage homosexuel

    Cet article se veut être une simple et concise présentation de la décision du Conseil des Sages du 28 janvier 2011…

    Nous avions évoqué, en décembre 2010, la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe (http://fxrd.blogspirit.com/media/01/00/1155611248.pdf).

    Par l’introduction de cette QPC, le Conseil Constitutionnel devait répondre aux interrogations d’une non-conformité de cette interdiction avec des dispositions du bloc de constitutionnalité. Les dispositions en cause étaient les articles 75 dernier alinéa et 144 du Code Civil.

    Article 75 alinéa 6 C.Civ. : « Il recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme ; il prononcera, au nom de la loi, qu'elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ ».

    Article 144 C.Civ. : « L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ».

    On remarque que ces articles portent mention d’une éventuelle restriction du mariage à l’homme et la femme, entendu comme l’union d’un homme avec une femme. Une telle lecture exclut de facto les mariages entre personnes de même sexe.

    Cette saisine du Conseil Constitutionnel visait à faire déclarer ces dispositions inconstitutionnelles, ce qui aurait entraîné leur nécessaire abrogation… et par voie de conséquence, une ouverture du mariage à tous les couples. A l’appui de cette inconstitutionnalité, Mme Corinne C. et autres avançaient une contradiction avec l’article 66 de la Constitution, la liberté du mariage, le droit de mener une vie familiale et le principe d’égalité devant la loi.

    Le Conseil Constitutionnel a, tour à tour, écarté les contradictions soulevées pour marquer la constitutionnalité des dispositions sur le mariage.  

    S’agissant de l’article 66 de la Constitution, « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi », le Conseil Constitutionnel indique qu’il n’est pas applicable au mariage. Les dispositions invoquées ne portent aucune atteinte à la liberté individuelle.

    Sur la liberté du mariage, il rappelle que le législateur peut définir les conditions pour pouvoir se marier, en vertu de l’article 34 de la Constitution, et dans le respect des exigences de caractère constitutionnel.

    A la possible contradiction avec le droit de mener une vie familiale normale, le Conseil Constitutionnel souligne que le mariage n’est pas une condition imposée à la mise en œuvre de ce droit. Les personnes de même sexe peuvent mener une vie familiale normale sous les autres régimes juridiques du couple existants (concubinage et PACS).

    Dernière contradiction soutenue, le principe d’égalité. Le Conseil rappelle que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur propose une différence de traitement dès lors que les situations sont différentes ou en s’appuyant sur des raisons d’intérêt général. Une atteinte au principe d’égalité implique donc une différence de traitement de personnes placées dans la même situation. Or, les couples de même sexe et les couples de sexe différent crée deux situations distinctes, pouvant être traitées selon des règles différentes.

    Suite à ces développements, le Conseil Constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les dispositions critiquées du Code Civil. 

    Si l’on peut déplorer les conséquences de cette décision, il paraît difficile de remettre en cause les justifications apportées par le Conseil Constitutionnel. La seule critique pourrait se rapporter à la différence de traitement que justifie la différence de sexe dans le couple. L’existence de cette différence qui implique une différence de traitement, pouvant être discutable, semblait être une porte ouverte à une décision contraire.

    Bien que nous ne soyons pas surpris d’une telle décision et sans développer plus en avant celle-ci, nous nous bornerons à établir deux observations :

    -           Le Conseil Constitutionnel a, à de multiples reprises dans cette présente décision, souligné l’implication du législateur dans l’institution de ces dispositions, et de façon plus générale, dans l’institution du mariage tel qu’il se définit en droit français. D’ailleurs, il ne manque pas de souligner à la fin de sa décision « qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation ». Le Conseil Constitutionnel rappelle donc sa fonction de garant de la Constitution qui se distingue de celle du législateur. Il souligne donc, par voie de conséquence, qu’une modification dépend entièrement de l’appréciation du législateur. Peut-on y voir pour autant un appel du pied au législateur ? Une telle affirmation reste très discutable, bien que l’on ne puisse contester la volonté du Conseil de rappeler, à plusieurs reprises dans le corps de sa décision, la responsabilité du législateur en la matière.

    -          Cette décision rappelle les arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui renvoient aux autorités nationales, mieux placées, pour apprécier et règlementer l’exercice du droit au mariage. La Cour refuse de déclarer une obligation aux Etats de reconnaître le mariage homosexuel. Récemment, la CEDH effectue ce rappel dans son arrêt Schalk et Kopf c/ Autriche du 24 juin 2010 (30141/04). Pour justifier cette position, la Cour explique qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de consensus européen en la matière. Une telle interprétation reste donc soumise à une possible évolution.

    La consécration d’un mariage entre personnes de même sexe, en France, reste suspendue à une réforme législative opérée par le Parlement. Cette solution semble la plus rapide dans le temps. Cette question fera certainement son apparition dans les futurs débats politiques préparant aux prochaines élections présidentielles. Dans le cas contraire, il faudra attendre que la Cour Européenne considère qu’un consensus existe au niveau européen pour l’amener à modifier sa jurisprudence.   

     

     

    Pour obtenir cet article en format PDF :

    Le mariage homosexuel.pdf

     

    Décision intégrale du Conseil Constitutionnel n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011

    Les extraits en gras, soulignés ou surlignés l’ont été par nos soins pour mettre en exergue les éléments importants. 

     

    Mme Corinne C. et autre [Interdiction du mariage entre personnes de même sexe]

    Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 novembre 2010 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 1088 du 16 novembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mmes Corinne C. et Sophie H., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 75 et 144 du code civil.

    LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

    Vu la Constitution ;

    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

    Vu le code civil ;

    Vu l'arrêt n° 05-16627 de la Cour de cassation (première chambre civile) du 13 mars 2007 ;

    Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

    Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 décembre 2010 ;

    Vu les observations produites pour les requérantes par Me Emmanuel Ludot, avocat au barreau de Reims, enregistrées le 14 décembre 2010 ;

    Vu les observations en interventions produites pour l'Association SOS Homophobie et l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens par Me Caroline Mécary, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 14 décembre 2010 ;

    Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

    Me Ludot pour les requérantes, Me Mécary pour les associations intervenantes et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 18 janvier 2011 ;

    Le rapporteur ayant été entendu ;

    1. Considérant qu'aux termes de l'article 75 du code civil : « Le jour désigné par les parties, après le délai de publication, l'officier de l'état civil, à la mairie, en présence d'au moins deux témoins, ou de quatre au plus, parents ou non des parties, fera lecture aux futurs époux des articles 212, 213 (alinéas 1er et 2), 214 (alinéa 1er) et 215 (alinéa 1er) du présent code. Il sera également fait lecture de l'article 371-1.
    « Toutefois, en cas d'empêchement grave, le procureur de la République du lieu du mariage pourra requérir l'officier de l'état civil de se transporter au domicile ou à la résidence de l'une des parties pour célébrer le mariage. En cas de péril imminent de mort de l'un des futurs époux, l'officier de l'état civil pourra s'y transporter avant toute réquisition ou autorisation du procureur de la République, auquel il devra ensuite, dans le plus bref délai, faire part de la nécessité de cette célébration hors de la maison commune.
    « Mention en sera faite dans l'acte de mariage.
    « L'officier de l'état civil interpellera les futurs époux, et, s'ils sont mineurs, leurs ascendants présents à la célébration et autorisant le mariage, d'avoir à déclarer s'il a été fait un contrat de mariage et, dans le cas de l'affirmative, la date de ce contrat, ainsi que les nom et lieu de résidence du notaire qui l'aura reçu.
    « Si les pièces produites par l'un des futurs époux ne concordent point entre elles quant aux prénoms ou quant à l'orthographe des noms, il interpellera celui qu'elles concernent, et s'il est mineur, ses plus proches ascendants présents à la célébration, d'avoir à déclarer que le défaut de concordance résulte d'une omission ou d'une erreur.
    « Il recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme ; il prononcera, au nom de la loi, qu'elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ » ;

    2. Considérant qu'aux termes de l'article 144 du même code : « L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus » ;

    3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le dernier alinéa de l'article 75 du code civil et sur son article 144 ; que ces dispositions doivent être regardées comme figurant au nombre des dispositions législatives dont il résulte, comme la Cour de cassation l'a rappelé dans l'arrêt du 13 mars 2007 susvisé, « que, selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme » ;

    4. Considérant que, selon les requérantes, l'interdiction du mariage entre personnes du même sexe et l'absence de toute faculté de dérogation judiciaire portent atteinte à l'article 66 de la Constitution et à la liberté du mariage ; que les associations intervenantes soutiennent, en outre, que sont méconnus le droit de mener une vie familiale normale et l'égalité devant la loi ;

    5. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; que l'article 61-1 de la Constitution, à l'instar de l'article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet article lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ;

    6. Considérant, en premier lieu, que l'article 66 de la Constitution prohibe la détention arbitraire et confie à l'autorité judiciaire, dans les conditions prévues par la loi, la protection de la liberté individuelle ; que la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle, résulte des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que les dispositions contestées n'affectent pas la liberté individuelle ; que, dès lors, le grief tiré de la violation de l'article 66 de la Constitution est inopérant ;

    7. Considérant, en second lieu, que la liberté du mariage ne restreint pas la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les conditions du mariage dès lors que, dans l'exercice de cette compétence, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;

    8. Considérant, d'une part, que
    le droit de mener une vie familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; que le dernier alinéa de l'article 75 et l'article 144 du code civil ne font pas obstacle à la liberté des couples de même sexe de vivre en concubinage dans les conditions définies par l'article 515-8 de ce code ou de bénéficier du cadre juridique du pacte civil de solidarité régi par ses articles 515-1 et suivants ; que le droit de mener une vie familiale normale n'implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe ; que, par suite, les dispositions critiquées ne portent pas atteinte au droit de mener une vie familiale normale ;

    9. Considérant, d'autre part, que l'article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en maintenant le principe selon lequel le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, le législateur a, dans l'exercice de la compétence que lui attribue l'article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d'un homme et d'une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation ; que, par suite, le grief tiré de la violation de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;

    10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de l'atteinte à la liberté du mariage doit être écarté ;

    11. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

    DÉCIDE :

    Article 1er.° Le dernier alinéa de l'article 75 et l'article 144 du code civil sont conformes à la Constitution.

    Article 2.° La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 janvier 2011 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

    Rendu public le 28 janvier 2011.

     

  • Lancement de la Présidence Française de l'Union Européenne sur fond de crise

    Le Traité de Lisbonne devient le premier sujet de préoccupation pour la Présidence Française de l’Union Européenne. Projet dont le Président de la République Française Nicolas SARKOZY est l’instigateur ; même si on doit reconnaître que ce texte est en très grande partie une intégration des apports de la Constitution Européenne dans les Traités actuels ; il va tenter d’éviter la crise européenne qui prend ses marques peu à peu. D’ailleurs, dès l’ouverture de cette nouvelle présidence le 1er juillet 2008, le Président Polonais Lech Kaczynski a indiqué son intention de ne pas ratifier le Traité de Lisbonne, alors que le Parlement Polonais avait adopté le texte en avril. Rappelons-nous que les dirigeants polonais étaient déjà fermement opposés au texte lorsque celui-ci avait été proposé, l’accord ayant été trouvé à l’ « arraché » ... De plus, l’adoption du texte par la République Tchèque apparaît de moins en moins acquis !
    Alors que les entraves se multiplient, M. Pierre BERTHELET revient sur le premier coup porté à ce texte - dont la survie est de plus en plus menacée - c’est--à-dire le "non" irlandais et la crise ouverte, et analyse ce que l'on doit en retenir*.


    Le Traité de Lisbonne, un lourd héritage pour la présidence française

    Par Pierre Berthelet
    Enseignant à Sciences Po Lille, ancien conseiller ministériel sous présidence belge de l’UE

    mercredi 02 juillet 2008, 10:07 Quotidien belge Le Soir

    Le concert des ratifications avait démarré dans l’harmonie et la nouvelle symphonie européenne se jouait sans accroc. Seulement voilà, le couac est venu de l’Irlande. Avec 54,3 % des voix, le non s’est imposé et la crise institutionnelle a resurgi. Le Conseil européen qui s’est réuni le 19 juin a décidé… de ne rien décider. Le Secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, déclarait d’ailleurs qu’il n’existe pas de plan B. La Slovénie lègue donc bien malgré elle à la présidence française un héritage encombrant : résoudre la nouvelle et énième crise européenne.
    Cette fois-ci, la situation est inédite puisqu’elle résulte d’un texte qui précisément, devait apporter une réponse à la crise précédente causée par le rejet de la Constitution européenne. Ironie du sort, cette même France qui était à l’origine de la crise, doit, maintenant qu’elle a les rênes de la présidence, résoudre celle résultant de ce qui est appelé pudiquement, « un incident de ratification » du Traité de Lisbonne.
    Comme la Constitution européenne, ce traité est vu comme incompréhensible car trop technique. C’est indéniable. Mais un compromis à vingt-sept, où chaque pays a sa propre vision de l’Europe et essaye de défendre au mieux ses intérêts, peut-il nécessairement conduire à l’élaboration d’un texte simple et lisible ? Si l’on croit que l’électeur français de 2008 consulté par référendum rejetterait le traité car il ne le comprend pas, pourrait-on sérieusement affirmer que l’électeur de 1958 avait quant à lui approuvé la Constitution de la Ve République car il en avait saisi toutes les subtilités juridiques ?
    Alors, que se cache-t-il derrière cette crise institutionnelle ? Primo, il a été reproché au Traité de Lisbonne d’avoir un caractère trop libéral. C’est oublier qu’il vise surtout le fonctionnement des institutions. Il est avant tout destiné à rendre le processus décisionnel plus efficace. C’est aussi oublier qu’un traité européen est un cadre juridique, c’est-à-dire une boîte dans laquelle sont mises en œuvre des politiques. Cependant, l’existence d’un cadre ne veut pas dire l’existence d’une politique. Loin s’en faut. Prenons l’exemple de la politique européenne de la défense. Une telle politique était prévue par le Traité de Maastricht en 1992, mais elle a réellement vu le jour à la fin des années 1990 après le sommet franco-britannique de Saint-Malo et les Conseils européens d’Helsinki et de Cologne en 1999. Entre-temps, il a fallu des centaines de milliers de morts dans l’ex-Yougoslavie et une intervention américaine afin d’amener les belligérants à signer les accords de Dayton mettant un terme au conflit, pour conduire les dirigeants européens à songer à élaborer une véritable réponse diplomatique et militaire commune. En conséquence, à supposer que le traité soit d’essence (trop) libéral, les politiques qui en découleront ne le seront pas forcément. Elles le seront d’autant moins si une nouvelle majorité au Parlement européen au sortir des élections en 2009, a une
    coloration plutôt à gauche.
    C’est enfin oublier que l’Europe a été fondée sur l’économie. Il suffit de se remémorer les principes du Traité de Rome : un marché commun, une suppression des barrières douanières entre les États membres, une libre circulation des facteurs de production et une concurrence entre les entreprises européennes. Jusqu’en 1992, les tentatives de création d’une Europe politique avaient quant à elles, toutes échoué. De même, il a fallu attendre les évènements de Renault Vilvorde en 1997 pour songer à bâtir sérieusement une Europe sociale. Or, cette même Europe sociale peine d’ailleurs à voir le jour car chacun des pays considère son propre « modèle » comme celui à suivre et au pire, celui à préserver.
    Secundo, il est de bon ton de marteler que l’Europe souffre d’un déficit démocratique. Mais à y regarder de près, de quel déficit s’agit-il ? Dans l’imagerie populaire (et de bon nombre d’hommes politiques nationaux), les directives européennes sont prises par des fonctionnaires européens, les fameux « eurocrates ». Déconnectés des réalités, ils rédigent depuis le fond de leurs bureaux à Bruxelles, des textes davantage conformes à leurs intérêts personnels qu’aux préoccupations des citoyens. Or, cette image est fausse. Les textes européens sont adoptés par un Parlement européen élu… par nous ! Ce sont les députés que nous désignons lors de scrutins tous les cinq ans et qui seront renouvelés l’année prochaine. Ensuite, ils sont adoptés par les ministres, nos ministres nationaux. Quant à la Commission européenne, les commissaires sont nommés par nos gouvernements avec l’aval de nos députés européens.
    Peut-être pourrait-on alors trouver les raisons de ce déficit du côté des lobbies qui hantent les couloirs des institutions européennes ? Certes, il existe une constellation de groupes d’intérêt qui gravitent autour d’elles. Mais là encore, faisons le parallèle avec ce qui se fait dans les États membres. Officiellement, les lobbies n’existent pas, jugés contraires aux idéaux d’égalité démocratique. Seulement, cette vision est clairement plus hypocrite. Les parlements nationaux abritent en leur sein de nombreux lobbyistes qui ont un statut de « collaborateurs » auprès des députés. En somme, la différence est qu’à Bruxelles, ces groupes ont pignon sur rue alors que dans les capitales et dans les régions, tout se fait sous le manteau.
    En réalité, les raisons de la crise sont ailleurs. L’Europe est doublement victime. Elle est victime d’un rejet par la population de ses élites. C’est la rhétorique du « tous pourris ». Dans ce contexte, les hommes politiques européens, sont, comme les hommes politiques nationaux, la cible de la défiance des citoyens vis-à-vis du monde politique.
    L’Europe est aussi victime de son éloignement. Elle est vue comme une forteresse impénétrable à des années lumières du citoyen. La faible médiatisation des problèmes politiques (le thème d’un sommet européen avait été consacré par les médias à… Carla Bruni-Sarkozy) et la présentation des institutions sous l’appellation « Bruxelles » ne permet pas de savoir « qui fait quoi ». Pire encore, elle renforce cette impression de nébuleuse, ce qui creuse parallèlement, davantage le fossé avec le citoyen. Il faut admettre aussi une certaine méconnaissance de la classe politique nationale (…) sans compter la mauvaise foi d’une partie d’entre elles qui joue sur les craintes de la construction européenne, supposée se faire contre la souveraineté nationale ou les acquis sociaux.
    Tant que l’Europe cristallise les peurs et focalise autour d’elle les dissensions, toute solution à la crise serait illusoire. Il est temps de réconcilier les citoyens avec l’Europe. La présidence française qui s’annonce est une formidable opportunité à ce sujet. L’Europe ne peut pas se faire contre les peuples, elle doit se faire avec eux. N’est-il d’ailleurs pas un certain Jean Monnet qui avait affirmé dans une maxime devenue célèbre « Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes » ?

    (*Publication de ce texte paru dans le Journal belge Le Soir sur autorisation de l’auteur, que je remercie sincèrement).


  • Nouvelle crise politique dans l'Union Européenne --- ARRETONS DE CRACHER SUR L'EUROPE ! --- Réaction à chaud après le "non" irlandais au Traité de Lisbonne

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    Depuis mon précédent article début juin, il faut avant tout noter que 3 nouveaux Etats ont ratifié le Traité de Lisbonne :

    - 11/06/2008   Estonie

    - 11/06/2008   Finlande

    - 12/06/2008   Grèce

    Cela porte donc le nombre d'Etats à 18, presque 19 avec la Belgique dont la procédure de ratification se termine. Les autres Etats recourent tous à une ratification parlementaire déjà largement acquise....

    Malheureusement, les Irlandais viennent de signer la mort du Traité de Lisbonne. C'est donc un nouveau traité mort-né, faisant suite au projet de Constitution Européenne. Le Traité n'entrera donc pas en vigueur le 1er janvier 2009 !

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    Résultats :

    A 18h15, les chiffres officiels sont annoncés :

    NON :     53,46 %

    OUI :     46,6 %

    On constate donc une large majorité pour le refus de ce traité. Il n'y a donc pas de discussion possible quant à la réalité de la décision des irlandais. Notons que le taux de participation aurait été très faible malgré une ouverture des bureaux de vote jusqu'à 23h !

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    Quelles conséquences imaginables ?

    - une maginalisation de l'Irlande, puisque l'ensemble des autres Etats acceptaient ce nouveau traité. Or, les citoyens irlandais représentent moins de 1% de la population totale de l'Union ! 

    - échec de la réforme des institutions européennes, alors que cette réforme est primordiale depuis les nombreux élargissements portant l'Union Européenne à un nombre important d'Etats membres (27 Etats)

    - une nouvelle crise politique et une crise de confiance affaiblissant l'organisation  

    - une stagnation de l'Union  

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    Que pensez de ce résultat ?  

    La France n'est certainement pas en mesure de critiquer la position irlandaise. Alors que nous avions pris une part très active dans le projet de Constitution Européenne, porté par le Président de la République française Valéry Giscard d'Estaing (Président de la Convention Européenne), une part de la population française a entraîné son échec. Même situation pour le Pays-Bas...

    Aujourd'hui, le Traité modificatif de Lisbonne largement porté par la France se solde aussi par un échec. Les irlandais reprochent la complexité du texte, la peur d'une modification de la fiscalité nationale, une atteinte à la neutralité militaire traditionnelle, le risque de légalisation de l'avortement... ou le ralentissement économique actuelle ?

    Les partisans irlandais du "non" demandent une renégociation du texte. Certaines déclarations expliquent une satisfaction en indiquant que ce projet n'était qu'un contournement aux nons français et néerlandais. Il y aurait respect de la démocratie... Plusieurs déclarations expliquent cette satisfaction, comme celles en France de François Bayrou, Jean-Marie Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan ou Philippes De Villiers.

    La seule question est : l'Union Européenne peut-elle continuer à fonctionner et à évoluer sans réforme institutionnelle ? On peut largement en douter. Par exemple, en matière pénale où les procédures intergouvernementales sont largement présentes, comment imaginez l'adoption d'un texte à l'unanimité des 27 Etats membres ?... le maintient de la structure en trois piliers ...    

    Le Premier Ministre français François Fillon indiquait le 12 juin 2008, lors d'une intervention télévisuelle, qu'un "non" irlandais mettrait fin à ce traité "sauf à reprendre le dialogue le peuple irlandais".

    Quoiqu'il en soit, ce "non" sème le trouble au sein de l'Union Européenne. Il paraît nécessaire de changer la politique d'informations envers les citoyens européens. Il semble qu'une majorité des 490 millions de citoyens européens ne connaissent pas l'importance et l'intérêt de l'Union Européenne. Il devient impératif d'expliquer le fonctionnement de cette institution qui possède aujourd'hui un impact sur la vie quotidienne de chacun. 

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    Solutions ?

    On a largement indiqué qu'il n'y avait pas de "plan B". On peut imaginer quelques possibilités :

    - poursuites du processus de ratification du traité avec le risque que d'autres Etats disent aussi à leur tour "non". Risque d'un effet "domino" comme pour la Constitution Européenne

    - poursuites du processus avec en parallèle une renégociation du texte avec les irlandais

    - un nouveau référendum organisé en Irlande (comme ce fut le cas pour le Traité de Nice)

    - un arrangement politique entre l'Irlande et les autres Etats membres, à l'image des mécanismes de coopération renforcée ou alors les "opting-out" (une dérogation comme pour Schengen)

    - relancer le travail pour l'écriture d'un nouveau texte

    Arrêtons de cracher sur l'Europe !

    L'Union Européenne apparaît trop souvent et trop facilement comme le bouc-émissaire de tous les maux nationaux des Etats... chômage, inflation, pertes financières, législations inadaptées... L'Euro est de toute façon la seule explication à la hausse des prix ... Arrêtons ces mensonges !

    Il devient nécessaire d'arrêter de critiquer l'Union à chaque difficulté nationale,lorsque cela n'est aucunement justifié. Par exemple, les agriculteurs et les pêcheurs sont bien souvent très critiques à l'égard de l'Union (notons que ce n'était pas le cas de cette profession en Irlande pour ce référendum). Or, la Politique Agricole Commune (PAC) est la politique la plus coûteuse de l'Union ... De même, certains Etats ont largement profité des fonds européens pour développer leurs infrastructures et offrir une véritable modernisation de leur économie : Espagne, Irlande, Pologne, ... Comment ne pas remarquer aujourd'hui les interventions européennes dans les grands projets urbains français ...

    S'il est bien sûr nécessaire d'opposer des critiques à l'encontre de l'Union, comme le coût de fonctionnement de ses institutions notamment éclatées entre Strasbourg et Bruxelles ; l'Union ne peut apparaître comme l'explication de toutes les difficultés nationales.  

    Il est véritablement nécessaire d'expliquer, d'éduquer voire même seulement parler de l'action de l'Union Européenne! Il faut faire en sorte que les citoyens connaissent et comprennent véritablement l'Union. Il faut faire en sorte que lorsque l'on questionne les citoyens sur l'Union, ils arrivent à dissocier les questions nationales des questions européennes. Trop souvent, les citoyens répondent aux questions européennes en fonction de la conjoncture nationale. En France, la question turque avait largement influencée le débat sur la Constitution Européenne, alors que ce traité n'abordait pas la question ! Il faut donc travailler l'esprit européen... soit la réalité de la citoyenneté européenne.

    Suite et fin ?

    Les déclarations se multiplient et vont largement se poursuivre dans les prochains jours.

    Alors que les résultats ne sont toujours pas officiels, le Président de la Commission Européenne José Manuel Barroso explique dès 17h30 qu'il ne faut pas perdre confiance et continuer le processus de ratification.

    Le Président de la République française Nicolas Sarkozy et la Chancelière allemande Angela Merkel avaient décidé de prendre position conjoitement. Voici le communiqué diffusé à 18h28 sur le site de l'Elysée : "Nous prenons acte de la décision démocratique des citoyens irlandais avec tout le respect qui lui est due, même si nous la regrettons.
    Le Premier Ministre irlandais nous a informés aujourd’hui même du résultat du référendum et donnera son analyse des raisons de ce vote lors du Conseil européen des 19-20 juin. Il appartiendra au Conseil européen de tirer les conclusions souhaitables. Le traité de Lisbonne a été signé par les chefs d’Etat ou de Gouvernement des 27 Etats membres et la procédure de ratification est déjà achevée dans 18 pays. Nous espérons donc que les autres Etats membres poursuivront le processus de ratification. Nous sommes convaincus que les réformes contenues dans le traité de Lisbonne sont nécessaires pour rendre l’Europe plus démocratique et plus efficace et qu’elles lui permettront de répondre aux défis auxquels sont confrontés ses citoyens.".  

    Le Secrétaire d'Etat français des Affaires Européennes Jean-Pierre Jouyet se dit "effondré", et indique qu'il faut trouver un arrangement juridique avec l'Irlande.

    Le député européen Jean-Marie Cavada parle d'une "mauvaise nouvelle pour la construction européenne" et appelle à rebondir à toute vitesse.

    Il est évident qu'une solution devra être trouvé pour éviter de plonger l'Union dans une grave et longue crise politique. Cela fait 10 ans que cette réforme tente d'être adoptée ... La France prend la Présidence de l'Union Européenne ce mardi1er juillet 2008 et la tâche sera dure.

    Ce refus ne signe pas une "fin" mais oblige à une "suite" qui s'annonce douloureuse !

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  • A quelques jours du référendum irlandais sur le Traité de Lisbonne : l'Union Européenne retient son souffle

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    Les refus de la France le 29 mai 2005 http://fxrd.blogspirit.com/archive/2005/06/23/non_a_la_constitution_europeenne.html et des Pays-Bas le 1er juin 2005 entraînent l'échec, du moins une large suspension du Traité instituant la Constitution Européenne.

    Il faut pourtant rappeler que 18 États membres avaient déjà adopté la Constitution Européenne, essentiellement par voie parlementaire (Allemagne - Autriche - Belgique - Bulgarie - Chypre - Estonie - Finlande - Grèce - Hongrie - Italie - Lettonie - Lituanie - Malte - Roumanie - Slovaquie - Slovénie) ; et deux États par référendum (Espagne - Luxembourg). Dès lors, les autres États ont suspendu leur procédure de consultation par référendum (Danemark - Irlande - Pologne - Portugal - République Tchèque - Royaume-Uni) ou la ratification par voie parlementaire (Suède).

    Les difficultés de ratification rencontrées par la France et les Pays-Bas ont de toute façon marqué un échec temporaire puisque l'unanimité des États est nécessaire pour l'adoption d'un texte d'une importance réformant la structure de l'Union Européenne. De plus, le Président de la République française avait alors déclarer son opposition à la représentation du texte.

    Pour dépasser ce échec, les chefs d'État ou de gouvernement ont décidé, lors du Conseil européen des 16 et 17 juin 2005, de lancer une « période de réflexion » sur l'avenir de l'Europe. Puis, lors du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007, les dirigeants européens conviennent de la convocation d'une Conférence Intergouvernementale (CIG) chargée de finaliser et d'adopter non plus une Constitution mais un traité modificatif pour l'Union européenne. Adopté lors du Conseil européen informel qui s'est déroulé à Lisbonne les 18 et 19 octobre, le texte final - Traité de Lisbonne - est signé le 13 décembre 2007 par les États membres. Ce traité reprend, en de très nombreux points, les grandes avancées de la Constitution Européenne.

    Texte du Traité de Lisbonne :

    http://eurlex.europa.eu/JOHtml.do?uri=OJ:C:2007:306:SOM:FR:HTML

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    Dernière étape cruciale .... la ratification par l'ensemble des États membres. Alors que le Traité de Lisbonne a été porté par la France, la Hongrie est le premier État à ratifier le traité cinq jours après sa signature par les 27 dirigeants européens, le 17 décembre 2007. Depuis les États se succèdent ... Malte, Roumanie, Bulgarie ..... ainsi que la France qui adopte le Traité le 07 février 2008, promulgué par la loi n° 2008-125 du 13 février 2008 (publiée au Journal Officiel n° 38 du 14/02/2008).

    Voici les États qui ont actuellement ratifié le traité :

    29/05/2008 --- LUXEMBOURG

    23/05/2008 --- ALLEMAGNE

    08/05/2008 --- LITUANIE

    08/05/2008 --- LETTONIE

    24/04/2008 --- DANEMARK

    24/04/2008 --- AUTRICHE

    23/04/2008 --- PORTUGAL

    10/04/2008 --- SLOVAQUIE

    02/04/2008 --- POLOGNE

    21/03/2008 --- BULGARIE

    07/02/2008 --- FRANCE

    04/02/2008 --- ROUMANIE

    29/01/2008 --- SLOVENIE

    29/01/2008 --- MALTE

    18/12/2007 --- HONGRIE

    --/--/---- --- BELGIQUE (Ratification en cours : approbation des chambres

    parlementaires, mais en attente de la sanction royale)

    Cependant, l’Union Européenne retient son souffle. Dans moins d’une dizaine de jours, le Traité de Lisbonne va être présenté aux irlandais par référendum. Alors que le Parlement Irlandais a approuvé le traité le 08 mai 2008, le texte doit désormais être présenté aux citoyens irlandais. Le 12 juin 2008 aura donc lieu la première présentation du traité au vote de citoyens européens. Ce sera donc la PREMIERE présentation du traité à un référendum, mais aussi l’UNIQUE présentation à un référendum. Malgré le fait qu’il reste théoriquement possible que le Parlement national d’un État membre refuse la ratification, cette situation apparaît très théorique. Au contraire, un refus par référendum est tout à fait envisageable.

    Si l’Irlande accepte le texte, il ne restera plus que les ratifications des 10 derniers États (Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Italie, Pays-Bas, République Tchèque, Royaume-Uni, Suède).

    Toutefois, si l’Irlande refuse le Traité de Lisbonne, ce serait un nouvel échec pour l’Union Européenne. La mise en œuvre du Traité nécessitant l’unanimité des États, le refus d’un État bloquerait à nouveau un long processus politique. On peut dès lors imaginer que l’Union Européenne connaîtrait une nouvelle grave crise politique. Dès lors, les jours vont s’égrener jusqu’à la date fatidique …. Et pendant ces jours, l’Union Européenne va retenir son souffle !

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  • Abandon de la Constitution Européenne: vers la rédaction d'un "Traité modificatif"

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     "Le Conseil européen convient que, après deux ans d'incertitude quant au processus de réforme des traités de l'Union, le moment est venu de résoudre cette question et, pour l'Union, d'aller de l'avant. Dans l'intervalle, la période de réflexion a permis de mener un vaste débat public et a contribué à préparer le terrain en vue d'une solution". Le point 8 des Conclusions de la Présidence du Conseil Européen de Bruxelles des 21 et 22 juin 2007 pose immédiatement la volonté de relance de l'Europe.

    Pourtant, peut-on réellement parler de relance? L'important Projet de Traité instituant une Constitution pour l'Europe remis au Conseil Européen réuni à Thessalonique en juin 2003 apparaît comme un projet novateur et formidable pour promouvoir la construction de l'Union Européenne. Le processus de ratification du Traité établissant une Constitution pour l'Europe débute rapidement. Il faut que l'ensemble des Etats membres ratifient ce texte, soit 27 Etats actuellement.... 18 Etats membres ratifient le texte.... deux Etats rejettent le texte: la France et les Pays-Bas. Etonnement: la France porteuse du projet, dont la paternité est reconnue au Président de la République Française Valéry Giscard d'Estaing, vote non avec 55% des voix le 29 mai 2005. Certains Etats stoppent leur processus de ratification (Royaume-Uni), d'autres Etats poursuivent et obtiennent un oui (Luxembourg).

    Ce sont donc 18 Etats membres ..... mais la crise persiste. L'élection pésidentielle de M. Nicolas Sarkozy ne permettra pas de nouveau référendum pour la France ce qui signe l'abandon de ce projet. Le nouveau président a parlé d'un traité simplifié avec les évolutions institutionnelles (étendue de la majorité qualifiée notamment en matière pénale - judiciaire et d'immigration, l'extension du domaine de la codécision et donc de l'intervention du Parlement Européen ...), adopté par voix parlementaire. L'idée d'un traité simplifié creuse donc sa place. Si la Chancellière allemande Angela Merkel soutient le projet, la Pologne s'y oppose fortement, et l'on comprend que les Etats ayant déjà ratifiés la Constitution Européenne s'interrogent sur l'existence de ce projet!

    Pourtant, après des tractations qui s'annonçaient très difficiles.... le Conseil Européen des 21 et 22 juin 2007 aboutit à un consensus pour la rédaction d'un nouveau traité dénommé "traité modificatif" devant modifier les traités actuels en visant certaines dispositions. L'objectif est de "renforcer l'efficacité et la légitimité démocratique de l'Union élargie et d'améliorer la cohérence de son action extérieure" (point 1 du projet de mandat pour la CIG, annexe 1 des Conclusions de la Présidence). Le Conseil Européen convoque donc une Conférence Intergouvernementale (CIG) qui mènera ses travaux pour rédiger ce texte selon le mandat qui lui a été posé.

    Voici le mandat établi pour la rédaction de ce traité modificatif :

    Dispositions générales:

    - Le Traité sur l'Union Européenne (TUE) conserve ce titre, le Traité instituant la Communauté Européenne (TCE) s'intitulera Traité sur le fonctionnement de l'Union. L'Union se trouve dotée de la personnalité juridique unique. Le terme "Union" remplace le terme "Communauté".

    - Les traités n'ont pas de caractère constitutionnel. Le terme "Constitution" ne doit pas être utilisé. Les termes "loi" et "loi-cadre" sont abandonnés au profit du maintien des instruments actuels "règlements", "directives" et "décisions". Les Traités modifiés ne contiendront aucun article faisant mention des symboles de l'Union: drapeau, hymne, devise.

    Modifications du Traité UE:

    - Il est conféré une valeur juridiquement contraignante à la Charte des Droits Fondamentaux.

    - Le rôle des parlements nationaux doit être renforcé notamment par l'institution d'un mécanisme de contrôle renforcé de la subsidiarité. Avec ce mécanisme: "si un projet d'acte législatif est contesté à la majorité simple des voix attribuées aux parlements nationaux, la Commission le réexaminera et pourra ensuite décider de le maintenir, de le modifier ou de le retirer" (point 11 des Conclusions de la Présidence).

    - Les changements institutionnels: les changements institutionnels agréés lors de la CIG de 2004 seront intégrés en partie dans le traité UE et en partie dans le traité sur le fonctionnement de l'Union. Le nouveau titre III donnera une vue d'ensemble du système institutionnel et reprendra les modifications apportées au système actuel, soit aux articles portant sur les institutions de l'Union:

    - le Parlement européen (nouvelle composition),

    - le Conseil européen (transformation en une institution et création de la fonction de président),

    - le Conseil (introduction du système de vote à la double majorité et changements apportés au système de présidence semestrielle du Conseil, avec la possibilité de le modifier), Le système du vote à la double majorité prendra effet le 1er novembre 2014, l'actuel système de vote à la majorité qualifiée continuant à s'appliquer jusqu'alors, avec un blocage possible par une minorité de blocage (membres du Conseil représentant au mojns 75% de la population ou au moins 75% du nombre des Etats membres).

    - la Commission européenne (nouvelle composition et renforcement du rôle de son président),

    - le ministre des affaires étrangères de l'Union (création de la nouvelle fonction, dont la dénomination devient haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité)

    - la Cour de justice de l'Union européenne5.

    - Le mécanisme de coopération renforcée sera modifié comme convenu lors de la CIG de 2004. Le nombre pour lancer une telle coopération sera de 9 Etats membres.

    Modifications du Traité CE:

    - Selon le point 18 des Conclusions de la Présidence: "Les innovations telles qu'agréées lors de la CIG de 2004 seront insérées dans le traité de la manière habituelle, sous la forme de modifications ponctuelles. Elles concernent les catégories et les domaines de compétence, le champ d'application du vote à la majorité qualifiée et de la codécision, la distinction entre les actes législatifs et non législatifs, les dispositions relatives entre autres à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, la clause de solidarité, l'amélioration de la gouvernance de l'euro, les dispositions horizontales telles que la clause sociale, les dispositions particulières telles que les services publics, l'espace, l'énergie, la protection civile, l'aide humanitaire, la santé publique, le sport, le tourisme, les régions ultrapériphériques, la coopération administrative, et les dispositions financières (ressources propres, cadre financier pluriannuel, ouvelle procédure budgétaire)". Cependant, plusieurs modifications seront apportées par rapport aux résultats de la CIG 2004, faisant l'objet d'une énumération dans le mandat aux points 19 a) à x).

    ----------------------------------------------

    Le concept de "Constitution Européenne" est abandonné, et toute référence à une telle idée est supprimée des Traités. D'ailleurs, l'exclusion de référence aux symboles de l'Union paraît exagérée, d'autant que l'on peut rappeler que plusieurs dispositions des traités organisent une "citoyenneté européenne".

    Alors que l'objectif était la simplification, Jean-Claude Junker (Premier Ministre Luxembourgeois) a qualifié ce mandat d'un projet de "traité simplifié compliqué".

    Si l'on peut être déçu des avancées proposées pour les futures modifications envisagées des Traités, en-deça des propositions faites dans la Constitution Européenne; il faut tout de même se réjouir de plusieurs points: la subsitance du traité établissant une Constitution Européenne semble conservée dans ce projet de réforme. Parmi ces nouvelles dispositions, il faut citer particulièrement l'attribution de la personnalité juridique à l'Union Européenne et une valeur juridique contraignante à la Charte des Droits Fondamentaux.

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  • OUI au Luxembourg....

               Le Luxembourg a dit OUI à la Constitution Européenne avec 56,52% de voix contre 43,48%, soit une forte majorité!

    Le Luxembourg est donc le 13ème pays à ratifier la Constitution Européenne lors d'un référendum.  Le Premier Ministre, Jean-Claude JUNCKER, avait indiqué qu'il démissionnerait en cas de vote négatif. Il reste en place et renforce sa place de leader. Seul le sud du pays a voté contre.

    Ce vote en faveur de l'Union Européenne permet de casser la situation pessimiste qui s'était installée ces dernières semaines. Il relance le processus en faveur de ce traité.

    Reste maintenant à observer les prochaines ratifications... Si un très grand nombre de pays votaient OUI, cela laisse imaginer une nouvelle consultation des quelques pays l'ayant refusée...

  • Non à la Constitution Européenne?

    L'Union Européenne est une création unique qui a connu une évolution spectaculaire: renforcement des compétences et élargissement. Pour renforcer cette existence exceptionnelle, le Conseil européen réuni à Laeken les 14 et 15 décembre 2001, a convoqué la Convention européenne sur l'avenir de l'Europe.
    Divisée en de multiples groupes de travail, notamment le groupe Intégration de la Charte - Personnalité juridique - Simplification - Liberté, sécurité et justice; des propositions ont été faites à la suite de nombreux débats.
    Un projet de traité instituant une Constitution pour l'Europe a alors été remis au Conseil européen réuni à Thessalonique en juin 2003. L'acteur principal de ce travail, à qui l'on reconnait la paternité de ce traité, est M. L'ancien président de la République Française Valéry Giscard d'Estaing, Président de la Convention.
    Il n'en est pas à sa première proposition très novatrice, puisque dans la seconde moitié des années 70, il avait proposé la création d'un espace judiciaire pénal européen. Il avait alors une trentaine d'années d'avance. Le projet n'aboutissa pas. Il faudra attendre le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 pour que cette idée soit réellement exploitée: c'est la volonté de réaliser un espace de liberté, de sécurité et de justice.
    Malheureusement, il semble que M. Valéry Giscard d'Estaing est de nouveau en avance sur la présentation de la Constitution Européenne: le 29 mai 2005, les français ont dis NON à cette Constitution.

    Plusieurs Etats membres ont dis oui à la Constitution essentiellement par la voix parlementaire (Allemagne et Italie par exemple). L'Espagne ouvre les consultations par réferendum, où le oui est très majoritaire. Cet élan pour la Constitution est stoppé par le non français avec près de 55% d'opinions contre. Le Pays-Bas suit ce même chemin. Ces deux refus entraînent un réel blocage au niveau de l'Union Européenne. Aujourd'hui, il a été décidé de renvoyer les consultations à l'année prochaine pour éviter une influence du non français.
    Le non français a choqué. La France est l'instigateur du projet mais aussi son destructeur.
    Pourquoi les français ont voté non?

    Deux réactions de citoyens espagnols m'ont interpellées. Une première femme racontait que les français étaient plus intelligents pour les problèmes politiques et que le non devait se justifier. Une seconde femme, elle, dénonçait l'égoïsme des français.
    Parmis ces deux réactions, je pense que la seconde est celle à retenir. Les français ont été égoïstes. Ils ont voté sur des questions de politique nationale, non une politique européenne.
    A qui la faute? Les politiciens?

    Pour illustrer le fait que le débat n'a pas été orienté sur une politique de l'avenir européen, il suffit de se souvenir de l'intervention de M. Le Président Jacques CHIRAC soumis aux questions de différents jeunes. Hormis les tentatives d'élever le débat sur les questions européennes que constituaient ce projet de Constitution Européenne en début d'émission, par la présentation faite par le Président; le reste de l'émission n'a été consacrée qu'à des questions de politique intérieure.

    Les différents groupes politiques en faveur du oui n'ont pas réussi à se retrouver autour d'une idée fédératrice dans ce projet. Pourtant, les possibilités ne manquaient pas. L'intérêt au niveau des droits de l'homme, avec l'introduction d'une Constitution fondée sur une Charte de Droits fondamentaux était une première possiblité.
    Pourtant, la coopération pénale en matière judiciaire et policière se trouvait, selon moi, l'avancée primordiale a expliqué aux citoyens européens. Les citoyens ont pour intérêt principal leur sécurité quotidienne. Il n'est pas nouveau de dire que l'opinion publique réclame une sécurité optimale. Or, nombreux se plaignaient de ne pas pouvoir avoir d'exemple concret sur la vie quotidienne avec ce projet. La Constitution permettait le développement significatif de l'espace de liberté, de sécurité et de justice (cadre juridique commun, consécration du principe de reconnaissance mutuelle, rapprochement dans plusieurs domaines du droit pénal...). Hors, aucun politicien n'a suscité un enthousiasme sur cet espace favorisant la lutte contre la criminalité.

    De plus, il me semble que les citoyens ont largement été manipulés par l'utilisation des termes et notions de la constitution. Chacun a déterminé l'interprétation qu'il entendait donner selon ses intérêts.
    Je ne m'intéresserai qu'à trois points:
    - certains ont mélangé le débat ouvert sur l'élargissement à la Turquie et la Constitution. Or, la Constitution n'intervient en aucune manière sur ce point. La Turquie a posé sa candidature. Celle-ci est examiné dans les conditions identiques aux précédents élargissements.
    - face aux problèmes suscités sur les risques en matière d'emploi. La peur a été développé autour des délocalisations vers les pays de l'Est et de l'arrivée de main d'oeuvre venant de ces pays vers la France. Or, cette possibilité sera favorisé par l'ouverture des frontières. Les pays de l'Est avec notamment la Pologne étant désormais des Etats membres de la Communauté Européenne et de l'Union Européenne, les acquis de l'espace Schengen leur seront progressivement appliqués. L'ouverture des frontières sera donc progressive. Le non à la Constitution n'a aucune influence en la matière.
    - enfin, la grande cause pour voter non était la volonté d'une Europe plus sociale. Outre, le fait de rester sur les traités antérieurs, on remarque dès maintenant les problèmes que le non a déclenché. Les pays libéraux se sentent plus fort. Le Royaume-Uni joue désormais de sa situation, ce qui explique le blocage des prévisions budgetaires actuellement.

    Le vote doit être personnel et libre. La démocratie se fonde sur l'importance donnée à l'opinion de chacun. Il est nécessaire de suivre le vote exprimé par le peuple. Cependant, il faudrait que les réalités de ce projet puissent être réellement développées de façon objective. Il est dommageable qu'une majorité des citoyens est votée sur des peurs contestables ou pour sanctionner le gouvernement, sur une question aussi importante pour notre futur.
    Je reste d'ailleurs très étonné que le monde agricole est voté en masse contre le projet européen. Il faut savoir que 50% du budget européen est dépensé en faveur de la Politique Agricole Commune (PAC), représentant environ 45 milliards d'Euros de dépenses pour ce seul domaine. En comparaison, seuls 30 millions d'euros sont dépensés pour le domaine de la justice en 4 ou 5 ans, soit 0,001% du budget consacré à la PAC!!!! Quelques agriculteurs ont tout de même expliqué qu'ils ne pourraient plus travailler sans l'aide de la Communauté Européenne.

    La seule possibilité pour se faire une opinion juste et fondé est de lire ce texte. Bien sûr, il souffre d'une complexité évidente puisqu'il propose une avancée sur un sujet déjà extrêment complexe. Dans le cas contraire, vous devrez faire confiance en la personne qui vous expose sa synthèse.