Le détournement de mineurs ou la subsistance d'une incrimination abrogée ---- Quid de la majorité sexuelle en France
Voici l'ancien article 354 du Code Pénal: "Quiconque aura, par fraude ou violence, enlevé ou fait enlever des mineurs, ou les aura entraînés, détournés ou déplacés, ou les aura fait entraîner, détourner ou déplacer des lieux où ils étaient mis par ceux à l'autorité ou à la direction desquels ils étaient soumis ou confiés, subira la peine de la réclusion criminelle à temps de cinq à dix ans". L'ancien article 355 alourdit la peine à la réclusion à perpétuité si le mineur est âgé de moins de 15 ans. L'ancien article 356 précise que "celui qui, sans fraude ni violence, aura enlevé ou détourné, ou tenté d'enlever ou de détourner, un mineur de dix-huit ans, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de "500 F" à 15 000 F. Lorsqu'une mineure ainsi enlevée ou détournée aura épousé son ravisseur, celui-ci ne pourra être poursuivi que sur la plainte des personnes qui ont qualité pour demander l'annulation du mariage et ne pourra être condamné qu'après que cette annulation aura été prononcé".
Je voudrais aborder cette ancienne incrimination sur le plan du détournement de mineurs, dans l'hypothèse bien connu du mineur qui "fréquente" ou "flirte" avec un individu un peu plus âgé. Le cas pratique type est le mineur de 15-16 ans qui flirte avec un jeune homme ou une jeune fille de 20-25 ans. Pendant les vacances, il diffuse des rediffusions d'émission. J'ai regardé une émission "En immersion totale au commissariat de Roubaix" diffusée par France 2. Une femme venait se plaindre que sa fille de 16-17 ans fréquente un garçon majeur de plus de 20 ans. Celui-ci est déjà papa. La mère de la jeune fille a peur que sa fille se retrouve enceinte.... Elle a menacé le garçon avec un couteau.... et veut porter plainte contre le garçon pour détournement de mineur. La police tente de régler l'affaire calmement. Elle inscrit une main-courante de cette affaire en rassurant la maman. Un officier indique au jeune homme de ne plus voir la fille, qu'il peut être poursuivi pour détournement de mineurs... J'ai été surpris de ce passage: d'une part, il n'y a pas détournement de mineurs, l'infraction a été abrogée il y a déjà plus de 10 ans; d'autre part, on enregistre une main-courante contre le garçon victime de menaces faites avec un couteau... Je comprends la situation de la maman, mais légalement la situation devrait apparaître un peu différemment. Ma deuxième surprise est venue d'une discussion avec un officier de police de ma ville. Amené à me rendre au commissariat, j'ai abordé cette question avec un officier qui lui-même était convaincu de l'existence de cette incrimination, et que son attitude aurait été similaire dans le même cas. Je lui indique que je vérifierai tout de même, bien que persuadé de la possibilité pour un mineur de plus de 15 ans d'avoir une relation avec un individu âgé de plus de 15 ans. Je lui fais part de cette indication le lendemain. Celui-ci est surpris, d'autant que des collègues étaient soit de son avis, soit indécis.
Loin de vouloir critiquer la méconnaissance des services de police (d'une part, les services de police n'ont pas à connaître de la qualification juridique des faits portés à leur connaissance; d'autre part, les réformes pénales étant tellement nombreuses...), cette anectode veut montrer la persistance de cette incrimination très largement connue à son époque. Pourtant, il faut de nouveau le souligner, cette incrimination a été abrogée depuis le 1er mars 1994. Or, il apparaît courant d'entendre les personnes en parler comme si cette incrimination existait toujours. Donc, un mineur âgé de plus de 15 ans est libre d'entretenir une relation sexuelle consentie avec un mineur de plus de 15 ans ou un majeur (sans condition d'âge). Je ne donne aucune appréciation personnelle en la matière car il est souvent choquant de dire ou de voir une jeune fille de 16 ans avec un homme de 40 ans, ou des situations similaires avec un écart d'âge important. Je m'intéresse à la situation légale. En France, la majorité sexuelle est fixé à 15 ans. Celle-ci ressort implicitement des textes relatifs aux agressions sexuelles (voir: http://fxrd.blogspirit.com/archive/2005/12/16/les-agressions-sexuelles-autres-que-le-viol.html). Les agressions sexuelles sont punis de 7 ans d'emprisonnement si elles sont commis sur un mineur de 15 ans (art. 222-29 nouveau code pénal) même sans violence, contrainte ou surprise (art. 227-25 nouveau code pénal). Si le mineur a plus de 15 ans, l'infraction n'est plus constitué sauf exceptions prévues en la matière: si l'individu est un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou toute autre personne ayant autorité sur le mineur; si la personne abuse de l'autorité que lui confère ses fonctions; ou si le mineur souffre d'une particulière vulnérabilité (art. 227-27 et 222-29 nouveau code pénal), cas par exemple d'une agression faite par un parent, un beau-parent ou un professeur. Il peut pourtant apparaître étonnant de considérer qu'à l'âge de 15 ans révolu, un mineur peut légalement avoir une relation sexuelle consentie. Quelques jours avant, non.... La maturité sexuelle ne naît pas en 1 jour. Il semble que les tribunaux aient pris en compte cette situation avant même l'abrogation du texte de détournement. Un arrêt de la Cour d'Appel de Bourges a retenu un consentement sexuel valable à un mineur de 13 ans (18/06/1987).
Donc, malgré une persistance commune sur cette incrimination, le détournement de mineurs n'existe plus. Légalement, un mineur de 15 ans révolu peut entretenir une relation sexuelle avec un majeur (hors exception) sans risque de poursuites pénales pour le majeur.
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