Je ne vais pas perdre un temps inutile à définir un blog ici…. Notons cependant que ce phénomène est très récent mais se caractérise par une explosion fulgurante : on compte déjà plus de 3 millions de Français ayant un blog (ou plusieurs blogs), et 80 000 se créent chaque jour.
Cet engouement s’explique par la simplicité de création et par la forme la plus accomplie de la liberté d’expression pour chacun. Les blogs se multiplient et touchent à tous les domaines : véritable journal intime, photos personnelles, opinions personnelles sur le cinéma – la musique – la politique, ou des blogs ayant un caractère plus professionnel. Même le monde politique joue de ce nouveau moyen d’expression….
Cependant, ce nouveau mode d’expression peut être une source de problèmes, qui vont certainement devenir plus pressants dans les mois qui vont suivre. A côté de nombreux blogs « ludiques », on peut découvrir des blogs négationnistes, racistes, homophobes….
Quand est-il des droits et obligations juridiques autour du blog ?
Cette double caractéristique du blog, touchant à la sphère privée de l’individu mais dont la diffusion peut être destinée à un large public, pose des difficultés de qualification. Doit-on faire prévaloir le caractère personnel et privé du blog, et tendre vers le régime juridique de la correspondance privée ? Ou doit-on s’attacher au caractère de diffusion destinée à un large public et tendre alors vers les législations encadrant la liberté de communication ? A cette question s’ajoute en plus les diverses nuances d’utilisation des blogs, puisque l’on trouve des blogs entièrement et directement accessible à tout public ; et d’autres blogs qui nécessitent un mot de passe…
En l’état de la législation et de la jurisprudence, il semble que l’on doit appliquer la législation ayant trait à la liberté de communication (loi du 30 septembre 1986) ainsi qu’à l’économie numérique (Loi de confiance de l’économie numérique du 21 juin 2004) ; en privilégiant le caractère de large diffusion au public (concernant les blogs ayant un mot de passe, il connaisse une diffusion au public, la jurisprudence n’ayant pas fait de distinction concernant les sites web et les sites ayant un accès limités à des abonnés). On doit donc considéré le blogeur comme un directeur de publication. Il doit donc exercer sa communication de façon libre, celle-ci étant « limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle » (Art. 1er de la Loi de Confiance de l’économie numérique du 21 juin 2004). Le blogeur est donc responsable pénalement de ses publications, pouvant être poursuivi pour injure – diffamation – provocation au suicide – provocation aux crimes et aux délits – atteinte à la présomption d’innocence……
Plusieurs problèmes peuvent encore être soulevés vis-à-vis de ces obligations, dont l’actualité renforce les exemples :
Le blogeur doit respecter la propriété intellectuelle sous peine d’être poursuivi pour contrefaçon, ce qui implique les problèmes de diffusion illégale de musique ou film. On peut rapprocher ceci des difficultés actuelles connues dans l’hémicycle pour légiférer sur les droits d’auteur et le peer-to-peer.
Le blogeur a une obligation de loyauté et une obligation de discrétion vis-à-vis de son employeur. Des injures ou des exposés en contradiction avec ces obligations peuvent justifier un licenciement. Que dire, en revanche, de l’affaire du proviseur licencié car il exprimait ses opinions et son homosexualité via son blog ? A t-il réellement violé une de ces obligations ?
Il est important de rappeler que le blogeur est aussi responsable des messages diffusés sur son blog. Il est nécessaire de supprimer immédiatement tout message violant ces obligations (injures, provocations) ; au même titre que les sites ayant des modérateurs.
Le dernier problème touche à la vie privée et de son respect (art. 9 du Code Civil). Le blog entraîne souvent la publication de photos ou de détails concernant la vie privée de sa famille, de ses proches, ou de son entourage (professeurs, voisins….). Le directeur du blog peut être poursuivi pour violation du respect de la vie privée sur le plan civil. Au plan pénal, certaines poursuites pourraient être engagées selon les divulgations en cause. Par exemple, un étudiant divulguant l’adresse, les coordonnées téléphoniques de ses professeurs pourraient être poursuivis sur le fondement de l’article 226-1 du Code Pénal (1 an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende) ou la diffusion d’image ou paroles sans consentement selon l’article 226-8 du Code Pénal (1 an et 15 000 euros d’amende).
Il est donc nécessaire d’user de cette liberté d’expression dans le respect ces obligations. Bien sûr, le fournisseur a l’obligation de retirer tout blog violant ces obligations sous peine d’être poursuivi à son tour (le fournisseur est exonéré de sa responsabilité si il n’a pas eu connaissance de la présence de l’information illicite ; ou si il retire les données dès qu’il en a eu connaissance….. a contrario, attention au risque de le voir être poursuivi pour retrait injustifié !).
Le problème semble bien sûr le nombre des blogs…. Comment surveiller l’ensemble des blogs ??? De plus, la justice est-elle adaptée pour absorber le contentieux qui pourraient naître des infractions via ce mode d’expression ??? De nombreuses questions se posent alors… d’autant que la technologie numérique est impalpable. Des difficultés, comme par exemple le cas des cybercafés, de la localisation des blogs (à l’étranger), de l’âge de l’auteur…., vont surgir et alimenter lourdement le processus.
Je voudrai conclure en exposant juste deux observations.
Tout d’abord, les blogs posent des difficultés nouvelles sur lesquelles les politiques et les juristes s’interrogent. La réponse apparaît difficile à exposer comme tout ce qui touche les réformes dues aux évolutions technologiques : il n’y a qu’à se référer aux débats sur le téléchargement qui font rage actuellement. Je pense que les mêmes questions peuvent se poser avec le nouveau type d’émission diffusée sur certaines chaînes. Je pense notamment à l’émission « Ma DV et moi » diffusée sur NRJ 12, où un jeune filme sa vie quotidienne pendant quelques jours. Après montage, plusieurs séquences sont alors diffusées à la télévision. Sur certains extraits que j’ai pu voir, je vais prendre deux exemples. Une de ces séquences montrait un jeune parlant de sa famille, celle-ci n’apparaissant pas car elle avait refusée : la vie privée est alors respectée. Quand est-il par contre d’un second extrait où un des jeunes filme discrètement une partie du cours d’un de ces professeurs ??? Je pense que ce type d’émission pourrait à l’avenir poser des problèmes tout aussi précis. Enfin, je terminerai en rappelant le caractère dangereux du blog, notamment ceux établis par de jeunes enfants ou adolescents qui dévoilent une grande partie de leur vie : photos, descriptions de leur personnalité, de leur loisirs, de leur quartier….. ces jeunes deviennent des proies très fragiles pour divers criminels : on peut penser à la pédophilie ou abus sexuels, mais aussi aux cambriolages (photos d’intérieur)…. Il est donc nécessaire d’être vigilent pour sa propre sécurité !!!
(Voir notamment KESSLER Guillaume, Aspects juridiques du blog, Dalloz 2006 p: 446)