Le 1er Octobre 1996, sept magistrats lançaient un appel.
Bien que cet appel soit le résultat d'une préparation médiatique très soignée, notamment par l'intervention d'un journaliste et d'un éditorialiste, il n'en reste pas moins que les déclarations opérées sont d'une importance capitale. Les auteurs de cet appel dénoncent la criminalité organisée et réclament la mise en place d'un véritable espace judiciaire pénal européen.
Cet appel a eu un impact médiatique sans précédent en la matière, notamment auprès de l'opinion publique. Cependant, malgré un intéressement des autorités politiques nationales et européennes, l'appel n'a pas eu l'écho qu'il méritait. Peu de mesures concrêtes ont été prises. Il subsiste toujours des difficultés dans la coopération judiciaire et policière, malgré les évolutions importantes comme la création du mandat d'arrêt européen.
On est loin d'une coopération efficace permettant de lutter efficacement contre la criminalité. Il me semble donc essentiel de reformuler de telles demandes, qui ne permettront pas de supprimer la criminalité mais augmentront l'efficacité de la lutte et limiteront cette dangereuse criminalité.
C'est pour cette raison que je souhaitais publier cet appel auquel j'apporte ma signature de simple citoyen...
Voici le texte:
Conseil de l'Europe, traité de Rome, accords de Schengen, traité de Maastricht : à l'ombre de cette Europe en construction visible, officielle et respectable, se cache une autre Europe, plus discrète, moins avouable. C'est l'Europe des paradis fiscaux qui prospère sans vergogne grâce aux capitaux auxquels elle prête un refuge complaisant. C'est aussi I'Europe des places financières et des établissements bancaires, o'u le secret est trop souvent un alibi et un paravent. Cette Europe des comptes à numéro et des lessiveuses à billets est utilisée pour recycler l'argent de la drogue, du terrorisme, des sectes, de la corruption et des activités mafieuses.
Les circuits occultes empruntés par les organisations délinquantes, voire dans de nombreux cas criminelles, se développent en même temps qu'explosent les échanges financiers internationaux et que les entreprises multiplient leurs activités, ou transfèrent leurs sièges au-delà des frontières nationales. Certaines personnalités et certains partis politiques ont eux-mêmes, à diverses occasions, profité de ces circuits. Par ailleurs, les autorités politiques, tous pays confondus, se révèlent aujourd'hui incapables de s' attaquer, clairement et efficacement, à cette Europe de l'ombre.
À l'heure des réseaux infornatiques d'Internet, du modem et du fax, l'argent d'origine frauduleuse peut circuler à grande vitesse d'un compte à l'autre, d'un paradis fiscal à l'autre, sous couvert de sociétés off shore, anonymes, contrôlées par de respectables fiduclaires généreusement appointées. Cet argent est ensuite placé ou investi hors de tout contrôle. L'impunité est aujourd'hui quasi assurée aux fraudeurs. Des années seront en effet nécessaires à la justice de chacun des pays européens pour retrouver la trace de cet argent, quand cela ne s'avérera pas impossible dans le cadre légal actuel hérité d'une époque oú les frontières avaient encore un sens pour les personnes, les biens et les capitaux.
Pour avoir une chance de lutter contre une criminalité qui profite largement des réglementations en vigueur dans les différents pays européens, il est urgent d'abolir les protectionnismes dépassés en matière policière et judiclaire. Il devient nécessaire d'instaurer un véritable espace judiclaire européen au sein duquel les magistrats pourront, sans entraves autres que celles de l'État de droit, rechercher et échanger les informations utiles aux enquêtes en cours.
Nous demandons la mise en application effective des accords de Schengen prévoyant la transmission directe de commissions rogatoires internationales et du résultat des investigations entre juges, sans interférences du pouvoir exécutif et sans recours à la voie diplomatique.
Nous souhaitons, au nom de l'égalité de tous les citoyens devant la loi, la signature de conventions internationales entre pays européens :
- garantissant la levée du secret bancaire lors de demandes d'entraide internationale en matière pénale émanant des autorités judiciaires des différents pays signataires, là où ce secret pourrait encore être invoqué;
- perrnettant à tout juge européen de s'adresser directement à tout autre juge européen;
- prévoyant la transmission immédiate et directe du résultat des investigations demandées par commissions rogatoires intemationales, nonobstant tout recours interne au sein de l'État requis;
- incluant le renforcement de l'assistance mutuelle administrative en matière fiscale. À ce propos, dans les pays qui ne le connaissent pas, nous proposons La création d'une nouvelle incrimination d'« escroquerie fiscale » pour les cas oú la fraude porte sur un montant significatif et a été commise par l'emploi de manoeuvres frauduleuses tendant à dissimuler la réalité.
À cette fin, nous appelons les parlements et gouvernements nationaux concernés :
- à ratifier la Convention de Strasbourg du 8 novembre 1990 * relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime;
- à réviser la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, signée à Strasbourg le 20 avril 1959;
- à prendre les mesures utiles à la mise en oeuvre effective des dispositions du titre VI du traité de l'Union européenne du 7 février 1992 et de l'article 209 A du même traité;
- à conclure une convention prévoyant la possibilité de poursuivre pénalement les nationaux coupables d'actes de corruption à l'égard d'autorités étrangères.
Par cet appel, nous désirons contribuer à construire, dans l'intérêt même de notre communauté, une Europe plus juste et plus sûre, oú la fraude et le crime ne bénéficient plus d'une large impunité et d'où la corruption sera réellement éradiquée.
Il en va de l'avenir de la démocratie en Europe et la véritable garantie des droits du citoyen est à ce prix.
Bernard Bertossa,
Edmondo Bruti Liberati, Gherardo Colombo,
Benoit Dejemeppe,
Baltasar Garzon Real,
Carlos Jimenez Villarejo,
Renaud Van Ruymbeke.
* (Convention signée par les États membres du Conseil de I'Europe mais non contre-signée par les parlements des pays concemés, elle n'est donc pas appliquée).
Vous pouvez co-signer symboliquement cet appel............................................................................
Si vous souhaitez plus d'informations, demandez-moi: je pourrais répondre à vos questions ou vous indiquez des études ou des ouvrages en la matière.