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PROCEDURE PENALE --- Exemple de partiel

En mars 2009, les services sociaux du quartier Bellerive signalent au procureur de la République des suspicions d'agressions sexuelles sur la jeune Lou âgée de 8 ans. Dans le même temps, une plainte des parents de l'enfant est déposée auprès des services de police, dans laquelle le nom de M.Legrin, oncle de la fillette est mentionné. Sur la base de ces différents éléments, une enquête est diligentée à la demande du procureur.

Dans le cadre des investigations menées, un officier de police judiciaire et deux agents se rendent le 27 avril à 10 heures au domicile de M.Legrin où, en sa présence, ils effectuent une perquisition à laquelle M.Legrin est opposé. Après plusieurs mois d'enquête le dossier est finalement classé sans suite, les investigations menées et les auditions effectuées n'ayant permis de réunir aucun élément contre M.Legrin.

Le 25 août 2009, les parents de la jeune Lou décident de se constituer partie civile en saisissant le juge d'instruction. Là encore, M.Legrin est expressément visé dans la plainte.

  • 1. Dans quel cadre d'enquête les investigations policières ont-elles été diligentées?
  • 2. Au regard des éléments visés dans l'énoncé, la mesure de perquisition est-elle régulière?
  • 3. Les parents de la jeune Lou pouvaient-ils contester la décision de classement selon une voie?
  • 4. La constitution de partie civile sera-t-elle déclarée recevable et quels seront ses effets?
  • 5. Pendant l'instruction, quel sera le statut de M.Legrin? Quelles en seront les conséquences?

 

 

Article 222-27 du Code Pénal :

Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.

Article 222-28 du Code Pénal :

L'infraction définie à l'article 222-27 est punie de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende :

1°Lorsqu'elle a entraîné une blessure ou une lésion ;

2° Lorsqu'elle est commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime ;

3° Lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

4° Lorsqu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

5° Lorsqu'elle est commise avec usage ou menace d'une arme ;

6° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications ;

7° Lorsqu'elle est commise par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;

8° Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants.

 

CORRECTION

Deux points sont alloués à la présentation, à l'écriture, à l'orthographe, à la syntaxe et au vocabulaire juridique.

Cette correction reprend les éléments dans le détail. Tous ces éléments ne sont pas attendus par les étudiants avec autant de précision, bien que les idées principales doivent évidemment se retrouver. Rappelons aussi que les étudiants sont limités à une copie double, les obligeant à un esprit de synthèse.

D'autres éléments peuvent aussi donner lieu à notation, sans être inscrit dans cette correction. Ceci n'est donc qu'une base de correction devant permettre une notation des plus objectives.

•1)      Dans quel cadre d'enquête les investigations policières ont-elles été diligentées ? 
(3 points)

Cette question vise à savoir si les investigations se déroulent en enquête de flagrance ou en enquête préliminaire.

Alors que l'enquête de flagrance se définit à travers des critères temporels (se commet, vient de se commettre, temps voisin, clameur publique) ou d'apparence (traces et indices)  laissant penser que l'infraction s'est réalisée peu de temps avant que les services de police soient prévenus (Art. 53 CPP) ; l'enquête préliminaire est ouverte en-dehors des conditions de la flagrance pour permettre la réunion de renseignements relatifs à des évènements susceptibles de constituer une infraction (1 point).
En l'espèce, il est indiqué que les services sociaux signalent des suspicions d'agressions sexuelles, donc pas de faits flagrants constatés (« suspicions »). De même, la plainte des parents intervient dans « le même temps », sans attache avec des faits précis (1 point).
Particularité de l'enquête préliminaire (Art. 75 CPP), elle peut être ouverte d'office par les OPJ ou sur les instructions du Procureur de la République. En l'espèce, il est indiqué que l'enquête est diligentée à la demande du Procureur de la République, ce qui conforte que le cadre juridique est l'enquête préliminaire (1 point)

 

•2)      Au regard des éléments visés dans l'énoncé, la mesure de perquisition est-elle régulière ? (1 point)

La perquisition est l'acte qui permet la recherche, dans un lieu clos, d'éléments de preuve devant permettre « la manifestation de la vérité ». Pour être régulière, une perquisition doit répondre à des conditions précises qui peuvent varier selon le cadre d'enquête. 

Selon l'article 59 CPP, les perquisitions doivent débuter entre 6h et 21h. Ici, les fonctionnaires de police effectuent la perquisition à partir de 10h00, donc  pas de difficulté à constater (0.25 point).
Selon l'article 57 CPP, la perquisition doit se dérouler en présence de la personne chez qui elle se réalise (ou en présence de témoins), or, M. Legrin est présent (0.25 point).
En enquête préliminaire, la perquisition nécessite le consentement écrit de la personne, sauf si les nécessités de l'enquête l'exigent en cas d'enquête sur un délit punissable de plus de 5 ans d'emprisonnement si une autorisation écrite et motivée du JLD est obtenue (Art. 76 CPP - Loi Perben II).  En l'espèce, M. Legrin est suspecté d'avoir commis une infraction puni de 7 ans d'emprisonnement (Art. 222-28 CP, l'auteur est l'oncle de la victime) : l'exception est ouverte. En l'espèce, il est indiqué que M. Legrin se voit « opposé » ces opérations. Pour être valable, il faudra cependant avoir obtenu, à la requête du Procureur de la République, l'autorisation du JLD (0.5 point).

Les autres conditions semblent moins pertinentes à évoquer, comme le formalisme avec les procès-verbaux, les auteurs de la perquisition (OPJ et APJ de l'article 20 CPP), les conditions tenant au secret professionnel (Art. 56-1 et s. CPP), la lecture des documents par les seuls OPJ (Art. 56 al. 2 CPP), l'accès aux services informatiques, ni les éléments tenant aux saisies. 

•3)      Les parents de la jeune Lou pouvaient-ils contester la décision de classement selon une autre voie ?
(2 points)

Le classement sans suite est une décision qui permet au Procureur de la République de ne pas poursuivre une infraction à la suite d'une plainte, la dénonciation par la victime ou un tiers, ou à la suite d'une enquête (non identification de l'auteur).

Cette décision est une mesure d'administration judiciaire. Elle a un caractère administratif et provisoire. Le caractère provisoire indique que le ministère public peut reprendre une poursuite ultérieurement (sous réserve de prescription), mais ce caractère a peu d'intérêt pour cette espèce.  Le caractère administratif souligne que cette décision n'a pas d'autorité de la chose jugée (0.5 point). La décision de classement sans suite n'est donc pas soumis à un recours judiciaire ou juridictionnel : donc insusceptible d'appel. Les parents ne pourront introduire un tel recours (0.5 point)
Cependant, un recours hiérarchique peut être envisagé. La loi du 9 mars 2004 consacre ce recours dans l'article 40-3 CPP : « toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la république peut former un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite à la décision de cette dénonciation ... ». Le Procureur général peut enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites ou rejeter la demande (0.5 point). En l'espèce, les parents ayant déposés plainte peuvent donc faire ce recours (0.5 point).

•4)      La constitution de partie civile sera-t-elle déclarée recevable et quels seront ses effets ?
(6 points)

L'action civile se définit comme une action en réparation, qui devant les juridictions pénales se trouve être l'accessoire de l'action publique marquée par un impact sur son déclenchement.

Conditions :
Pour pouvoir déclencher l'action civile, la victime doit être capable d'agir et avoir un intérêt à agir.
- Pour l'intérêt à agir, la victime doit avancer un préjudice certain, actuel (donc non hypothétique ni un préjudice seulement éventuel), personnel (préjudice dont la victime a été atteinte par l'infraction) et direct (en lien direct avec l'infraction) (1 points).
Ici, l'intérêt à agir ne semble pas poser des difficultés. L'enfant a subi des agressions sexuelles : préjudice certain et actuel représenté par une atteinte à l'intégrité physique et morale, ressortant directement de l'atteinte sexuelle (0.5 point)
- Pour la capacité à agir, Lou est âgée de 8 ans. Elle est mineure. Dans ce cas, le mineur est représenté par l'administrateur légal dans tous les actes civils (Art. 389-3 C.civ.). L'action peut donc être faite par ses parents (pas de conflit d'intérêts) ou son tuteur. Elle pourra agir en son nom propre à sa majorité. En l'espèce, les parents agissent en qualité de parents. (Notons que les parents peuvent éventuellement agir comme victimes par ricochet, mais pas d'intérêt en l'espèce) (0.5 point).

Modalités :
- Ici, on ne parle pas d'action civile devant les juridictions civiles. De même, les parents n'ont pas effectué une constitution civile par voie d'exception, puisque le ministère public n'a pas engagé les poursuites. Enfin, ils ne font pas non plus une action civile par voie d'action par citation directe devant le tribunal correctionnel.
- La victime (ou son représentant) peut se constituer partie civile par voie d'action. Ce procédé est utilisé lorsque le ministère public ne déclenche pas l'action publique, notamment pour lutter contre l'inertie des parquets. 
L'article 85 CPP offre la possibilité à une personne lésée par un crime ou un délit de se constituer partie civile :
                * à la condition que la personne justifie que le procureur lui a fait connaître, à la suite du dépôt d'une plainte déposée devant lui ou les services de police judiciaire, qu'il n'engagera pas les poursuite  (0.5 point) ;
                * ou à la condition qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat ou des services de police, plainte n'ayant pas connu de réponse judiciaire (0.5 point).
(Notons que ces conditions sont exclues en cas de crimes, délits prévus par la loi de 1881 sur la presse et certains délits électoraux ; mais nous ne sommes pas dans ces cas, donc pas d'intérêt de l'indiquer).  
En l'espèce, les parents ont connaissance que le procureur a classé sans suite alors qu'ils ont effectué un dépôt de plainte. En outre, on peut aussi indiquer qu'avant même cette décision de classement sans suite, les parents auraient pu se constituer partie civile trois mois qui ont suivi leur dépôt de plainte en mars 2009, soit au mois juin 2009 (0.5 point)
- Sur le formalisme, une simple lettre au juge d'instruction suffit, dès lors qu'elle est datée et signée. Elle contient les faits dénoncés, la qualification pénale, les textes d'incrimination, le préjudice et la demande d'indemnisation. En l'espèce, les parents de l'enfant doivent avoir indiqué ces mentions dans leur courrier au juge d'instruction (1 point).

Effets :
L'instruction est obligatoire en matière criminelle, facultative en matière de délit, sur réquisition du procureur en matière de contravention. L'infraction d'espèce étant un délit, les parents peuvent donc saisir le juge d'instruction. Si cette voie aurait été exclusive pour un crime, elle était ici une possibilité (exclu si cela avait été une contravention) (0.5 point).
Cette constitution oblige le juge d'instruction de mettre le dossier en état, sauf en cas de refus d'informer (manque d'indication dans la plainte).
Après payement d'une consignation, le doyen des juges d'instruction fait parvenir le dossier au procureur de la République pour que celui-ci requière la poursuite. La constitution de partie civile oblige alors le procureur à prendre un réquisitoire introductif d'instance, pour tout ou partie des faits, contre personne nommée ou dénommée (1 point).  

La plainte avec constitution de partie civile devra respecter ces différents éléments pour être recevable et entraîner la prise d'un réquisitoire introductif d'instance provoquant le déclenchement de l'action publique.

•5)      Pendant l'instruction, quel sera le statut de M. Legrin ? quelles en seront les conséquences ?
(6 points)

Notons que trois statuts sont envisageables pendant une instruction : un mis en cause (suspect), un témoin assisté et un mis en examen.

Le « statut » de simple suspect ou de mis en cause est immédiatement exclu. En l'espèce, les parents nomme expressément M. Legrin dans leur plainte, laissant donc présager que le réquisitoire introductif d'instance le vise aussi. On peut vivement exclure ce « statut » (0.5 point).

M. Legrin peut éventuellement être placé sous le statut de témoin assisté, ce qui évite les inconvénients de la mise en examen (Art. 113-1 et s. CPP). Tous les cas pour la mise sous ce statut ne sont pas évoqués, seuls ceux ayant un intérêt compte tenu des faits.
 C'est une obligation notamment  lorsque la personne est nommée dans le réquisitoire introductif d'instance (probable en l'espèce) ou sur sa demande lorsqu'elle est visée par une plainte (tel est le cas en l'espèce) (1 point).
Sans cette demande, la mise sous le statut est une faculté dès lors que la personne est visée dans une plainte (le cas en l'espèce) ou lorsqu'il existe des indices rendant vraisemblables (mêmes légers) qu'elle ait pu participer à la commission d'infraction (discutable compte tenu du classement sans suite) (1 point).
Ce statut offre des droits à M. Legrin, notamment d'être assisté d'un avocat ayant accès au dossier, formuler des requêtes en annulation et saisir la Chambre de l'instruction, droit de changer de statut. Cependant, il est tenu de comparaître et de déposer, mais ne peut être placé en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire (1 point).

M. Legrin peut éventuellement être placé en examen par le juge d'instruction (attention, on ne parle pas d'inculpation depuis le 4 janvier 1993 !).
Pour cela, il doit exister à son encontre des indices graves et concordants de sa culpabilité ; après l'avoir entendu ou donner cette possibilité ; et si la mise sous le statut de témoin assisté n'est pas possible (par exemple, si M. Legrin placé sous le régime du TA demande sa mise en examen) (1 point)
Ce statut offre aussi des droits : il est une partie à la procédure, possède l'assistance d'un avocat,  participe à l'information par la présentation d'observation ou la confrontation aux témoins, être entendu par le juge, etc. Cependant, la mise en détention ou sous contrôle judiciaire est possible. (L'étudiant doit cité les droits distincts de l'autre régime : partie à la procédure par exemple. Pondération entre le 0.5 point de ces droits et le 1 point des droits du TA)  (0.5 point).

 En l'espèce, il ne semble pas y avoir d'indices graves et concordants (expliquant le classement sans suite). Toutefois, M. Legrin est cité dans une plainte (voire le réquisitoire). La mise en examen semble pour l'instant exclu ; la mise sous le régime de témoin assisté facultative voire obligatoire (1 point).

 

 

Commentaires

  • Waw, chouette site, je vous remercie pour votre aide et je suis pleinement d'accord... Permettez-moi d'insister, oui votre travail est vraiment excellent, très instructif ! PS : Votre site me donne envie d'en créer un également... j'espère que j'y arriverai !

  • Bonsoir,
    Merci pour vos compliments.
    Bien que cela demande du travail, c'est satisfaisant de pouvoir exprimer ses idées personnelles. Donc, bonne chance pour votre création de blog !

    A très bientôt

    FXRD

  • Exercice pratique répondant à mes attentes

  • Les actions en justices pénales sont souvent très longues. Difficile de pouvoir les comprendre et de les appréhender dans le temps.

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