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DROIT DES BIENS ---- Le droit de propriété Exemple de cas pratique (N° 1)

SUJET :

 

Jean Bille est propriétaire d’une maison dans les monts du lyonnais. A la demande de ses enfants, il vient de faire construire une piscine dans le fonds du jardin. Cependant, son voisin estime que celle-ci empiète sur son terrain. Jean Bille demande alors à un géomètre expert de vérifier ce point. En effet, ce dernier constate que la piscine empiète de quelques centimètres sur la propriété voisine. Estimant que cet empiètement minime ne porte pas préjudice à son voisin qui a d’ailleurs assisté sans rien dire aux travaux, il souhaite, pour des bonnes relations de voisinage, lui proposer une somme de 2000 euros à titre de dédommagement. Au grand étonnement de Jean Bille, son voisin refuse et menace de saisir la justice. Qu’en pensez-vous ?

 

CORRECTION :

 

M. Jean Bille fait construire une piscine dans le fond de son jardin. Suite aux vérifications d’un géomètre, la piscine empiète de quelques centimètres sur le terrain du voisin. Nous ne sommes pas dans le cadre d’une accession qui consiste à construire sur le terrain d’un tiers, mais dans le cadre d’un empiètement qui se définit comme une construction sur le terrain du propriétaire mais qui déborde sur le terrain du propriétaire voisin. Ceci est rappelé par un arrêt du 26 juin 1979 (Civ. 3e, 26 juin 1979 : Bull. Civ. III, n° 142) soulignant que l’article 555 c.civ. ne trouve pas son application lorsqu’un constructeur étend ses ouvrages au-delà des limites de son héritage. Tel est bien la situation d’espèce. Les règles de l’accession doivent donc être immédiatement écartées.

L’article 545 c.civ. dispose que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ». En vertu de ce principe, un propriétaire peut réclamer la démolition de la partie de la construction qui repose sur son propre fonds. La jurisprudence met l’accent sur le fait que l’importance de l’empiètement n’a pas d’intérêt sur la solution. Dès lors, même en cas d’empiètement minime, la démolition de cette petite partie de construction reposant sur le fonds voisin peut être exigée (Civ. 3e, 5 décembre 2001 : Bull. Civ. III, n° 147). D’ailleurs, la Cour de Cassation en application de cette règle a demandé la démolition d’une clôture en raison d’un empiètement de 0,5 cm (Civ. 3e, 20 mars 2002 : Bull. Civ. III, n° 71) ; mettant ainsi en exergue que la mesure de l’empiètement n’importe pas.

M. Jean Bille a proposé une somme de 2 000 € à titre de dédommagement. Son voisin refuse cette somme. Soulignons de suite qu’une convention aurait pu mettre fin à cette situation, faisant alors disparaître l’empiètement. M. Jean Bille peut se sentir frustrer, d’autant que son voisin a assisté à la construction de la piscine. Malgré cela, M. Jean Bille ne peut rien faire.
- En premier lieu, la Cour de Cassation a rappelé que la défense du droit de propriété contre un empiètement ne peut dégénérer en abus. L’exercice de son droit de propriété ne peut être abusif. Dès lors, une action contre un empiètement même minime ne peut être considéré comme un abus de droit (Civ. 3e, 7 juin 1990 : Bull. Civ. III, n° 140 ; Civ. 3e, 7 novembre 1990 : Bull. Civ. III, n° 226 ; Versailles, 11 février 2004 : D. 2004.2819).
- En second lieu, M. Jean Bille ne pourra pas non plus faire valoir le fait que son voisin a assisté à la construction sans rien dire. La Cour de Cassation a pu préciser que le silence gardé pendant toute la durée des travaux par le propriétaire victime de l’empiètement ne saurait à lui seul faire la preuve de son consentement à l’aliénation d’une partie de son immeuble (Civ. 1ère, 1er juillet 1965 : D.1965.650 ; Civ. 3e, 18 avril 1985 : Gaz. Pal. 1985.2.Pan.268 ; Civ. 3e, 18 février 1998 : Bull. Civ. III, n° 43). Dès lors, une convention antérieure ou un accord amiable était nécessaire (Civ. 1ère, 8 mars 1988 : Bull. Civ. I, n° 68).
- En dernier lieu, M. Jean Bille pourrait essayer de rapporter sa bonne foi en avançant d’une part le fait que l’empiètement est minime, et d’autre part que son voisin avait assisté à la construction. Toutefois, la Cour de Cassation a bien indiqué que la bonne foi du constructeur est indifférente (Civ. 3e, 12 juillet 1977 : Bull. Civ. III, n° 313 ; Civ. 3e, 19 décembre 1983 : Bull. Civ. III, n° 269 ; Civ. 3e, 29 février 1984 : Bull. Civ. III, n° 57).

En conclusion, en cas d’action en justice, les juges demanderont la démolition de la partie de la piscine empiétant. Certes, lorsqu’il est techniquement possible de supprimer l’empiètement, les juges peuvent ordonner le déplacement de la construction sans qu’il y ait lieu à démolition (Civ. 3e, 26 novembre 1975 : Bull. Civ. III, n° 350) ; si la piscine est par exemple une construction hors de terre. Quoiqu’il en soit, M. Jean Bille devra mettre fin à son empiètement sur le terrain de son voisin. Pire, il pourra engager sa responsabilité civile en vertu de l’article 1382 c.civ., l’empiètement sur le terrain d’autrui caractérisant à lui seul une faute (Civ. 3e, 10 novembre 1992 : Bull. Civ. III, n° 292). Le voisin devra alors prouver un dommage et un lien de causalité entre ce dommage et la faute (donc l’empiètement).     

 

Commentaires

  • votre cas pratique m'a plu

  • J'aime bien vos cas mais en voilà un bien réel qui me donne du fil à retordre.

    1990 : construction d'une maison sur une unique parcelle pentue de 6000m² et édification d'un mur de soutènement.

    2013 : Un marchand de bien acquiert cette propriété, divise la parcelle en deux puis vend d'un côté la maison et son mur de soutènement; de l'autre la parcelle détachée comme terrain à bâtir.

    Pas de chance, le géomètre a oublié qu'un mur de soutènement est bâti sur une semelle débordante. Comme il a tracé la limite divisoire au pied du mur de soutènement, une partie de la semelle se trouve sur la parcelle détachée...

    Comment en sort on ?

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