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  • La correctionnalisation judiciaire

     

     

     

    1)      Les Procédés permettant la correctionnalisation

    2)      La Raison d’être de cette pratique

    3)      Le caractère illégal de ce procédé

    4)      Le renforcement légal

    5)      Jurisprudence

    6)      Bibliographie

     

     

    La pratique de la correctionnalisation judiciaire s’est développée à partir du 19e siècle. Cette pratique consiste à soumettre un crime à un Tribunal Correctionnel, en ne retenant qu’une qualification correctionnelle.

    On peut trouver aussi le cas de la contraventionnalisation qui consiste à transformer en contravention un comportement qualifié crime ou délit.

     

     

    Procédés :

     

    Il y a une déformation volontaire de la réalité des faits :

     

    -          Le juge peut « oublier » une circonstance aggravante. Dans le cas d’un vol avec circonstance aggravante d’usage d’une arme, on ne retient que le vol simple.

    -          Le juge peut « oublier » un élément constitutif du crime (écarter des éléments matériels ou une composante de l’élément moral). Par exemple, une tentative de meurtre sera qualifiée de violences volontaires délictuelles en supprimant l’intention homicide de l’auteur ; ou requalifier un viol en agression sexuelle en dissimulant l’acte de pénétration. 

    -          Le juge peut méconnaître les principes de cumul d’infractions et ne retenir que la qualification la plus basse. Par exemple, si un notaire commet une escroquerie à l’aide de constitution de faux en écriture, il sera possible de ne retenir que l’escroquerie ; le faux en écriture établi par un dépositaire de l’autorité publique ou chargée d'une mission de service public agissant dans l'exercice de ses fonctions ou de sa mission constituant un crime.

     

    -          Autres techniques très utilisées au 19ème siècle : le juge poursuivait un individu déjà acquitté par la Cour d’Assises, pour les mêmes faits mais sous une qualification pénale correctionnelle. C’est une  correctionnalisation judiciaire postérieure au jugement interdite par l’article 368 CPP du CPP de 1959.

     

     

    Raisons :

     

    On veut parfois éviter une décision trop clémente de la Cour d’Assises (exemple : acquittement des crimes passionnels)  ou au contraire trop lourde. Le jury populaire reste imprévisible. Sur la sévérité du jury, on constate en pratique que les jurés sont parfois très sévères. Tel est le cas des jeunes jurés pour tous types d’infractions. Contrairement à ce que l’on peut penser, les hommes sont eux très sévères à l’égard des infractions sexuelles (viols) contre les femmes.

    -          On ne veut pas encombrer les sessions d’assises par des affaires juridiquement criminelles mais ne méritant pas aux yeux des autorités judiciaires tout l’apparat de la procédure d’assises. Elle permet donc d’adapter la réaction sociale aux circonstances particulières de chaque affaire ; le législateur définissant les incriminations de façon abstraite. Exemple : le vol dans un magasin avec un pistolet factice devrait être poursuivi devant une Cour d’Assises pour vol à main armée ; mais le Procureur peut oublier le pistolet factice et ne retenir que le vol avec violence.  

    -          Volonté de rapidité et d’économie.

    -          Cette pratique peut se révéler indispensable au fonctionnement de la justice pénale, faute de quoi il ne serait pas possible de juger l’ensemble des infractions constituant légalement des crimes.

    -          Cette pratique peut enfin mettre le droit pénal au jour des évolutions de la société sans avoir à attendre l’intervention du législateur.

     

     

    Illégalité de la pratique :

     

    Il faut noter tout d’abord que la correctionnalisation est une procédure totalement illégale puisqu’elle va à l’encontre des règles de procédure pénale, dont certaines d’ordre public. Cette pratique peut se trouver condamnée : Crim. 9 nov. 1955, JCP 1956 II 9249 note Granier ; Crim. 12 juin 1958, Bull. Crim. n° 457 ; Crim. 3 janv. 1970, Bull. Crim. n° 4 ; Crim. 12 janv. 2000, Bull. Crim. n° 24.

    Toutefois, pour pouvoir aboutir, il faut qu’elle requière le consentement implicite des intéressés : Ministère Public, prévenu et partie civile…. Puisque chaque partie peut soulever l’incompétence du Tribunal Correctionnel, ce dernier pouvant aussi la relever d’office (article 469 CPP pour le Tribunal Correctionnel ; article 519 CPP pour la Cour d’Appel). Dans les faits, il semblerait qu’elle ne soit pas dénoncée, chacun y trouvant son compte notamment le prévenu. La victime peut y trouver un intérêt au niveau de la publicité (par exemple, une victime d’infractions sexuelles peut préférer par pudeur la moindre publicité entourant le Tribunal Correctionnel qu’une Cour d ‘Assises). 

               

    Dans ce cas, il y a violation :

     

    -          des règles de fond en cause : on ne respecte pas les textes d’incrimination. Pourtant, les juges ont un pouvoir de qualification pénale (autorités de poursuite et d’instruction). Ce procédé bouleverse la classification tripartite établie et donc la hiérarchie entre les incriminations.  

    -          des règles de procédure sur la compétence qui sont d’ordre public : on renvoie devant le Tribunal Correctionnel alors que les faits sont de la compétence de la Cour d’Assises. Il y a une atteinte à la compétence matérielle des juridictions (ratione materiae) qui est fonction de la nature de l’infraction poursuivie (Cour d’Assises : art. 231 CPP ; Tribunal Correctionnel : art. 381 CPP ; Tribunal de Police et Juge de proximité : art. 521 CPP). Ces règles sont d’ordre public. Les parties ne doivent pas pouvoir déroger à ces règles ; les juridictions devant vérifier d’office leur compétence. Violées, ces règles entraînent la nullité de la procédure et de la décision rendue. De plus, cette violation des règles de compétence peut entraîner une banalisation de la gravité de certains faits pourtant qualifiés crime par le Code Pénal.

     

    Après discussion avec un Procureur Général de Cour d’Appel le 05 novembre 2008, il apparaît que cette pratique est très largement utilisée par les tribunaux. Cependant, selon l’avis de ce Procureur Général, cette pratique ne serait pas illégale mais devrait simplement être rapportée au principe de l’opportunité des poursuites. La correctionnalisation devrait dès lors être analysée comme la faculté pour le Ministère Public de choisir, en raison de l’opportunité des poursuites, la qualification adéquate pour renvoyer devant la juridiction apparaissant la plus compétente.

     

     

    Renforcement :

     

    Malgré son caractère illégal, la loi du 9 mars 2004 est venue la consacrer en disposant que si les parties ne contestent pas la qualification correctionnelle donnée aux faits lors du règlement d’instruction, ces parties ne pourraient plus le faire devant le Tribunal Correctionnel. Le but est d’exclure des conclusions d’incompétence déposées par le prévenu ou les parties civiles devant le Tribunal Correctionnel. L’article 186-3 CPP autorise ce recours : « La personne mise en examen et la partie civile peuvent interjeter appel des ordonnances prévues par le premier alinéa de l’article 179 dans le seul cas où elles estiment que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel constituent un crime qui aurait dû faire l’objet d’une ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises ». Toutefois, lorsque le renvoi est décidé par le Juge d’instruction ou la Chambre de l’instruction, le Tribunal Correctionnel ou les parties ne peuvent invoquer le caractère criminel des faits ; comme l’indique l’article 469 al. 4 CPP « Lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction, le tribunal correctionnel ne peut pas faire application, d’office ou à la demande des parties, des dispositions du premier alinéa, si la victime était constituée partie civile et était assistée d’un avocat lorsque ce renvoi a été ordonné ». Donc, il faut que le Tribunal Correctionnel soit saisi par une ordonnance ou un arrêt de renvoi, que la victime se soit constitué partie civile, et qu’elle soit assistée d’un avocat : c’est-à-dire que la partie civile ait pu s’opposer au procédé. 

     

    Il existe alors deux limites à cette impossibilité :

    -          La première limite intervient si les 3 conditions ne sont pas réunies. Dans le cas où la victime s’est portée partie civile au cours de l’instruction et si elle a un avocat, elle a la possibilité de faire appel de l’ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel puisque cette ordonnance lui est notifiée (art. 183 CPP). A contrario, si la victime ne s’est constituée partie civile qu’après la clôture de l’instruction, elle pourra soulever l’incompétence n’ayant pas été en mesure de le faire avant.    

    -          La seconde limite est prévue par l’article 469 lui-même : si le Tribunal Correctionnel était saisi pour un délit non intentionnel mais que les débats font apparaître que les faits sont criminels car intentionnels (art. 469 al. 4 CPP) ;

     

    Si le terme « légalisation » de la correctionnalisation judiciaire a pu être utilisé (DARSONVILLE Audrey, La légalisation de la correctionnalisation judiciaire, Revue Droit Pénal, Mars 2007, Etude, p : 7-9), il semble plus juste de parler de « consolidation » (PRADEL Jean, Procédure pénale, 13ème édition, Cujas, 2006, p : 111) ou de renforcement. Car, le procédé reste illégal puisque les parties peuvent toujours s’en prévaloir pendant l’instruction ; mais ce droit de s’en prévaloir se trouve limité par cette loi Perben II. On peut dire que le renvoi du Juge d’instruction ou de la Chambre de l’instruction devant le Tribunal Correctionnel opère, si les conditions sont réunies, une « neutralisation » ou une « purge » de l’irrégularité de qualification.  

     

    Pour conclure, il paraît surprenant d’expliquer un procédé entraînant une violation délibérée de la loi instauré par les autorités mêmes chargées d’appliquer ces lois : « la violation délibérée de la loi par ceux qui ont le devoir de l’appliquer est la pire des situations possibles » (CONTE Philippe et MAISTRE DU CHAMBON Patrick, Procédure pénale, 4ème édition, Armand Colin, 2002, p : 99 – n° 128 ).   

     

     

    Jurisprudence :

     

    Affaire n° 1   Crim. 3 janv. 1970, Bull. Crim. n° 4

     

    Cour de Cassation 

    Chambre criminelle 

    Audience publique du 3 janvier 1970

     

     

    N° de pourvoi : 69-93254

     Publié au bulletin 

     Pdt M. Rolland

    Rpr M. Malaval

    Av.Gén. M. Boucheron

     

     

    REPUBLIQUE FRANCAISE

     

    AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

     

    CASSATION ET REGLEMENT DE JUGES SUR LE POURVOI FORME PAR X... (JEAN-FRANCOIS), DETENU, CONTRE UN ARRET DE LA COUR D’APPEL D’ORLEANS, DU 7 NOVEMBRE 1969, L’AYANT CONDAMNE POUR COUPS ET BLESSURES VOLONTAIRES ET VOL A 5 ANS D’EMPRISONNEMENT AINSI QU’A DES REPARATIONS CIVILES ;

     

    LA COUR, SUR LE MOYEN D’OFFICE, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 309, 310, 379 ET 382 DU CODE PENAL, 469, 512 ET 519 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;

     

    SUR LA RECEVABILITE DU MOYEN : ATTENDU QU’EN MATIERE REPRESSIVE LES JURIDICTIONS SONT D’ORDRE PUBLIC ;

     

    QUE SI X..., POURSUIVI ET CONDAMNE POUR COUPS ET BLESSURES VOLONTAIRES ET VOL, N’A PAS OPPOSE DEVANT LES JUGES DU SECOND DEGRE L’EXCEPTION D’INCOMPETENCE, LA COUR D’APPEL SE TROUVAIT, PAR L’APPEL DU MINISTERE PUBLIC, SAISIE DE LA CAUSE ENTIERE, TELLE QU’ELLE S’ETAIT PRESENTEE DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL ET QU’ELLE DEVAIT DONC, D’OFFICE, EXAMINER SA COMPETENCE ET SE DECLARER INCOMPETENTE S’IL RESULTAIT DES FAITS PAR ELLE RETENUS QUE CES FAITS ETAIENT DU RESSORT DE LA JURIDICTION CRIMINELLE ;

     

    QU’AINSI EST RECEVABLE L’EXCEPTION D’INCOMPETENCE SOULEVEE D’OFFICE ;

     

    SUR LA COMPETENCE : VU LES ARTICLES VISES AU MOYEN ;

     

    ATTENDU QUE LES JUGES DU FOND CONSTATENT QUE X... S’EST FRAUDULEUSEMENT EMPARE DES PORTEFEUILLES CONTENANT L’ARGENT QUE PORTAIT SUR LUI UN SIEUR Y... ;

     

    QUE POUR COMMETTRE CE VOL, LE PREVENU A VOLONTAIREMENT RENVERSE AVEC L’AUTOMOBILE QU’IL CONDUISAIT, LE CYCLE SUR LEQUEL Y... ETAIT MONTE, PUIS A FRAPPE VIOLEMMENT CE DERNIER AU VISAGE ET AUX PARTIES SEXUELLES ;

     

    QU’IL A CONTINUE A LUI PORTER DES COUPS DE POING ET DES COUPS DE PIED ALORS QU’IL ETAIT A TERRE ET LUI A ENFONCE SES DOIGTS DANS L’OEIL DROIT ;

     

    QUE CES VIOLENCES, COMMISES LE 2 OCTOBRE 1968, ONT ENTRAINE POUR LA VICTIME UNE INCAPACITE TOTALE DE TRAVAIL QUI DURAIT ENCORE LE 16 DECEMBRE SUIVANT ;

     

    QUE X... A AGI AVEC PREMEDITATION ;

     

    ATTENDU QU’EN L’ETAT DE CES CONSTATATIONS LES FAITS RELEVES, QUI ONT ETE A TORT CONSIDERES PAR LA COUR D’APPEL COMME CONSTITUTIFS D’UN DELIT DE VOL ET D’UN DELIT DISTINCT DE VIOLENCES VOLONTAIRES, SERAIENT DE NATURE, S’ILS ETAIENT DEFINITIVEMENT ETABLIS, A CONSTITUER LE CRIME DE VOL AVEC VIOLENCES, PREVU ET REPRIME PAR L’ARTICLE 382 DU CODE PENAL ;

     

    QUE CONSIDERES ISOLEMENT, LES ACTES DE VIOLENCE DECRITS PAR L’ARRET ATTAQUE CONSTITUERAIENT A EUX SEULS LE CRIME DE COUPS ET BLESSURES COMMIS AVEC PREMEDITATION, PREVU ET REPRIME PAR LES ARTICLES 309 ET 310 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;

     

    D’OU IL SUIT QU’EN STATUANT COMME ELLE L’A FAIT, LA COUR D’APPEL A MECONNU LES LIMITES DE SA COMPETENCE ;

     

    PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, EN TOUTES SES DISPOSITIONS L’ARRET DE LA COUR D’APPEL D’ORLEANS DU 7 NOVEMBRE 1965, ET, POUR ETRE STATUE CONFORMEMENT A LA LOI : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D’APPEL DE BOURGES ;

     

    ET POUR LE CAS OU LA COUR D’APPEL DE RENVOI DECLARERAIT L’INCOMPETENCE DE LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE ET OU, PAR SUITE, IL EXISTERAIT ENTRE CETTE DECISION ET L’ORDONNANCE DU JUGE D’INSTRUCTION RENVOYANT LE PREVENU DEVANT CETTE JURIDICTION, UNE CONTRADICTION ENTRAINANT UN CONFLIT NEGATIF DE JURIDICTION ;

     

    REGLANT DE JUGES, DES A PRESENT, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA CHAMBRE D’ACCUSATION DE LA COUR D’APPEL D’ORLEANS ;

     

    PRESIDENT : M ROLLAND - RAPPORTEUR : M MALAVAL - AVOCAT GENERAL : M BOUCHERON ;

     

    Publication :Bulletin Criminel Cour de Cassation Chambre criminelle N. 4 P. 6  

    Décision attaquée :Cour d’Appel Orléans 1969-11-07 

    Titrages et résumés : APPEL CORRECTIONNEL - Appel du Ministère public - Vérification de la compétence - Obligation pour la Cour.

     

    Lorsqu’il y a appel du Ministère public, les juges du second degré, saisis de la cause entière, doivent même d’office, se déclarer incompétents s’il apparaît que les faits poursuivis relèveraient, s’ils étaient établis, de la juridiction criminelle. L’exception d’incompétence peut être soulevée d’office devant la Cour de cassation.

     

     * APPEL CORRECTIONNEL - Incompétence - Crime - Appel du Ministère public - Obligation pour la Cour.

     

    Précédents jurisprudentiels :(1) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1959-12-16 Bulletin Criminel 1959 N. 557 p.1072 (CASSATION). (1) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1963-11-20 Bulletin Criminel N. 308 p.735 (CASSATION PARTIELLE).

     

     

    Affaire n° 2    Crim. 12 janv. 2000, Bull. Crim. n° 24

     

     

    Cour de Cassation 

    Chambre criminelle 

    Audience publique du 12 janvier 2000

    Cassation et Règlement de juges

     

    N° de pourvoi : 99-81635

     

    Publié au bulletin 

     

    Président : M. Gomez

    Rapporteur : M. Farge.

    Avocat général : M. Géronimi.

    Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

     

     

    REPUBLIQUE FRANCAISE

     

    AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

     

    CASSATION et RÈGLEMENT DE JUGES sur les pourvois formés par X... G..., X... M..., contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 24e chambre, en date du 28 janvier 1999, qui, pour agressions sexuelles aggravées, les a respectivement condamnés à 6 ans et 2 ans d’emprisonnement, et qui a prononcé sur les intérêts civils.

     

    LA COUR,

     

    Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

     

    Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

     

    Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 331, alinéa 3, ancien, 222-22,222-23, 222-24.2° et 4°, 222-27, 222-29.1°, et 222-30.2°, nouveaux du Code pénal, 214, 519 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

     

    ” en ce que l’arrêt a déclaré G... et M... X coupables du délit d’agression sexuelle aggravée et, en répression, les a condamnés à la peine de 6 et 2 ans d’emprisonnement ;

     

    ” aux motifs que S... X... exposait qu’entre l’âge de 11 ans et demi et 18 ans, son père l’avait sodomisée régulièrement tous les 15 jours, voire chaque semaine, et l’avait contrainte à lui pratiquer des fellations ; que son oncle l’avait contrainte à 2 fellations et l’avait sodomisée une fois ;

     

    ” alors que tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol, puni de 15 ans de réclusion criminelle et relevant de la compétence de la cour d’assises ; que la Cour, qui a constaté qu’il était reproché aux prévenus d’avoir commis des actes de pénétrations buccale et anale sur S... X..., devant être qualifiés de crime, devait se déclarer incompétente et renvoyer le ministère public à se pourvoir ainsi qu’il avisera “ ;

     

    Vu les articles 332 ancien et 222-23 du Code pénal, 381 et 519 du Code de procédure pénale ;

     

    Attendu qu’en matière répressive la compétence des juridictions est d’ordre public ; qu’il appartient aux juges correctionnels, saisis de la cause entière par l’appel du ministère public, de se déclarer incompétents, même d’office, lorsque les faits poursuivis ressortissent à la juridiction criminelle ;

     

    Attendu que, pour déclarer M... X... et G... X... coupables d’agressions sexuelles, l’arrêt attaqué relève qu’ils ont sodomisé la victime et qu’ils se sont fait pratiquer des fellations par elle ;

     

    Attendu que de tels faits entrent dans les prévisions tant de l’article 332 ancien que de l’article 222-23 du Code pénal, dès lors que la sodomisation et la fellation constituent des actes de pénétration sexuelle, et se trouvent justiciables de la cour d’assises ; qu’ainsi, la juridiction correctionnelle était incompétente pour en connaître ;

     

    D’où il suit que la cassation est encourue ;

     

    Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens proposés ;

     

    CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 28 janvier 1999, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

     

    RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

     

    Et, pour le cas où la cour d’appel de renvoi déclarerait l’incompétence de la juridiction correctionnelle et où, par suite, il existerait, entre cette décision et l’ordonnance du juge d’instruction renvoyant les prévenus devant ladite juridiction, une contradiction entraînant un conflit négatif de juridiction ;

     

    RÉGLANT DE JUGES, dès à présent, sans s’arrêter à l’ordonnance du juge d’instruction, laquelle sera considérée comme non avenue ;

     

    RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris.

     

    Publication :Bulletin criminel 2000 N° 24 p. 56  

    Décision attaquée :Cour d’appel de Paris, 1999-01-28  

    Titrages et résumés : VIOL - Eléments constitutifs - Elément matériel - Acte de pénétration sexuelle - Incompétence de la juridiction correctionnelle.

     

    Doit être cassé l’arrêt de la cour d’appel qui, pour les déclarer coupables d’agressions sexuelles, relève que les prévenus ont sodomisé la victime et se sont fait pratiquer des fellations par elle, de tels faits constituent des pénétrations sexuelles et se trouvent justiciables de la cour d’assises. La cassation a lieu avec renvoi et règlement de juges par avance. (1)(2).

     

     COMPETENCE - Compétence d’attribution - Juridictions correctionnelles - Viol - Eléments constitutifs - Elément matériel - Actes de pénétration sexuelle - Incompétence - Caractère d’ordre public

     

    CASSATION - Règlement de juges - Règlement de juges par avance - Cassation avec renvoi

     

    Précédents jurisprudentiels :CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1996-05-22, Bulletin criminel 1996, n° 212 (2°), p. 598 (cassation et règlement de juges), et les arrêts cités. CONFER : (1°). (2) En sens contraire : Chambre criminelle, 1996-04-29, Bulletin criminel 1996, n° 172, p. 487 (cassation). 

     

    Codes cités : Code pénal 332. nouveau Code pénal 222-23. Code de procédure pénale 381, 519. 

     

     

     

    Bibliographie :

     

    -          CONTE Philippe et MAISTRE DU CHAMBON Patrick, Procédure pénale, 4ème édition, Armand Colin, 2002, p : 98-99.

    -          BOULOC Bernard, STEFANI Gaston et LEVASSEUR Georges, Procédure pénale,

    -          DESPORTES Frédéric et LE GUNEHEC Francis, Droit Pénal Général, 12ème édition, Economica, 2005, p : 80 à 84.

    -          PRADEL Jean, Procédure pénale, 13ème édition, Cujas, 2006, p : 108 à 112.

    -          DARSONVILLE Audrey, La légalisation de la correctionnalisation judiciaire, Revue Droit Pénal, Mars 2007, Etude, p : 7 à 10.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • DROIT DES PERSONNES --- Chapitre 3ème : Quelques indications sur le corps humain

    Indisponibilité :
               
    Ce principe a été affirmé par le juge la première fois à propos des maternités de substitution en 1991. Cependant, il ne saurait plus être affirmé depuis les lois du 29 juillet 1994, en vertu desquelles le corps et les organes peuvent faire l’objet de conventions, mais seulement à titre gratuit. Dès lors, ils ne sont plus indisponibles car ils peuvent faire l’objet d’actes juridiques du moment que leur cause n’est ni illicite, ni immorale.

    Inviolabilité :

    Le nouvel article 16-1 du code civil dispose que « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable ». Ce principe signifie que les atteintes à l’intégrité physique de la personne sont prohibées. Les tiers ne peuvent donc pas porter atteinte au corps d’autrui sans mettre en jeu leur responsabilité civile ou pénale.

    Les médecins ne portent pas atteinte à la liberté fondamentale du patient d’exprimer son consentement à un traitement médical, lorsqu’après avoir tout mis en œuvre pour convaincre un patient d’accepter les soins indispensables, ils accomplissent, dans le but de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état. Cela n’est pas non plus incompatible avec l’article 9 CESDH relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Il y a donc une obligation pour le médecin de tout mettre en œuvre pour convaincre le patient et obtenir son consentement, mais le médecin peut aller à l’encontre de la volonté du patient lorsque sa vie est en cause (CE, 26 oct. 2001 : D.2001.IR.3253 ; CE, 16 aout 2002, D.2004.Somm.602).

    Non patrimonialité :
              
    Divers articles de la loi du 29 juillet 1994 expriment le principe de non-patrimonialité du corps humain, de ses éléments et de ses produits. Ainsi, sont nuls les conventions qui confèrent au corps humain, un caractère patrimonial. Pas de rémunération possible à celui qui se prête à une expérimentation, au prélèvement d’éléments de son corps ou produits.

     

    Gestation pour autrui :

    Sur ce thème, il convient de se rapporter au rapport d’information du Sénat n° 421 sur la maternité pour autrui, disponible sur le site du Sénat. Ce rapport expose la situation actuelle sur la maternité pour autrui en évoquant les différentes questions sur la matière. En premier lieu, il est fait rappel de l’ancienneté de cette pratique en France malgré des sanctions pénales (Art. 227-12 CP : 1 an et 15 000 € pour le fait de s’entremettre ; Art. 227-13 CP : 3 ans et 45 000 € pour la substitution) et civiles (Art. 16-7 c.civ. : nullité de toute convention) sévères. Si certains pays tiennent la même position que la France (Allemagne, Espagne, Italie, Autriche, Suisse), d’autres tolèrent (Belgique, Pays-Bas) ou organisent et encadrent (Royaume-Uni, Grèce) le recours à la maternité pour autrui. En France, des tentatives de contournement s’organisent avec des échecs, mais aussi des réussites comme la retranscription des décisions étrangères sur l’état civil français après avoir pratiquées une maternité pour autrui à l’étranger ; ou une reconnaissance que par le père (le risque survenant en cas de décès, la mère n’étant qu’un tiers). De fait, cette prohibition est de plus en plus contestée notamment en raison des possibilités d’un don réfléchi, limité et non mercantile ; de l’évolution des techniques scientifiques permettant à une femme de porter un enfant conçu avec les ovocytes d’une autre femme et une insémination du sperme de l’homme (sans relations sexuelles) ; et puisque ni l’intérêt de l’enfant ni celui de la société ne semblent remis en cause. Ceci implique donc de distinguer la procréation pour autrui de la gestation pour autrui. Le Groupe de travail recommande donc l’autorisation de la gestation pour autrui en encadrant la pratique de conditions strictes. 

     

    Procréation pour autrui : la femme portant l’enfant est la mère génétique.

    Gestation pour autrui ou maternité pour autrui : la femme portant l’enfant n’est que la gestatrice, l’enfant est conçu qu’avec les gamètes du couple.

     

    Prélèvement d’organes :

    Le prélèvement sur une personne vivante suppose différentes conditions :

    -         Le donneur est informé des risques encourus et les conséquences du prélèvement ;

    -         Il exprime son consentement devant un magistrat, consentement révocable à tout moment ;

    -         Le prélèvement représente, pour le receveur, un intérêt thérapeutique direct ;

    -         Le receveur est la fille ou le fils du donneur, ou suite à l’accord d’un comité d’experts, le conjoint, la mère ou le père, son frère, sa sœur, un des grands-parents, un oncle, une tante, un cousin germain, ou une personne apportant la preuve de deux ans de vie commune avec le bénéficiaire du prélèvement (Art. L1231-1 du Code de la Santé Publique) ;

    -         Sont exclus les mineurs et majeure sous protection.

     

    De la même façon, le prélèvement sur une personne décédée suppose plusieurs conditions :

    -         Le constat de la mort ;

    -         L’individu ne doit pas avoir fait connaître de son vivant son refus. Si les médecins n’ont pas directement connaissance de la volonté du défunt, en ce qui concerne un refus de prélèvement, ils s’efforcent de recueillir auprès des proches l’opposition d’un don d’organes éventuellement exprimée de son vivant (Art. L1232-1 du Code de la Santé Publique) ;

    -         Pour un défunt mineur ou majeur sous tutelle, il faut obtenir l’accord écrit de chacun des titulaires de l’autorité parentale ou du représentant légal de l’incapable.  

     

    Prélèvement de tissus, cellules et produits :

    Sur personne vivante : uniquement dans un but thérapeutique ou scientifique ou de réalisation de contrôle des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro … soit dans les cas posés par le législateur à l’article L 1241-1 du Code de la Santé Publique. Le donneur doit avoir donné son consentement écrit. Le don de spermatozoïdes et d’ovocytes est soumis à des particularités, le donneur devant avoir procréé et le consentement des membres du couple donneur et receveur devant donner leur consentement. 

    Sur personne décédée : prélèvements effectués dans les mêmes conditions que pour les organes.

     

    Empreintes génétiques :

    Article 16-11 c.civ. : « L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique ou d'identification d'un militaire décédé à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées.
    En matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides. Le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli. Sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort. Lorsque l'identification est effectuée à des fins médicales ou de recherche scientifique, le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'identification, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l'identification. Il est révocable sans forme et à tout moment
     ».

    En France, pour faire faire légalement un test de paternité juste pour vérifier une filiation, il faut que ce soit dans le cadre d'une action judiciaire selon cet article 16-11 du code civil, introduit par la loi du 29 juillet 1994.

    Il n'est pas possible d'obliger les personnes concernées à se soumettre à ce test.

    Le principe fondamental de l’inviolabilité du corps humain s’oppose à ce que le juge civil recourt à une mesure de coercition, même d’ordre pécuniaire, afin de contraindre un individu à subir une atteinte directe à son corps, telle que l’expertise sanguine demandée dans une action en recherche de paternité. De plus, l’article 16-11, dans sa rédaction issue de la L. n° 2004-800 du 6 août 2004, selon lequel sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort, est immédiatement applicable aux situations en cours.

    Concernant la reconnaissance de filiation, il faut noter qu’une expertise génétique n’est pas obligatoire pour que les juges du fond apprécient une paternité. S’ils constatent des présomptions et indices graves et suffisants, l’expertise peut dès lors être superfétatoire. En outre, la loi prévoit que le juge pourra tirer les conséquences d'un refus de se soumettre à un test de paternité. Autrement dit, rien ne sert de refuser de s'y soumettre, cela n'exonère pas de ses obligations légales.

     

    La dépouille mortelle :

    Concernant la nature juridique d’une dépouille mortelle, il convient de dire que le cadavre, est une chose. Le décès transforme donc la personne est une chose. Comme l’indique les décisions du TGI de Lille du 5 décembre 1996 et 10 novembre 2004 : La dépouille mortelle fait l’objet d’un droit de propriété familiale et demeure un objet de respect dont l’article 16-1 C.Civ. rappelle le caractère sacré.

    Il est dû un respect en raison du caractère sacré du mort. D’ailleurs, ce respect s’impose au médecin dans ses rapports avec son patient qui ne cesse de s’appliquer avec le décès de celui-ci (CE, 2 juillet 1993).

    Les ayants-droit pourront donc agir en justice pour défendre l’atteinte à l’image ou à la mémoire du défunt. Les funérailles peuvent avoir été organisées par le défunt (testament ou sous seing privé, devant respecter l’ordre public et les bonnes mœurs). En cas de différends ou d’incertitudes, le conjoint survivant ou les proches (descendants, ascendants) règlent ces funérailles ou l’incinération. Le choix s’exerce entre l’inhumation et la crémation, la congélation étant exclue. Les sépultures sont aussi protégées, tout comme les atteintes aux cadavres.  

    Des sanctions pénales sont prévues pour sanctionner les atteintes aux défunts. Les articles 225-17 CP et suivants sanctionnent les atteintes au respect dû aux morts. Par exemple, l’art. 225-17 CP punit d’un an et 15 000 € toute atteinte à l’intégrité d’un cadavre, tout comme la violation ou la profanation de sépultures.
    L’art. 434-7 CP punit le fait de receler ou de cacher un cadavre d’une personne victime d’un homicide ou décédée des suites de violences par 2 ans et 30 000 €.
    L’art. 433-21-1 CP punit de 6 mois et 7 500 € la personne qui donne aux funérailles un caractère contraire à la volonté du défunt.