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  • Les limites à l'exercice du droit de propriété

    LES LIMITES A L'EXERCICE DU DROIT DE PROPRIETE

    (Abus, troubles du voisinage)

    Cours

     

    Un contentieux s'élève lorsque le propriétaire cause un dommage à autrui en usant de son droit de propriété. Le droit se doit de protéger les tiers contre un usage du droit de propriété. Ce sont les abus et les troubles du voisinage. Ce contentieux se distingue des atteintes du droit de propriété faites par des tiers (où c'est un tiers qui cause le trouble) ; ainsi que de la responsabilité du fait des choses inanimées de l'article 1385 C.Civ. (elle pèse sur le gardien de la chose, même si gardien et propriétaire sont souvent la même personne) et de la responsaibilité du fait des bâtiments édictée par l'article 1386 C.Civ. (sanction du manquement du propriétaire à son obligation d'entretien).

    S'agissant de ce contentieux, la loi française ne donne aucune solution de principe. Ce contentieux résulte d'une création doctrinale quasi-unanime et une jurisprudence constante : "il s'agit d'une pièce de droit positif aussi célèbre que, désormais, classique", comme l'expose le Professeur Gérard CORNU (Droit Civil - Les biens, Montchértien, 13ème éd., p: 87). Ce contentieux se dédouble : abus du droit de propriété et trouble du voisinage , le second découlant du premier mais tendant à devenir plus important.

    1° Les Abus du Droit de Propriété

    C'est la théorie selon laquelle, dans certaines circonstances, un propriétaire d'un bien abuse de son droit de propriété et est condamné à réparer le dommage causé aux tiers par cet exercice abusif de sa propriété. Cette théorie a fait l'objet de querelles doctrinales, une partie de la doctrine s'appuyant sur la contradiction des termes "droit" et "abus", soulevant que l'on ne peut abuser de son droit. Aujourd'hui, cette querelle a disparu car il ne fait aucun doute que l'on peut abuser d'un droit reconnu (ex: abus de son droit à l'autorité parentale lorsque des parents font un usage illégitime du droit de correction). De plus, la thèse que le droit de propriété confère une liberté absolue à son titulaire est aujourd'hui dépassée.

    Seules subsistent des variations quant à l'analyse du critère de l'abus. La doctrine traditionnelle présente un critère fondé sur l'intention de nuire ; c'est-à-dire que l'exercice de son droit de propriété devient abusif dès lors qu'il est malveillant. Une autre partie de la doctrine se fonde sur un critère de résultat selon une vision économique : l'exercice du droit de propriété devient abusif dès lors qu'il cause un dommage excessif (- anormal - disproportionné - démesuré) au tiers. Une dernière partie de la doctrine s'attache à un critère fonctionnel ou finaliste, plus flou, soit l'exercice du droit de propriété devient abusif lorsque le propriétaire utilise son droit selon une destination contraire à sa destination sociale.

    Cette théorie de l'abus du droit de propriété fait l'objet d'une consécration jurisprudentielle largement posée à travers des affaires célèbres : les fausses cheminées (édification de fausses cheminées pour nuire - Cour de Colmar, 02/05/1855, D.1856.II.9), les sources Saint-Galmier (forage dans le terrain voisin - Req. 10/06/1902, D.1902.I.454) ou les dirigeables de Clément-Bayard (dirigeables et carcasses de bois - Req. 03/08/1915, D.1917.1.79). Dans toutes ces affaires et les suivantes, la jurisprudence constante consacre que le droit de propriété est susceptible d'abus, à travers une action (construction, destruction, ...) ou d'une abstention (opposition, interdiction).

    La jurisprudence a choisi comme critère spécifique celui fondé sur l'intention de nuire. C'est donc la volonté de nuire qui rend abusif l'exercice du droit de propriété. Donc, abuse de son droit, le propriétaire qui l'exerce dans le seul but de nuire à autrui. Les juges font alors une recherche des intentions du propriétaire (mobiles). Toutefois, les arrêts s'appuient sur deux types de constatations matérielles pour parvenir à ce critère : un réel dommage à autrui (nuisible) et une activité dommageable dépourvue de toute utilité pour son auteur (inutile). Nuisible et inutile, l'exercice du droit de propriété apparait dès lors utilisé dans le seul but de nuire à autrui (nuisible + inutile = intention de nuire).

    La théorie de l'abus de droit est rattachée à la responsabilité civile délictuelle pour ce qui est de l'obligation de réparer, ce qui permet de faire une application de la théorie de la causalité : celle du dommage et celle de la réparation adéquate. Le juge retiendra alors le moyen le plus adéquate pour réparer le dommage : - en nature, pour faire cesser le trouble ; - en argent, pour indemniser le trouble.

    2° Les troubles anormaux de voisinage

    Les troubles anormaux de voisinage se rapporte à l'abus de droit, bien qu'ils en soient distincts. La jurisprudence consacre les inconvénients anormaux de voisinage, contentieux en plein essor. Ces troubles ne concernent que les rapports de voisinage : entre propriétaires voisins, entre copropriétaires, entre un propriétaire et un locataire, entre locataires ou colocataires.

    "Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage" ... donc lorqu'une personne, dans l'exercice de ses activités licites et normales, cause à son voisin ou à son environnement un dommage excédant la mesure des inconvénients normaux de voisinage, cette personne engage sa responsabilité à l'égard des victimes du trouble : bruits, fumées, suies, odeurs nauséabondes, poussières, privation de soleil, ....

    Les données du problème supposent 4 données : l'activité dommageable est utile voire indispensable à son auteur ; l'activité dommageable est licite en elle-même (la faute n'est donc pas une condition de responsabilité) ; l'activité dommageable n'est ni malicieuse, ni malveillante ; l'activité dommageable est donc seulement dommageable (puisqu'utile, licite, non malveillante). Le trouble de voisinage répond donc à un critère objectif de résultat : c'est une activité qui cause à autrui un dommage.

    La jurisprudence retient la solution que l'auteur du trouble anormal de voisinage doit le réparer. Cette responsabilité est retenue sur le fondement d'une condition unique : le caractère anormal du trouble. Le juge va rechercher si le trouble est anormal, sans recherche d'une faute de l'auteur ou d'une malveillance. Le juge caractérisera ce trouble en fonction des circonstances. Il peut être à intervalles, mais doit rester relativement continu et durable ; mais peut résulter d'une action consommée en une seule fois (travaux provoquant des effondrements). Cette question reste à l'appréciation souveraine des juges du fond.

    La Cour de Cassation exerce un contrôle sur les erreurs de droit et vérifie si les juges du fond caractérisent suffisamment le dommage comme anormal et comme continu.

    L'auteur du trouble est donc tenu de réparer le dommage qu'il cause, selon la théorie de la réparation adéquate qui commande le choix du moyen le plus approprié. Les juges du fond fixent les modalités de réparation qui leur paraîssent les plus convenables ; et donc, la mesure permettant de mettre fin au trouble. Cette mesure peut passer par un dispositif neutralisant le trouble, peut aussi passer par la suppression de l'installation source du trouble, mais aussi par une indemnisation par une somme d'argent.

    Il existe des difficultés particulières. La première question concerne le cas de l'antériorité de l'occupation des lieux : c'est l'exception de préoccupation. Le droit de l'urbanisme a tranché en sa faveur. Donc, celui qui construit, acquière ou loue dans un lieu où s'exerce déjà des activités agricoles, industrielles, artisanales ou commerciales dommageables pour le voisinage, dénie tout droit à réparation, sauf en cas d'aggravation ultérieure du trouble.

    La seconde question concerne la vulnérabilité de la victime au trouble de voisinage. Il a été admis que la faiblesse personnelle de la victime est de nature à dégager de toute responsabilité l'auteur du trouble. Mais, c'est plutôt un élément d'appréciation parmi d'autres, sans qu'il ne soit décisif.

    Il faut remarquer que ce contentieux dépasse largement l'échelle des conflits individuels entre voisins... pour s'adapter aux dommages causés à tout un voisinage d'un aéroport...